Même s'il peut s'enorgueillir d'une cote de popularité flatteuse, qui le place dans la même ligue que Ronald Reagan et Bill Clinton à l'heure du départ, la pilule est amère pour le président démocrate qui prononcera mardi à Chicago, où son aventure politique a commencé, son discours d'adieu.
La première rencontre dans le Bureau ovale entre les deux hommes au parcours et au tempérament radicalement différents avait surpris par son ton apaisé. Mais elle semble déjà lointaine.
Le 44e et le bientôt 45e président des États-Unis ont certes eu plusieurs échanges téléphoniques depuis ce tête-à-tête, mais la tension est chaque jour un peu plus palpable.
«Le gouffre entre leurs positions politiques, leurs personnalités et leurs partis était trop béant pour que cette transition se passe sans heurts», résume Larry Sabato, professeur à University of Virginia.
Sur certains dossiers, comme la réforme de l'assurance-maladie (Obamacare) ou la lutte contre le réchauffement climatique, l'orientation est claire: son successeur républicain ira à rebours, par décret ou par voie législative, de toutes les initiatives prises au cours des huit dernières années.
Sur d'autres, en particulier en politique étrangère, le flou est total: que deviendront, dans les mois à venir, l'ouverture à Cuba ou l'accord sur le nucléaire iranien ?
L'homme d'affaires de 70 ans, qui sera le plus vieux président à entrer à la Maison-Blanche, n'épargne plus le président sortant, 55 ans. Ou plutôt, il souffle, comme il le fait avec nombre de ses rivaux ou alliés, le chaud et le froid.
«Je fais de mon mieux pour ignorer les nombreux obstacles et déclarations incendiaires du président O. Je pensais que la transition se ferait en douceur. MAIS NON!», lance-t-il sur Twitter fin décembre.
Interrogé quelques heures plus tard sur ce thème, il assure, tout sourire, que le processus se fait «très, très en douceur».
«Rupture avec la tradition»
«Par le passé, il y a bien sûr eu des critiques visant l'administration sortante, mais elles se limitaient généralement à des commentaires anonymes de l'équipe entrante. L'utilisation des tweets à cette fin par Trump est une grande nouveauté», estime David Clinton, de Baylor University, auteur d'un livre sur les transitions.
Et l'homme d'affaires novice en politique ne retient pas ses coups sur les dossiers du moment.
Barack Obama annonce des sanctions contre Moscou accusé d'avoir essayé d'influencer le scrutin présidentiel ? Donald Trump salue «l'intelligence» du président russe Vladimir Poutine.
L'exécutif laisse présager de nouveaux transferts de détenus depuis la prison de Guantanamo vers des pays tiers ? Le président élu met en garde contre une telle démarche, insiste sur la menace que représentent «des gens extrêmement dangereux».
«Donald Trump s'est comporté comme s'il était coprésident ou peut-être déjà président. C'est une rupture complète avec la tradition», estime Larry Sabato. «Il a enterré la règle de "Un président à la fois"».
Barack Obama a, de son côté, lancé une série d'initiatives de dernière minute pour mieux marquer son territoire: abstention sur une résolution de l'ONU contre la colonisation israélienne, décrets bloquant tout nouveau forage de gaz ou de pétrole dans de vastes zones de l'océan Arctique.
En affirmant, lors d'un entretien avec son ancien conseiller David Axelrod, que s'il avait pu être de nouveau candidat il l'aurait emporté face à Donald Trump, il savait par ailleurs qu'il piquerait au vif son successeur, dont la susceptibilité n'est plus à démontrer.
L'histoire des transitions présidentielles n'a pas toujours, tant s'en faut, été un long fleuve tranquille.
Celle, au milieu du siècle dernier, entre Herbert Hoover et Franklin D. Roosevelt restera dans les livres d'histoire comme l'une des plus houleuses, les deux hommes refusant de s'adresser la parole le jour de l'inauguration.
Au tournant des années 1980, la passation entre le démocrate Jimmy Carter et le républicain Ronald Reagan fut tendue, sur fond de crise des otages américains en Iran qui se dénoua le jour de la prise de fonction du républicain.
Celle entre George W. Bush et Barack Obama, fin 2008/début 2009, est, à l'inverse, souvent citée comme un modèle du genre.
Et ce dernier rend régulièrement hommage à son prédécesseur pour expliquer son attachement à une transition du pouvoir «en douceur», «l'une des marques de fabrique de notre démocratie».
Celle de 2016/2017 restera probablement comme l'une des plus étranges qui soit.