À l’été 2002, dans le premier discours que j’ai écrit pour Jean Charest, j’avais parlé de « l’État québécois » sans même y penser, en référence à ce grand tout formé de nos institutions et de notre gouvernement, comme tant de gens le faisaient et le font toujours. Il m’avait alors dit qu’il n’avait jamais employé cette expression et je lui avais répondu que je n’avais jamais désigné le Québec par le mot « province ». C’est la première discussion que j’ai eue avec lui.
Quelques années plus tard, Jean Charest faisait une utilisation spontanée des mots « peuple » et « nation ». Ce n’est pas à cause de moi. C’est à cause de la fonction. Quand on devient le chef du gouvernement du Québec, on devient pétri par la réalité politique et culturelle unique du Québec et de ses gens. Concevoir le Québec comme une nation coule alors de source. Cela devient une évidence, même pour quelqu'un qui a longtemps siégé à Ottawa.
Le Québec est une sorte de miracle de l’histoire politique. Notre peuple a su par-delà les ans et les événements faire échec à la loi du nombre pendant des siècles pour bâtir en terre d’Amérique une société francophone qui compte parmi les plus prospères. Il n’y a pas beaucoup d’équivalents d’une telle opiniâtreté dans le monde.
Cette compréhension est largement partagée par les députés de l’Assemblée nationale, même si la discussion sur le statut politique du Québec vient à les opposer. Pour les fédéralistes, les Québécois ne devraient pas tourner le dos au pays qu’ils ont fondé. Pour les souverainistes, le destin du Québec-nation appelle le pays par simple cohérence. Mais chez les uns comme chez les autres, pour un grand nombre d’entre eux à tout le moins, il y a une part de blessure dans leur choix. Par exemple, beaucoup sont devenus souverainistes après l’échec de Meech; beaucoup sont restés fédéralistes malgré cet échec. La discussion sur le statut politique du Québec mêle le bon gré et le malgré.
Comme leader fédéraliste, Philippe Couillard est-il en rupture avec ses prédécesseurs? Est-il le tenant de ce qu’on pourrait appeler un fédéralisme béat, un fédéralisme d’adoration? C’est ce que soutiennent mon collègue Stéphane Gobeil, notamment ici et Mathieu Bock-Côté ici.
Devant le parlement ontarien, le 11 mai dernier, Philippe Couillard a prononcé son discours le plus « nationaliste » depuis qu’il est en fonction.
En voici deux courts extraits :
« Comme premier ministre du Québec, j’assume le rôle primordial de chef d’État de la seule société à majorité francophone d’Amérique. Cette caractéristique unique est une fierté, mais également une grande responsabilité. »
« Le caractère spécifique du Québec doit nécessairement être formellement reconnu. Cette reconnaissance, redisons-le, est le reflet d'une réalité évidente qui participe à la définition même du pays »
Mais à nul moment dans ce discours, il n’a spécifiquement parlé du Québec comme d’un peuple ou d’une nation. Il a fait un éloge du Canada et de son ouverture, disant notamment : « Depuis 1980, partout au Canada on assiste à la multiplication des classes et des écoles d’immersion française, ce qui témoigne d’une présence accrue de francophiles et de leur désir de transmettre à leurs enfants une part de notre héritage francophone. »
À Toronto, le premier ministre du Québec a prononcé un discours qui aurait très bien pu être prononcé par un ministre fédéral québécois.
Philippe Couillard parle du Canada avec une ferveur qu’on ne connaissait pas et qui est déstabilisante. Quand il allègue, par exemple, devant ses militants en congrès que l’histoire est mal enseignée, il s’avance sur un terrain qui ne devrait pas être celui des politiciens, comme le dit bien Mario Dumont. Si notre histoire a eu ses colombes, comme Lafontaine et Baldwin, elle n’a pas manqué de faucons. On ne peut pas centrer son regard que sur la moitié des volatiles.
Ce qui étonne chez Philippe Couillard, c’est que s’il parle avec emphase du Québec dans le Canada à Toronto, il semble parler avec embarras du Québec aux Québécois. Le projet de loi faiblard sur la neutralité religieuse de l’État, qui est en-deçà des recommandations de la Commission Bouchard-Taylor, ou sa proposition brutale d’augmenter l’immigration ne sont que deux exemples récents de son insensibilité envers les Québécois et ce qui les touche. En fait, lorsque Philippe Couillard parle du Québec aux Québécois, on pourrait presque dire qu’il le fait davantage comme le PDG d’une société de gestion attaché à des objectifs financiers que comme le premier porte-parole de la seule nation francophone d’Amérique.
À l’heure où les souverainistes se redonnent une cohésion, Philippe Couillard devra apprendre à parler du Québec aux Québécois dans une perspective plus transcendante que le déficit zéro.
Le billet de Patrice Servant sur ce qu’il nomme la « rhétorique victimaire » des souverainistes invitait une réponse, mais j’avoue avoir cherché longtemps par quel bout le prendre. C'est que pour illustrer son propos, Patrice reprend tellement de vieux arguments poussiéreux du camp fédéraliste que j'avais l'impression qu'il en appelait à la modernisation du discours fédéraliste! L'autre difficulté était de répondre à des affirmations tellement caricaturales.
Il affirme, par exemple, que « les souverainistes vivent dans un univers assombri. Ils voient notre société, comme la proie d’une sorte de conspiration anti-Québec qui sévirait dans le reste du Canada. Le Québec comme la brebis d’un pays de loups. »
C’est à la fois si bien écrit et tellement caricatural. « La brebis d’un pays de loup »...Quand même ! Je ne sais de quel souverainiste il parle, n’ayant jamais vu ce type de rhétorique, ni au Bloc, ni au PQ, ni chez QS, ni à ON.
J’ai moi-même écrit des centaines de discours et des dizaines de textes de fond et jamais ce type de rhétorique « victimaire » n’a eu droit de cité. Patrice aborde une question fondamentale par le mauvais bout de la lorgnette. Quand on compare le statut de province à celui de pays, on doit constater que le Québec est bel et bien menacé, pas par des forces obscures venues de l’extérieur, mais par ce statut de province qui laisse une autre nation décider pour nous. Que le Canada ait la politique de ses intérêts, rien de plus normal. Et quand les intérêts canadiens entrent en collision avec ceux du Québec, le Canada décide. C’est comme ça. Il n’y a pas de complot.
Après avoir reproché à Philippe Couillard son fédéralisme béat, c’est comme si mon coloc de blogue voulait que les souverainistes se mettent eux-mêmes à pratiquer un souverainisme béat. Ce qui est particulier, c’est que pour soutenir son propos, Patrice multiplie les exemples qui démontrent que notre statut de province nous nuit, pour ensuite nous reprocher de mettre ce fait en lumière.
Prenons ses exemples un à un.
« Ils vont citer pour preuves des décisions qui paraissent inéquitables, comme le fait que la marine canadienne ait ignoré le chantier maritime Davie dans l’octroi de ses derniers contrats. »
Voici un exemple magnifique. Le gouvernement canadien décide de lancer le plus gigantesque appel d’offres de l’histoire – 100 milliards de dollars ! – et décide d’avance que seuls deux chantiers maritimes au Canada pourront obtenir des contrats. Tout le monde sait qu’il y a seulement trois chantiers capables, techniquement, de répondre. Un en Colombie-Britannique, un au Québec et un en Nouvelle-Écosse. Pourquoi limiter l’octroi de contrats à seulement deux des trois chantiers ? C’est purement arbitraire, bien sûr. Il ne s’agissait pas de maximiser les deniers publics. Il s’agissait d’une bataille politique.
Le Québec était vaincu avant même de combattre. Les députés conservateurs du Québec, comme ceux du NPD, avaient décidé d’approuver d’avance la décision. Pendant ce temps-là, ceux de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique se battaient comme des lions. Les gouvernements provinciaux de ces provinces ont également jeté toutes leurs forces dans la bataille. Au Québec, à part le Bloc, c’était l’indifférence. Le gouvernement québécois de l’époque – celui de Jean Charest que servait alors Patrice – ne s’est pas battu. C’est comme si ça ne nous concernait pas.
Comme souverainiste, mon cher Patrice, je ne dis qu’une chose : dans un Québec indépendant, les 20 milliards (la part du Québec) que nous payons pour les navires fédéraux, nous pourrons les investir chez nous, pour créer des emplois et de la richesse chez nous. Comme province, le Québec est soumis à ce type de décision. Comme pays, il ne le sera pas. Rien de victimaire là-dedans.
« Ils vont s’outrager que les impôts fédéraux des Québécois puissent servir à financer des ouvrages au Yukon, comme si les Yukonnais ne contribuaient pas d’une part semblable de leurs ressources à des travaux d’infrastructures fédéraux réalisés au Québec. »
Peut-être suis-je distrait, mais je ne me souviens pas d’avoir vu ou entendu un seul souverainiste (sauf moi, peut-être, mais certainement pas dans ces termes-là) faire référence au Yukon. Je me souviens très bien, par contre, avoir lu Denis Lebel affirmer que le Québec était « dépendant » du Canada. Loin de le contredire, Philippe Couillard a renchéri.
Et puisque tu veux parler du Yukon, savais-tu que le gouvernement fédéral y dépense cinq fois plus – per capita – qu’au Québec ? Et pourtant, si un ministre fédéral s’avisait d’écrire à ses concitoyens du Yukon pour déplorer qu’ils soient si dépendants d’Ottawa, ce ministre devrait démissionner sur le champ. Le problème, ici, ce n’est pas que le Québec soit victime ou non. Le problème, c’est la mentalité provincialiste de ratatinement des élus fédéralistes du Québec, ce que d’une autre perspective tu appelles avec beaucoup de justesse le « fédéralisme béat ».
« Ils (les souverainistes) prétendent que le Québec est saigné économiquement par le Canada. À les entendre, le Canada est une sorte de goulag, même si c’est la fédération la plus décentralisée au monde et que le Québec dispose de pouvoirs qui feraient pâlir d’envie les Catalans et les Écossais. »
Le goulag...Le seul politicien que je connais qui utilise ce mot, c’est Gilles Duceppe. Il l’a repris de Lévesque et ne l’utilise que pour affirmer que « le Canada, ce n’est pas le goulag ».
Patrice poursuit en recyclant la rhétorique de Stéphane Dion voulant que le Canada soit « la fédération la plus décentralisée du monde ». Cette assertion est pour le moins contestable dès qu’on veut bien passer de la théorie à la réalité. Par exemple, selon la Constitution canadienne, les provinces ont le pouvoir exclusif de légiférer dans les domaines sociaux, comme la santé, l’éducation, etc. Ça, c’est la théorie. Dans la pratique, le gouvernement fédéral intervient dans absolument tous les pouvoirs soi-disant exclusifs des provinces, en utilisant massivement le pouvoir de dépenser qu’il s’est lui-même octroyé.
On pourrait en discuter longuement. Mais je ne vois pas en quoi ça concerne les souverainistes. La question n’est pas de savoir si le Canada prend un peu, beaucoup ou énormément de décisions à notre place. La question est de savoir si nous devrions laisser le gouvernement d’une autre nation décider pour nous. Autrefois, les fédéralistes québécois répondaient qu’il fallait demeurer dans le Canada, mais en renouvelant le fédéralisme canadien pour que le Québec ait davantage de pouvoir. Les fédéralistes québécois ont perdu toutes leurs batailles pour réformer le Canada. Toutes !
Tu es bien placé pour le savoir. Combien de fois as-tu écris, pour Jean Charest, « le fruit n’est pas mûr » en référence à l’impossibilité de réformer le fédéralisme canadien dans le sens des intérêts supérieurs du Québec? Et tu voudrais que de notre côté nous passions sous silence toutes les décisions prises à Ottawa qui vont à l’encontre de nos intérêts et de nos aspirations ? Tu voudrais que les souverainistes passent sous silence toutes ces motions unanimes de l’Assemblée nationale ignorées par Ottawa ? Tu voudrais que nous pratiquions un souverainisme béat ? Non merci.
« Pour eux, le Canada menace la culture québécoise, à commencer par la langue. L’affirmation est pour le moins contestable. La première menace réelle à la langue française, c’est nous-mêmes. Nous la massacrons. Nous la parlons mal, nous l’enseignons mal et nous avons sabré dans les services de francisation des immigrants. En outre, l’un des principaux outils de promotion de la langue française est une société fédérale, Radio-Canada. À moins de vouloir couper les signaux télé et internet et interdire la vente des jeux vidéo, les souverainistes auront peu d’effet sur la réalité continentale qui fait du Québec une île francophone dans un océan anglophone. »
Cher Patrice, ce n’est pas le Canada qui menace la langue française, c’est la force de l’anglais. Là-dessus, on est d’accord.
Mais rassure-moi. Dis-moi que tu ne crois pas sérieusement que le français se porte mieux du fait que le Québec soit une province du Canada, plutôt qu’un pays indépendant et francophone ? Que le Canada soit prêt à se porter à la défense de la minorité anglophone au Québec, comme si elle était menacée, c’est un fait indéniable. Que le Québec traite infiniment mieux sa minorité linguistique que le Canada ne le fait envers les francophones hors Québec, c’est une évidence. Quand le gouvernement fédéral ne respecte pas minimalement sa propre politique sur le bilinguisme officiel, ce sont les fédéralistes à Ottawa qui le critiquent avec le plus force. De mon côté, ça fait longtemps que j’ai conclu que ce bilinguisme n’était qu’une façade destinée à jeter de la poudre aux yeux des Québécois francophones. Comme le dit Gilles Duceppe, il y a deux langues officielles à Ottawa : l’anglais et la traduction simultanée.
Il n’y a pas de rhétorique victimaire ici, mais un simple constat. La seule et unique façon d’assurer sur la longue durée l’épanouissement du français consiste à faire du Québec un pays, un pays francophone.
Tu fais grand cas du fait que Radio-Canada soit une société fédérale, comme si le Canada nous avait fait un cadeau ! Il s’agit – c’est inscrit dans la loi – d’un outil devant favoriser « l’unité canadienne ». C’est ce qui explique la surabondance de reportages qui nous proviennent du Manitoba, de la Saskatchewan ou de Windsor, Ontario. C’est « cute », mais qu’est-ce qu’on en a à foutre du dernier fait divers survenu à Régina ? Pour ma part, j’aimerais infiniment mieux plus de reportages en provenance de Londres, d’Abidjan, de Pékin ou de Mexico. Je ne te parle même pas des compressions successives de tous les gouvernements depuis des décennies. Ni des longues émissions pour couvrir les péripéties de la famille royale britannique. Avec mon argent, bâtinsse !
Bien sûr que Radio-Canada constitue un outil de promotion de la langue française. Justement, comment la nation québécoise peut-elle accepter béatement qu’un des principaux vecteurs de sa culture soit contrôlé depuis Ottawa, par des gens qui idolâtrent un clown comme Don Cherry sur les ondes d'une télévision publique?
Mon cher Patrice, dans un Québec indépendant, notre diffuseur public constituera aussi un outil de promotion de la langue française et de la culture québécoise. En prime, nous serons débarrassés des absurdités liées à l’obligation de promouvoir l’unité canadienne ou la famille royale britannique. Au lieu de payer pour des antennes au Manitoba, nous pourrons réinvestir dans les salles de nouvelles de nos régions et au lieu de couvrir les péripéties royales, nous prendrons des nouvelles du Brésil ou de la Chine.
« Si plusieurs ont reproché à Philippe Couillard sa déclaration à l’effet que l’enseignement de l’histoire occultait la contribution de tisseurs de liens comme Lafontaine et Baldwin, les souverainistes ont quant à eux fait une habitude de la lecture partiale de l’histoire. Ils réfèrent inlassablement à la répression des Patriotes et au Rapport Durham qui l’a suivie et qui préconisait l’assimilation des Canadiens français. Ces faits douloureux sont incontestables. Mais dans leur inclination à dépeindre les Anglais comme de vils persécuteurs, les souverainistes prêtent à l’excès à la France le bon rôle de la mère-patrie toujours bienveillante. Or, la France s’est totalement désintéressée du Québec pendant plus d’un siècle après avoir préféré le rhum des Antilles aux fourrures du Nord. C’est ce qu’on appelle « le grand silence » dans les relations France-Québec. La riche amitié d’aujourd’hui entre la France et le Québec n’a pas toujours été. Il serait probablement correct de dire qu’à une époque où les minorités n’étaient promises à aucun autre destin que l’assimilation, les Anglais n’ont pas été pires tourmenteurs de nos ancêtres que ne l’ont été les Français en d’autres contrées. Les douleurs de la décolonisation française nous en fournissent un indice. »
Ce long laïus, tu me permettras de te le dire franchement, Patrice, est parfaitement ridicule. Tu nous parles d’une lecture partiale de l’histoire, ce que jamais René Lévesque n’a fait. Ni Parizeau, ni Duceppe, ni même PKP. Au Québec, l’histoire est largement occultée, diluée, écartée. Quant à dépeindre les Anglais « comme de vils persécuteurs », là encore tu caricatures. Ce serait pardonnable si tu voulais être drôle, mais tu sembles sérieux. Comment imaginer que Parizeau, un homme qui s’enorgueillissait de son accent et des ses airs britanniques, puissent décrire les Anglais « comme de vils persécuteurs » ? Comment pourrais-tu imaginer que Duceppe, qui se décrit non sans humour comme « a Bloque who turned Bloc » pourrait sombrer dans cette rhétorique caricaturale que tu évoques ?
Dans ta démonstration, tu nous dis en quelque sorte qu’à l’époque coloniale, les Français ont agi aussi durement que les Anglais. Si tu veux mon avis, les Français de l’époque furent encore pire que les Anglais. Pour t’en convaincre, je t’invite à lire «La traite des noirs», d’Albert Londres. Je te donne donc raison là-dessus, mais je ne vois pas le rapport avec notre histoire. Ce ne sont quand même pas les Français qui ont brûlé les granges de nos ancêtres patriotes ou pendu Louis Riel. Ce ne sont pas les Français qui ont interdit les écoles françaises en Ontario.
Encore là, tu voudrais que les souverainistes fassent l’impasse sur les pages sombres de notre histoire. Ce serait encore une fois tomber dans la béatitude. Cela dit, chaque fois que j’ai eu à écrire pour un leader souverainiste à propos de notre histoire, la part belle allait tout le temps au côté lumineux de notre parcours comme peuple. Ce que tu as écris en ouverture, que je reproduis ici, je l’ai moi-même écris, sous une forme ou sous une autre, des dizaines de fois :
« Le Québec est une sorte de miracle de l’histoire politique. Notre peuple a su par-delà les ans et les événements faire échec à la loi du nombre pendant des siècles pour bâtir en terre d’Amérique une société francophone qui compte parmi les plus prospères. Il n’y a pas beaucoup d’équivalents d’une telle opiniâtreté dans le monde. »
Sur cette question de l’histoire, je terminerai encore une fois par un plaidoyer positif en faveur de l’indépendance. Dans le contexte actuel, la peur que l’enseignement de l’histoire soit instrumentalisé par les fédéralistes ou les souverainistes fait en sorte qu’elle soit largement évacuée. Nous enseignons notre histoire politique avec une prudence extrême, ce qui a pour conséquence de l’affadir. Dans un Québec indépendant, nous serons libérés de ces craintes et nous pourrons enseigner avec fierté à nos enfants l’histoire de ce miracle québécois que tu évoques avec tant de verve.
« Si les souverainistes voulaient rallier plus largement les Québécois, ils devraient impérativement purger leur discours de cette logique victimaire qui est pour l’heure l’assise principale de leur rhétorique et qui ne correspond pas à la réalité du Québec. Les Québécois ne se conçoivent pas comme des victimes. »
Cette assertion selon laquelle une logique victimaire serait l’assise principale de la rhétorique souverainiste est tout simplement fausse. Le discours de PKP en serait un de victime ? Laissez-moi rire. Et celui de Gilles Duceppe, le chef de l’autre grand parti souverainiste, serait victimaire ? J’ai dû manquer un épisode un moment-donné. Le discours souverainiste, au contraire, est jonché de « nous sommes capables », de « Québec gagnant », de « imaginer un Québec souverain », de « la souveraineté, c’est payant ».
« Les souverainistes devraient faire leurs devoirs et trouver réponses à quelques questions embarrassantes. Par exemple : si leur projet implique la divisibilité du territoire canadien au nom de quel principe juridique devrait-il impliquer l’intégralité du territoire québécois, surtout lorsqu’on considère que les Premières Nations ont des revendications sur la majeure partie de ce territoire? »
Là, malheureusement, Patrice sombre dans la politique du pire, encore une fois inspiré de Stéphane Dion, dont le père, un grand intellectuel, écrivait que le peuple québécois avait l’art de secréter ses propres bourreaux. Cette question, régulièrement soulevée par les fédéralistes, constitue l’argument de peur par excellence jeté à la figure des Québécois.
Cela dit, il me fait plaisir de t’éclairer, Patrice. Les souverainistes ont en effet répondu à cette question depuis longtemps, avec des études poussées. Voici un extrait du sommaire de l’une d’elle, effectuée par Henri Brun, d’abord pour la Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté (à l’époque de Bourassa, en 1991) et mise à jour en 2001:
« Pour ce qui est du territoire terrestre, sa conclusion est que le Québec accéderait à la souveraineté avec tout son territoire. Aucun argument de droit international ou de droit constitutionnel ne permettrait de soutenir sérieusement que le Canada aurait le droit de retenir dans le Canada certaines parties du territoire du Québec.
En ce qui regarde le territoire maritime le Québec ne peut se trouver réduit par l’accès à la souveraineté puisque, en vertu du droit constitutionnel canadien, aucun espace de cette nature ne fait actuellement partie de son territoire. L’étude démontre que l’accession à la souveraineté aurait plutôt pour effet, par application du droit international, d’accroître le territoire du Québec d’une mer territoriale de douze milles marins au large des côtes du golfe Saint-Laurent, des baies d’Hudson, James et d’Ungava et du détroit d’Hudson. »
En ce moment, comme province, le Québec n’est pas maître de larges parties de son territoire. C’est le cas du Saint-Laurent, par exemple, sous compétence fédérale. Même chose pour la construction d’un oléoduc qui pourrait traverser des centaines de nos rivières sans que le Québec n’ait un mot à dire. Alors, pour répondre à ta question, l’indépendance du Québec ne nous fera perdre aucune parcelle de territoire. Au contraire, elle nous permettra d’acquérir une compétence maritime qui nous échappe actuellement et de redevenir maître sur notre propre territoire terrestre.
Si cette question est embarrassante, c’est pour les fédéralistes québécois qui utilisent aussi légèrement un argument partitionniste responsable de tant de conflits dans l’histoire du monde.
« Pour les souverainistes, le rapatriement unilatéral de la constitution en 1982 et le refus du Canada de reconnaître constitutionnellement la spécificité du Québec sont des affronts innommables. Nul doute qu’un pays se construit sur des symboles et que celui-là est lourd. C’est un peu le vice caché de la maison canadienne. Qu’attendent-ils alors pour mettre au défi les leaders fédéralistes d’exiger réparation? »
La Constitution d’un pays ne serait que symbolique ? Tu charries. Tu voudrais que les souverainistes mettent au défi les leaders fédéralistes d’exiger réparation, alors même que nous savons tous que c’est impossible. « Le fruit n’est pas mûr », tu te souviens ? Et bien, ça fait 25 ans qu’on attend qu’il mûrisse, le fruit. Depuis le temps, il a sûrement pourri sur l’arbre !
La réalité, tu le sais bien, c’est qu’il n’y plus que deux options possibles pour les Québécois : le fédéralisme canadien tel qu’il est ou l’indépendance. Pourquoi, dans ces circonstances, les souverainistes devraient-ils faire semblant ? La seule possibilité de changement en profondeur pour le Québec, c’est l’indépendance.
« Pour les souverainistes enfin, le seul fait que le Québec soit une nation appelle le pays par voie de conséquence, comme si c’était une vision rabougrie de son destin que de concevoir l’avenir en association avec d’autres nations. L’affirmation me semble pour le moins fragile, le concept d’État-nation semblant s’empoussiérer à l’heure, par exemple, où l’Europe se fédère. »
Ce qui est une vision rabougrie, mon cher Patrice, c’est d’accepter le statut de province du Canada. Tu parles de concevoir « l’avenir en association avec d’autres nations. » Est-ce à dire que tu conçois le Canada comme une association entre nations? Parce que si c’est le cas, il faudrait que tu m’expliques pourquoi le Canada n’est même pas capable de reconnaître le Québec comme « société distincte » dans sa Constitution.
Tu écris que le concept d’État-nation semble s’empoussiérer, donnant l’exemple de l’Europe, un ensemble essentiellement constitué...d’États-nations ! Et d’ailleurs, à ce compte, il faudra un jour qu’on nous explique pourquoi la souveraineté du Canada serait si importante, pertinente et actuelle, alors que la souveraineté du Québec serait l'affaire d'un autre siècle. Si les pays souverains n'existent plus en 2015, il faudrait que quelqu'un nous prévienne...On a manqué un épisode de l'histoire du monde.
Si tu écoutais le moindrement le discours souverainiste, tu réaliserais que pas un jour ne passe sans que l’un ou l’autre de ses porte-paroles affirment haut et fort que l’indépendance est synonyme d’ouverture sur le monde. Comme province, les relations du Québec avec les autres nations sont par définition limitées, pour ne pas dire « rabougries ».
Comme pays, le Québec pourra se déployer, multiplier et approfondir ses relations et ses associations avec toutes les nations de la planète, y compris avec la nation canadienne, d’ailleurs.
Quant à la modernisation du discours souverainiste, nous y travaillons sans cesse, crois-moi.
Ce serait intéressant que les fédéralistes en fassent autant, qu’ils nous expliquent en quoi, par exemple, ce serait avantageux pour le Québec de demeurer une province du Canada. Je comprends qu’il y a là un redoutable défi. Mais ce serait déjà mieux que de nous servir sans cesse les mêmes arguments poussiéreux qu’on entend depuis des décennies.
Il y a 25 ans, l'accord du lac Meech était au centre de l'actualité. Vous souvenez-vous de la politique canadienne de l'époque? Faites le test.
Radio-Canada
1 - Où se trouve le lac Meech?
À l’Île-du-Prince-Édouard
En Ontario
Au Québec
En Colombie-Britannique
PC/Fred Chartrand
2 - Quel premier ministre du Canada a piloté l'accord du lac Meech?
Joe Clark
Jean Chrétien
Brian Mulroney
John Turner
3 - Qui était le premier ministre du Québec à l'époque?
Jacques Parizeau
Robert Bourassa
René Lévesque
Pierre Marc Johnson
4 - Que prévoyait l'accord?
Un renforcement des pouvoirs provinciaux et un changement de statut pour le Québec.
Le retour du Québec dans la Constitution, notamment en changeant son statut au sein de la Confédération.
Un renforcement des pouvoirs fédéraux et un changement de statut du Québec.
Un changement de statut pour le Québec et une augmentation de sa part de la péréquation.
5 - En quoi le statut du Québec était-il modifié par l’accord?
Il était reconnu comme société distincte.
Il obtenait plus de députés à la Chambre des communes.
Il récoltait un plus grand nombre de sénateurs à la Chambre haute.
Il gagnait un droit de regard sur la nomination des juges de la Cour suprême.
PC/Ron Poling
6 - Pierre Elliott Trudeau, qui était premier ministre lors du rapatriement de la Constitution en 1982, critique l’accord de façon virulente. Que lui reproche-t-il?
De ne pas laisser un délai suffisant aux premiers ministres provinciaux avant de ratifier l’accord.
De laisser le Québec intégrer la Constitution.
De permettre aux provinces de proposer des candidatures au gouvernement fédéral pour pourvoir les postes vacants au Sénat et à la Cour suprême.
D’affaiblir le pouvoir du gouvernement fédéral.
PC/Ron Poling
7 - Quel premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador s’est opposé à l’accord?
Brian Tobin
Thomas Rideout
Clyde Wells
Brian Peckford
8 - Le député autochtone Elijah Harper du Manitoba a fait déraper l'accord. Pourquoi les Premières Nations s’opposaient-elles à l’accord?
Elles déplorent de ne pas avoir été incluses dans les négociations.
Elles se demandent pourquoi le Canada tente de régler la question du Québec avant celle des Premières Nations.
Elles considèrent que leurs droits ne sont pas protégés par l’accord.
Toutes ces réponses.
9 - Quel parti politique a été formé à la suite de l'échec du lac Meech?
Bloc québécois
First Peoples National Party of Canada
Forces et démocratie
Alliance canadienne
LE DEVOIR
10 - L’échec de l'accord a conduit à une nouvelle ronde constitutionnelle, qui a mené à un autre accord, rejeté par référendum. Quel est-il?
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) de la Saskatchewan estime que la province devrait emboîter le pas au Manitoba, en présentant ses excuses officielles aux Autochtones pour la rafle des années soixante.
Un totem à Horseshoe Bay en Colombie-Britannique Photo : Philippe Moulier
Cette pratique dont la formule anglaise est « Sixties Scoop » consistait à retirer les enfants de leur famille d'origine pour les mettre en adoption dans des familles blanches. Plus de 20 000 enfants ont été arrachés de leurs parents entre 1965 et 1985 au Canada.
Dans un communiqué, le chef du NPD, Cam Broten, réclame aussi que le gouvernement de la Saskatchewan tienne une table ronde avec les victimes.
Le Manitoba a présenté ses excuses officielles jeudi. Son premier ministre, Greg Selinger, a souligné « l'injustice historique » et « la souffrance » des Autochtones.
Pierre Karl Péladeau au congrès des jeunes du PQ en Estrie. Photo : Radio-Canada
Pierre Karl Péladeau a pris la parole samedi matin devant les membres du Conseil national des jeunes du Parti québécois réunis en congrès annuel en fin de semaine à Waterville en Estrie.
Au début de son allocution, le chef du PQ a demandé une minute de silence à la mémoire de Jacques Parizeau, décédé le 1er juin. Pierre Karl Péladeau a également développé sur son projet de créer un institut de recherche sur l'indépendance du Québec, auquel il aimerait que contribue Jean-Martin Aussant, l'ex-chef d'Option nationale et ex-député péquiste. « Il nous a fait part d'un message, mais son message doit se préciser. S'il souhaite accompagner le mouvement souverainiste avec une présence forte comme il l'a fait dans le passé, je pense que tous doivent se réjouir », a affirmé le chef du PQ.
De son côté, le président du Comité national des jeunes du PQ, Léo Bureau-Blouin, se dit satisfait de la participation au congrès. La question de la santé occupera une part importante des débats de la fin de semaine. « Un des éléments qui nous préoccupe beaucoup en fin de semaine, c'est l'augmentation des coûts de santé. Il faut faire davantage pour préserver les saines habitudes de vie. On va avoir des propositions pour ajouter une taxe sur la malbouffe pour décourager notamment les jeunes pour les décourager de consommer des produits de piètre qualité et on veut renflouer les coffres de l'État avec ce type de taxation », de dire Léo Bureau-Blouin.
Mise à jour le samedi 20 juin 2015 à 20 h 15 HAELa Presse Canadienne
Photo : Radio-Canada
Même si elles ne se terminent qu'en soirée samedi, les FrancoFolies de Montréal dressent déjà un bilan très positif de leur 27e édition et de son impact sur le tourisme québécois.
Les ventes sur le site et l'évaluation des foules ont permis aux organisateurs d'affirmer en conférence de presse, samedi après-midi, que l'événement se termine cette année avec « une progression en terme d'achalandage » et « un budget équilibré ».
Selon les organisateurs, le tiers des festivaliers sont des Européens. Il s'agit donc de « l'un des évènements qui attire le plus ce type de clientèle » au Québec, a déclaré Jacques-André Dupont, vice-président et directeur général de l'Équipe Spectra. M. Dupont a précisé que la clientèle européenne demeure « une douzaine de nuitées au Québec », ayant ainsi « beaucoup d'impact pour toute l'industrie touristique » de la province.
Il n'y a pas que les festivaliers étrangers qui se sont déplacés: les organisateurs ont noté la présence de plus d'adolescents, de jeunes adultes et d'anglophones sur le site cette année.
Les FrancoFolies attirent également des représentants de l'industrie musicale outre-Atlantique, a fait remarquer Laurent Saulnier, vice-président à la programmation et à la production du festival. Plusieurs professionnels européens sont ainsi venus « faire leur marché » à la 5e édition des Rendez-vous Pros des Francos, où ils ont rencontré de nombreux agents et gérants d'artistes québécois.
« Les FrancoFolies sont devenus un outil de rayonnement de notre culture populaire et un outil de développement international », s'est réjoui le président-fondateur du festival, Alain Simard.
Laurent Saulnier a rappelé la volonté du festival « d'établir une passerelle entre l'Europe francophone et l'Amérique francophone ». Celle-ci lui apparaît d'ailleurs « de plus en plus vivante et viable », par exemple quand une célébrité française comme Julien Doré tient « absolument » à participer aux FrancoFolies.
Les vedettes québécoises n'ont pas été en reste au cours des neuf jours du festival. Le chanteur Alex Nevsky s'est entre autres produit devant l'une des foules les plus imposantes de son histoire, a souligné Jacques-André Dupont.
Selon M. Saulnier, l'événement est devenu une « vraie belle histoire de famille ». Une famille qui s'est agrandie cette année avec « des nouveaux noms, des nouvelles faces et des nouveaux sons », a-t-il soutenu - dont Samito, Bernhari, Le Couleur, Félix Dyotte et Feu! Chatterton.
Plusieurs spectacles ont été créés spécialement pour les FrancoFolies, dont ceux de Koriass, des BB, de Pascale Picard, a-t-il ajouté.
Quant à l'évènement « Piaf à 100 ans, Vive la Môme! », il a fait salle « archicomble » et il sera présenté en supplémentaire le 19 novembre prochain au Théâtre Maisonneuve, a signalé M. Saulnier.
Pour sa dernière soirée, le festival présente un grand spectacle gratuit de Michel Rivard sur une scène extérieure et le spectacle Légendes d'un peuple, livré par le chanteur Alexandre Belliard au Théâtre Maisonneuve.
Publié par La Presse Canadienne le samedi 20 juin 2015 à 15h27. Modifié par 98,5 Sports le dimanche 21 juin 2015
Léo Bureau-Blouin / twitte@leobblouin
MONTRÉAL - Léo Bureau-Blouin profitera du congrès du comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ), qui se tient en fin de semaine à Waterville, en Estrie, pour tirer sa révérence.
Léo Bureau-Blouin: la victoire de PKP pas étrangère à sa décision
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Il a décidé de quitter la présidence de l'organisation pour une série de raisons.
En entrevue à La Presse Canadienne, l'ancien député de la circonscription de Laval-des-Rapides a soutenu vouloir renoncer à jouer ce rôle pour pouvoir «se concentrer plus sur son travail et ses études».
Il a enchaîné en disant que lorsqu'on occupe une telle fonction, il y a nécessairement «beaucoup de réunions, d'obligations et de responsabilités».
Or, M. Bureau-Blouin a réalisé au fil du temps qu'il souhaitait «participer davantage à des projets ponctuels et précis [...] plutôt que d'être un représentant à proprement parler» de sa formation politique.
L'ancienne figure de proue du mouvement étudiant, qui avait endossé Alexandre Cloutier lors de la récente course à la direction menée au sein du Parti québécois (PQ), n'a pas cherché à cacher que la victoire de Pierre Karl Péladeau a également influencé sa décision.
«C'est sûr que ça a été un ingrédient», a-t-il reconnu.
Le successeur de Léo Bureau-Blouin sera élu dès dimanche.
Les jeunes péquistes auront le choix entre Ariane Cayer et Vincent-Gabriel Langlois qui sont, pour le moment, conseillère et vice-président à l'organisation au sein du CNJPQ.
M. Bureau-Blouin est d'avis que la personne qui prendra sa place aura beaucoup de pain sur la planche.
Selon lui, il lui faudra «contribuer à unifier le PQ, commencer déjà à préparer la prochaine élection et participer au renouvellement du discours souverainiste».
D'ici la tenue du vote dont les résultats devraient être connus en fin d'avant-midi dimanche, les quelque 150 participants au congrès auront eu la possibilité d'assister à un débat entre les deux aspirants présidents et d'échanger à propos de toute une gamme de propositions.
Léo Bureau-Blouin a soutenu qu'ils discuteront entre autres de santé et du système électoral.
Il a spécifié qu'ils se demanderont notamment s'il y a lieu «d'instaurer des taxes sur la malbouffe et sur les boissons gazeuses pour décourager la consommation de ces produits et pour renflouer les coffres de l'État».
Il a ajouté qu'ils réfléchiront à la possibilité «de réformer le mode de scrutin afin d'y intégrer une dimension proportionnelle».
Publié par La Presse Canadienne le dimanche 21 juin 2015 à 07h00.
Ryan Remiorz / La Presse Canadienne
AKWESASNE, Qc — Ottawa offre au Conseil mohawk d'Akwesasne l'occasion de presque doubler le territoire de sa réserve qui s'étend sur deux provinces canadiennes et un État américain en achetant des terres agricoles peu peuplées.
Pour que la transaction ait lieu, toutefois, le Conseil devra renoncer à quelque 8 000 hectares de terrain qui sont adjacents à la partie est de la réserve située à environ 150 km à l'ouest de Montréal. Ce territoire, occupé par la municipalité de canton de Dundee, dans le sud-ouest du Québec, est appelé Tsikaristisere par les Mohawks.
À l'heure actuelle, la réserve d'Akwesasne s'étend sur environ 10 000 hectares divisés entre le Québec, l'Ontario et l'État de New York. Quelque 23 000 membres de la communauté y résident, mais certains jeunes Mohawks sont obligés d'acheter des maisons ou de louer des appartements hors de la réserve parce que l'espace y est déjà presque entièrement attribué.
Le gouvernement fédéral a donc offert 240 millions $ au Conseil mohawk d'Akwesasne pour agrandir son territoire — mais seulement s'il renonce aux 8 000 hectares de Dundee ou Tsikaristisere.
Plusieurs détails de la transaction n'ont pas été rendu publics. Or, l'une des possibilités pour le conseil de bande serait de racheter environ 7 000 hectares de terrain — si leurs propriétaires actuels sont disposés à les vendre — pour l'annexer à leur réserve, et ainsi quasiment doubler sa superficie.
L'un des chefs du district de Kanatakon, Larry King, qui a été impliqué dans les négociations avec le gouvernement fédéral, estime que «le Canada a clairement fait savoir qu'il s'agit de sa dernière offre».
Sur la réserve, les avis sont partagés. Selon le chef King, le fait que l'achat des 7000 nouveaux hectares ne soit possible que si leurs propriétaires actuels sont disposés à les vendre «est une pilule amère à avaler pour la communauté».
L'offre d'Ottawa sera soumise à l'approbation des membres de la communauté des secteurs de la réserve situés au Québec et en Ontario dans le cadre d'un éventuel référendum. La date du plébiscite n'a pas encore été fixée, mais les Mohawks canadiens doivent élire leur nouveau conseil de bande le 27 juin prochain.
La rédactrice en chef adjointe de l'hebdomadaire d'Akwesasne «Indian Time» Marjorie Skidders n'est pas certaine que l'offre du gouvernement fédéral devienne un enjeu électoral pour la majorité des Mohawks, car ils n'ont pas encore eu le temps de digérer complètement cette nouvelle.
Le chef Larry King abonde dans le même sens. «Je n'ai pas vu ou entendu des candidats faire référence à l'offre de règlement de Dundee au cours de leur campagne ou dans leur plateforme électorale», a-t-il remarqué.
Aucune séance d'information n'a encore été organisée et le référendum pourrait se tenir dans un délai de six mois à plus d'un an.
Marjorie Skidders estime toutefois que cette offre a toutes les chances d'être acceptée, car elle «n'entend personne en colère, ni aucune grogne» à ce sujet.
«Il n'y a aucun montant d'argent qui nous fera dire: "Oui, ceci est un dédommagement pour ce qui est arrivé ou ce qui a été fait par le passé", mais nous sommes en 2015 et nous allons de l'avant», a-t-elle précisé
Certains allèguent qu'un document de cession du territoire au Canada aurait été signé dans le passé, ce que les Mohawks nient. Ceux-ci soutiennent plutôt qu'ils projetaient de réclamer graduellement les terres plutôt que de les céder de manière permanente au gouvernement fédéral.
Un autre source de tension provient du fait qu'une valeur monétaire est attribuée au territoire de Dundee ou Tsikaristisere, alors que la communauté Mohawks ne le perçoit pas de cette façon. «Je ne crois pas qu'aucune de nos familles ne le verra jamais ainsi», a fait valoir Marjorie Skidders.