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samedi, mai 06, 2017

POLITIQUE QUÉBÉCOISE Pierre Moreau s’en prend à Québecor

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Le PLQ est victime d'acharnement politico-médiatique, accuse le ministre

4 mai 2017 | Marco Bélair-Cirino - Correspondant parlementaire à Québec | Québec
Le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, a dit tout haut mercredi ce que répètent tout bas ses confrères depuis quelques semaines : Québecor média ne ménage aucun effort pour discréditer le Parti libéral du Québec. « Ça ressemble […] à un tir groupé qui est presque une position politique à l’encontre du parti qui représente le gouvernement », a-t-il déclaré lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale.
 
Photo: Capture d'écranViolette Trépanier
Le ministre s’était fait interpeller quelques minutes plus tôt sur la une du Journal de Montréal et du Journal de Québec sur laquelle apparaissait une photo de l’ancienne directrice du financement du PLQ, Violette Trépanier, assortie du titre « Les secrets de Violette » en gros caractères.
 
M. Moreau a reproché au bureau d’enquête de Québecor média d’avoir conclu de façon prématurée que Mme Trépanier « n’a pas dit toute la vérité » lors de sa comparution à la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction en juin 2014.
 
À la question du procureur Paul Crépeau « Y a-t-il des gens qui vous ont remis des curriculum vitae lors d’activités de financement [du PLQ] ? », Mme Trépanier avait répondu sous serment : « Dans mes treize ans, c’est peut-être arrivé cinq, six fois, et c’était toujours des postes non rémunérés. » Elle a aussi nié avoir promu la candidature de donateurs ou de membres du PLQ à des postes d’administrateurs d’organismes publics.
 
Après avoir passé au crible des courriels signés par Mme Trépanier, Le Journal soutient qu’elle a obtenu au moins seize CV de personnes désireuses de siéger à des conseils d’administration, et ce, seulement en 2007-2008.
 
L’ex-ministre déléguée à la Condition féminine « aidait des donateurs libéraux à se rapprocher du pouvoir », suggère Le Journal dans sa dernière livraison.
 
M. Moreau s’est désolé de voir la presse « tirer des conclusions de renseignements qui sont essentiellement parcellaires »« En médecine, je pense qu’on appelle ça de l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire qu’on beurre épais pas mal », a-t-il déclaré, jetant le doute sur les motivations profondes de membres de l’équipe de reporters de Québecor. « Il y a un dessein, dont on commence à cerner les contours », a-t-il spécifié.
 
Les « enquêtes » devraient être la chasse gardée de la police, a aussi soutenu Pierre Moreau mercredi. Contrairement aux journalistes, les policiers ont, « eux »« la fonction d’aller au fond des choses ». « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées. »
 
Par ailleurs, le ministre a parlé de supposées dissensions au sein du bureau d’enquête de Québecor média. « Privément, je reçois des messages de gens qui sont désolés. Eh bien, les personnes désolées et moi, privément, on sait qu’elles sont désolées, mais publiquement elles ont fait un grand spectacle pendant des heures qui n’allait pas dans le sens du fait qu’elles étaient désolées », a-t-il lancé à la presse. Il faisait alors allusion à un reportage diffusé la semaine passée le dépeignant comme le complice de Schokbeton et de Violette Trépanier. TVA Nouvelles n’avait pas ses explications dans la première version de son reportage, selon lui.
 
Le chef du bureau d’enquête au Parlement, Antoine Robitaille, a préféré ne pas commenter. Autrement, « ça détourne[rait] l’attention des reportages » de Québecor média.
 
La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a également réservé ses commentaires.
La liberté d’expression ne permet pas de dire tout ce qui nous passe par la tête. La liberté de la presse, ce n’est pas de bâcler son travail.
Pierre Moreau, en marge de la Journée mondiale de la liberté de la presse
Climat de suspicion
 
Plusieurs libéraux ont été piqués au vif par des gazouillis du président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau — l’ex-chef péquiste soulignait le travail « essentiel » du bureau d’enquête —, et sa tournée des locaux de Québecor à la Tribune de la presse il y a une semaine.
 
Pourtant, ils avaient souhaité la meilleure des chances à l’homme d’affaires lorsque celui-ci a repris les commandes de Québecor en février dernier. « Il n’est plus en politique, alors M. Péladeau a le droit de faire ce qu’il souhaite de sa vie. Puis, je pense que c’est un homme d’affaires qui est très intégré à Québecor », avait déclaré M. Moreau.

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PARTI CONSERVATEUR Le passé séparatiste de Maxime Bernier rappelé aux Albertains

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5 mai 2017 | Marie Vastel - Correspondante parlementaire à Ottawa
Le passé séparatiste de Maxime Bernier pourrait-il lui nuire en Alberta, ou nuire aux députés qui l’appuient?
Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne

Le passé séparatiste de Maxime Bernier pourrait-il lui nuire en Alberta, ou nuire aux députés qui l’appuient?
Le passé séparatiste de Maxime Bernier revient le hanter dans l’ouest du pays. Un tract distribué dans quelques circonscriptions albertaines, et dont Le Devoir a obtenu copie, prévient des citoyens que leur député provincial n’appuie nul autre… qu’un nationaliste québécois.
 
Une simple photocopie en noir et blanc a atterri dans les boîtes aux lettres de résidents d’au moins quatre circonscriptions du centre de l’Alberta. Le tract affiche une photo de Kevin O’Leary et le cite en entrevue début mars : « Il doit être séparatiste, dit-il au sujet de Maxime Bernier. Il laisse entendre que le Québec ne fait pas partie du Canada. » Une photo de Maxime Bernier accompagne une seconde citation, de la part du député beauceron, cette fois-ci sur son passé séparatiste : « Oui, je suis un Québécois très nationaliste », disait-il à Radio-Canada en juillet 2016. « Votre député provincial appuie fièrement Maxime Bernier », conclut le dépliant.
 
Perplexes quant à l’origine du tract, qui n’est pas signé, des électeurs ont appelé les bureaux de quatre députés du Wildrose albertain.
 
Dans la circonscription de Jason Nixon, « plusieurs appels » ont été faits depuis une semaine afin de savoir si le tract était le sien. « Personne ne pose plus de questions que ça », a indiqué une adjointe. À l’est, le bureau de Rick Strankman a eu droit à deux coups de fil, mais on n’y voit rien de plus qu’une « campagne de salissage » et non un grand enjeu. Au nord, un résident de la circonscription de Wes Taylor s’est inquiété que cela nuise à son député. M. Taylor « ne croit pas que cela affecte sa réputation »,a relaté son adjoint Lee Cooper. « La majorité des gens vont le jeter à la poubelle et l’oublier. »
 
Un passé inconnu
 
Le député Derek Fildebrandt a reçu deux appels, mais minimise l’impact du tract, qui selon lui « n’est pas la publicité négative la plus futée »« Maxime Bernier est un fier Canadien », a-t-il martelé.
 
Son passé séparatiste pourrait-il néanmoins lui nuire en Alberta, ou nuire aux députés qui l’appuient ? M. Fildebrandt a nié ce passé, jusqu’à ce que Le Devoir lui apprenne que M. Bernier avait travaillé pour Bernard Landry au ministère des Finances à la fin des années 1990.
 
L’équipe de campagne de Maxime Bernier n’a pas voulu commenter le dépliant. « Ça fait 10 ans que Maxime est député fédéral. […] Maxime a prouvé qu’il est fédéraliste. Personne ne remet ça en doute », a martelé un stratège en arguant quant à lui que son passé était bien connu. « La majorité des Albertains sont au courant et ça ne les dérange pas. »
 
Front commun agricole
 
Maxime Bernier affronte en outre la fronde des agriculteurs québécois, qui veulent l’empêcher d’abolir la gestion de l’offre.
 
Le groupe Les Amis de la gestion de l’offre s’est mobilisé, dans le cadre de la course à la chefferie, afin de lui barrer la route. Des 16 000 membres conservateurs au Québec, 12 000 se seraient inscrits depuis le début de la course et la moitié seraient issus des Amis de la gestion de l’offre. Le fondateur du groupe, Jacques Roy, a invité jeudi tous ses membres à voter pour Andrew Scheer, qui serait le second meneur selon les sondages. « M. Scheer est le candidat qui a le plus d’appuis parmi les députés du Québec » et « le candidat qui a les meilleures chances de l’emporter devant Maxime Bernier », a fait valoir M. Roy par voie de communiqué.
 
Le camp Bernier est bien conscient que les agriculteurs dominent 37 circonscriptions du Québec, mais estime qu’ils iront chercher 100 % du vote dans seulement 20 comtés. Ce seraient donc 2000 points qui échapperaient à M. Bernier, sur les 7800 points que compte le Québec pour le vote (100 points par circonscription). Un calcul qui n’inquiète pas la campagne du candidat beauceron.

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LIBRE OPINION L’école du mensonge

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2 mai 2017 | Réjean Bergeron - Professeur de philosophie au cégep Gérald-Godin
Dans un monde qui carbure aux résultats plutôt qu’à la réussite, on se préoccupe davantage d’augmenter son taux de diplômation, défend l'auteur.
Photo: iStock

Dans un monde qui carbure aux résultats plutôt qu’à la réussite, on se préoccupe davantage d’augmenter son taux de diplômation, défend l'auteur.
La belle affaire ! Les médias et une partie de la classe politique, y compris le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, viennent de découvrir que certains acteurs du milieu de l’éducation tripotent les notes des élèves, qu’un 58 %, par exemple, peut miraculeusement se transformer en 60 %, et ce, parfois même à l’insu des enseignants concernés. Face à cette « nouvelle » qui, en fait, était connue de tout le réseau de l’enseignement, voilà que certains envisagent même de mettre sur pied une commission parlementaire pour faire la lumière sur ce terrible « scandale » qui a plutôt les allures d’un triste secret de Polichinelle.
 
Mais de quoi parle-t-on ici ? De chiffres, de statistiques et de moyennes. Et si l’arbre de la note de passage nous cachait la forêt de la réelle réussite ? Car, en fait, la question n’est pas tant de savoir si un élève qui a 58 % mérite la note de passage, mais plutôt de s’interroger sur la réelle valeur du diplôme que le système d’éducation serait prêt à lui accorder. Dans un monde qui carbure aux résultats plutôt qu’à la réussite, qui se préoccupe davantage d’augmenter son taux de diplomation, quitte à manipuler là aussi les données, il serait beaucoup plus sage de s’interroger sur la valeur et la qualité de notre système d’éducation et de ce qui est enseigné aux élèves.
 
Moi qui enseigne au niveau collégial depuis des années, qui ai vu passer des générations d’étudiants, je peux témoigner du fait que notre société se complaît dans un mensonge collectif : nous mentons à une bonne partie des élèves du primaire et du secondaire en leur faisant croire qu’ils seront bien préparés pour réussir leurs études supérieures et leur vie d’adulte. Nous mentons bien évidemment à leurs parents pour les mêmes raisons et, en plus, nous nous mentons à nous-mêmes en nous gargarisant de ces formules creuses qui affirment que « l’éducation est importante pour nous » ou que « nous vivons dans une société du savoir ».
 
Choc et humiliation
 
Ces élèves à qui on a menti pendant toutes ces années, à qui on a dit qu’ils étaient bons, fantastiques et en mesure de réaliser leurs rêves, pouvez-vous imaginer le choc et l’humiliation qu’ils subissent lorsque, arrivés au cégep ou à l’université, ils se rendent compte, ou se font dire par certains professeurs qui décident de ne plus leur dorer la pilule, qu’ils ont de graves problèmes de lecture et d’écriture, qu’ils manquent de vocabulaire, de repères historiques, de culture ou de méthode de travail ; en somme, qu’ils n’ont pas ce qu’il faut, loin de là, pour réussir des études supérieures !
 
J’ai parfois l’impression que le travail de l’enseignant de niveau collégial se compare à celui du médecin qui a la pénible tâche d’annoncer à certains de ses patients qu’ils sont atteints, à leur grande surprise, d’une grave maladie, sauf qu’ici cette « maladie » prend la forme d’une impuissance linguistique et d’une déculturation chez les élèves qui en sont atteints.
 
Ce sont ces mensonges qui se transmettent d’une année à l’autre, d’un niveau à l’autre à l’intérieur de notre système d’enseignement qui finissent par créer, à force de s’accumuler, une fracture dans nos salles de cours où, d’une part, se retrouvent des étudiants qui ont été très bien ou correctement formés et, de l’autre, tous ceux qui ont été dupés, trompés, à qui on a fait croire qu’ils étaient bien outillés pour affronter la vie et entreprendre des études collégiales.
 
Parfois, je me dis que tous ces jeunes qui ont ainsi été leurrés et trompés par cette machine à mensonges que représente notre système d’éducation devraient intenter un recours collectif contre le gouvernement pour négligence criminelle.
 
À la suite de toutes ces manchettes dans l’actualité au sujet de la manipulation des notes, le journaliste Sébastien Bovet de RDI a interviewé le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx. À la toute fin de l’entrevue, le journaliste lui a demandé s’il favorisait plutôt le développement des connaissances ou bien celui des compétences chez les élèves. Le ministre a alors répondu que c’était « correct » de favoriser le développement des compétences puisque « 50 % des emplois que nos enfants occuperont ne sont pas connus », reprenant ainsi à son compte ce fameux mythe pédagogique sans aucun fondement, éculé et franchement ridicule pour qui y réfléchit deux minutes.
 
Ainsi, on aura beau faire des réformettes, implanter des cours bidon pour épater la galerie ou mettre sur pied des commissions parlementaires pour se pencher sur les problèmes qui minent notre système d’éducation, tant et aussi longtemps que le ministre et ses fonctionnaires continueront de s’abreuver jusqu’à plus soif de légendes pédagogiques de ce type pour se donner bonne conscience, ce sont ces jeunes qui souvent viennent des milieux moins favorisés et qui n’ont pas eu la chance de fréquenter des écoles privées ou à projet particulier qui continueront à subir les contrecoups de nos turpitudes collectives.

Présidentielle: les Français de Montréal font la file pour voter au deuxième tour

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6 mai 2017 14h24 |Marie-Lise Rousseau | Actualités en société
Dès 8h ce matin, des gens faisaient la file aux portes du Collège Stanislas, dans le quartier Outremont, à Montréal.
Photo: Catherine Legault Agence France-Presse
Dès 8h ce matin, des gens faisaient la file aux portes du Collège Stanislas, dans le quartier Outremont, à Montréal.
Malgré les mesures apportées par le consulat afin d’améliorer les conditions de vote, les Français de Montréal ont de nouveau attendu jusqu’à trois heures samedi pour voter au deuxième tour de l’élection présidentielle.

Les électeurs devaient choisir qui d’entre Emmanuel Macron, du mouvement En marche !, et Marine Le Pen, du Front national, sera le prochain président de la République.

La file devant le Collège Stanislas, dans Outremont, était cette fois-ci aménagée en forme de serpentin sur la rue Dollard. Plusieurs centaines de personnes attendaient depuis 8 h, heure d’ouverture des 24 bureaux de vote.

Rappelons qu’au premier tour, de nombreux électeurs s’étaient plaints du temps d’attente trop élevé et du manque d’information sur place. Plus tôt cette semaine, le consulat avait annoncé des mesures pour réduire l’attente, notamment l’ajout de files prioritaires ainsi que l’accès à des toilettes chimiques sur le site.

Des électeurs rencontrés samedi avant-midi dans la cour du Collège, près de l’entrée des bureaux de vote, ont affirmé patienter depuis trois heures. Selon le consulat, il y avait environ deux heures trente d’attente pour les électeurs dans la file principale.
Photo: Marie-Lise Rousseau Le Devoir


Vers la moitié de la file d’attente, bon nombre d’entre eux patientaient café et parapluie à la main. « Ça fait une heure trente qu’on est là et il nous reste encore plus d’une heure d’attente. La file est mieux faite, ça avance plus vite, mais, question de temps, c’est pareil », ont affirmé Mickael et François, deux électeurs.

« Ils ont fait un colimaçon, mais on attend depuis deux heures, donc ça change rien », a déclaré une électrice, Diane Agnan. Selon Kevin Boucher, « c’est mal organisé. Il y a cinq ans, on n’attendait même pas une heure ».

Malgré le temps d’attente inchangé, le consulat semblait satisfait sur place. « Les gens sont contents, on a des files prioritaires, ça se passe parfaitement bien aujourd’hui », a déclaré un employé, Bernard Messager. Selon lui, le temps d’attente élevé est inévitable, puisqu’il y a « énormément de Français ici ». Près de 58 000 électeurs Français sont inscrits sur la liste électorale à Montréal.

Améliorations aux files prioritaires

Une attente similaire à celle du premier tour, donc, mais davantage de bénévoles étaient sur place pour diriger les personnes âgées, celles à mobilité réduite ainsi que les familles avec des enfants en bas âge et les femmes enceintes, pour lesquelles deux files prioritaires ont été aménagées.

Les électeurs de ce côté semblaient satisfaits des changements apportés. Tous ceux rencontrés pas Le Devoir ont dit avoir attendu moins de temps qu’au premier tour. « C’est assez rapide, les gens sont contents », a déclaré une bénévole du consulat. « On a attendu moins de 20 minutes, ça s’est passé beaucoup mieux qu’au premier tour », a rapporté Audrey, une mère de famille.

Toutefois, les familles avec des enfants en bas âges devaient laisser leur poussette dans une consigne, ce qui n’a pas été pratique pour plusieurs. « Avec mon fils c’est compliqué, parce qu’il bouge beaucoup », a déclaré Florence, qui a attendu 40 minutes pour voter, soit près d’une heure de moins qu’au premier tour.

Quelques jours après le premier tour, qui avait lieu le 22 avril, une pétition réclamant un deuxième lieu de vote pour le deuxième tour avait recueilli plus de 5000 signatures. Cette option a été écartée par le consulat, mais selon un employé consulaire, Bernard Messager, « on sera dans l’obligation d’avoir un deuxième lieu de vote » pour la prochaine élection, en 2022.

Le vieux singe

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Michel David
6 mai 2017 |Michel David | Québec | Chroniques
On n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace, et Robert Lafrenière en est un. Jeudi, il en était à sa douzième comparution devant une commission parlementaire, dont neuf en six ans à titre de grand patron de l’UPAC. De son propre aveu, il est devenu une sorte d’expert en la matière. Il sait parfaitement ce qu’il faut dire et ne pas dire. Ce n’était ni le moment ni le lieu des grandes révélations, mais l’habileté de son témoignage avait de quoi impressionner.
 
Aussi longtemps que le choix du commissaire de l’UPAC et du directeur de la SQ sera à la discrétion du gouvernement, sans l’approbation des deux tiers de l’Assemblée nationale, il s’en trouvera toujours pour douter de leur indépendance. Une méfiance que l’habitude des allers-retours entre la police et le ministère de la Sécurité publique n’est pas de nature à atténuer.
 
M. Lafrenière n’en avait pas moins des airs d’Eliot Ness durant son interrogatoire. À l’entendre, rien, ni personne, ne pourrait l’empêcher de passer les menottes à tous ces mécréants. « Il n’y a jamais eu de tentative de m’influencer en six ans. Celui qui essaierait, ce serait catastrophique pour lui, tout se sait. » À bon entendeur, salut !
 
Même les députés de l’opposition, qui l’attendaient de pied ferme, ont paru rassurés par sa volonté de mener à terme l’enquête Mâchurer, qui vise Jean Charest et son collecteur de fonds, Marc Bibeau, et de transmettre le dossier à la Direction des poursuites criminelles et pénales (DPCP), peu importe les conséquences politiques. Autrement dit, s’il n’y a pas d’accusations, ce n’est pas lui qu’il faudra blâmer.
 
Les explications qu’il a données pour justifier la lenteur de l’enquête étaient très convaincantes. Tout le monde comprendra que des gens menacés d’être traduits devant les tribunaux vont utiliser tous les moyens légaux possibles pour faire traîner les choses. Bref, un remarquable plaidoyer.
 
Le déplaisir que lui ont causé les fuites dont les médias de Québecor ont bénéficié était tout aussi manifeste, comme sa détermination à mettre la main au collet du « bandit » qui en est à l’origine. À aucun moment il n’a cependant mis en doute l’authenticité des courriels et autres documents qui ont été publiés.
 
Contrairement à Pierre Moreau, M. Lafrenière s’est bien gardé d’adresser le moindre blâme aux médias. Il ne voudra jamais admettre que ces fuites ont pu avoir un effet positif, mais il peut maintenant avoir l’assurance que personne au gouvernement n’osera lui suggérer de modérer ses ardeurs.
 
On peut facilement comprendre la frustration des libéraux, qui assistent impuissants à l’étalage de leur turpitude, mais le procès d’intention que le président du Conseil du trésor a intenté à Pierre Karl Péladeau ne peut qu’être contre-productif. Soit, M. Péladeau aurait pu avoir la satisfaction plus discrète, mais tout le monde se souvient que, n’eussent été les enquêtes journalistiques, le gouvernement Charest n’aurait jamais accepté de créer la commission Charbonneau. M. Moreau a peut-être marqué des points au sein de son caucus, mais donner l’impression de vouloir intimider la presse était la dernière chose à faire.
 
La bonne nouvelle pour les libéraux est que les allégations du président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, semblent se dégonfler. Le commissaire de l’UPAC et le directeur de la SQ, Martin Prudhomme, ont été aussi catégoriques que la DPCP l’avait été la semaine dernière : ils n’ont pas trouvé la moindre trace de ces écoutes électroniques dont deux élus libéraux soupçonnés d’avoir favorisé un promoteur immobilier lié à la mafia auraient fait l’objet.
 
D’éventuelles poursuites contre Jean Charest causeraient évidemment un tort considérable à l’image du PLQ, mais M. Couillard pourrait encore plaider que cela appartient au passé, si détestable qu’il ait pu être. Les choses se compliqueraient si un député qui siège actuellement à l’Assemblée nationale, voire au Conseil des ministres, était épinglé. Les manigances de Sam Hamad et de Marc-Yvan Côté pour favoriser Premier Tech remontaient aussi à l’ère Charest, mais M. Couillard a quand même jugé nécessaire de sacrifier M. Hamad sur l’autel de l’intégrité.
 
Le premier ministre disait récemment qu’il croyait avoir fait des adieux définitifs à la politique quand il a quitté le cabinet Charest en 2008. À l’époque, il n’était pas disposé à vivre le long purgatoire qui aurait normalement dû suivre la défaite de 2012, comme cela avait été le cas après celles de 1976 et de 1994. Il a repris du service quand il s’est rendu compte que la marque libérale avait été moins amochée qu’il l’avait craint au départ. Il y avait néanmoins un prix à payer pour ce raccourci vers le pouvoir, celui de devoir assumer le poids d’un passé trop récent. Un prix qui ressemble quand même à une aubaine.

Robert Lafrenière : éloquent, convaincant, mais…

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PUBLIÉ AUJOURD'HUI À 4 H 56
Robert Lafrenière, commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), le 4 mai devant la commission parlementaire en sécurité publique à l'Assemblée nationale.
Robert Lafrenière, commissaire de l'Unité permanente anticorruption Photo : La Presse canadienne/Jacques Boissinot

Les avocats de Bibeau ont ralenti l'enquête Mâchurer

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PUBLIÉ LE JEUDI 4 MAI 2017 | Mis à jour le vendredi 5 mai 2017 à 18 h 56