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HELDER CAMARA |
La banalisation de la pauvreté et de la maladie. Si l'élite économique payait ses impôts au lieu de les esquiver, il n'y en aurait pas de charité privée, charité plus publique que privée puisque assumée par le grand public en raison des grosses déductions d'impôts.
Le monde ordinaire est tenu de payer pour les dons effectués par les grands de ce monde même s'il n'a rien à dire sur le choix des organismes aidés. Ce sont uniquement les gens aisés qui peuvent décider des «bons» organismes à appuyer et des «bonnes» causes à soutenir.
En payant une juste part d'impôts et de taxes, les riches permettraient aux gouvernements d'éradiquer la pauvreté et d'investir suffisamment dans tous les services publics comme la santé, l'éducation, les garderies et les pensions de vieillesse. Mais non, ils préfèrent choisir eux-mêmes ceux qui auront la chance inouïe d'être aidés, en grosse partie avec des fonds publics, afin de se faire voir, me semble-t-il, dans les médias avec leurs chèques philanthropiques. Avis aux intéressés : ceux qui veulent recevoir leur appui devront avoir une bonne attitude conciliante et compréhensive qui ne remet aucunement en question le système économique établi. Pour les gras durs, autant corporatifs qu’individuels, la charité est avant tout devenue un instrument de marketing élaboré dans le but premier d'augmenter les ventes et les profits. C'est ainsi que l'on banalise la pauvreté, la maladie et la misère. Comme le dit le pape François, la faim est un crime qui prend sa source dans cette «économie qui tue».
L'exemple du Bal de la Jonquille
Pour financer les bonnes causes, la classe dominante aime bien organiser des bals réservés strictement, pas aux pockés de la société qu’ils disent vouloir aider, mais aux nobles.
Tout simplement merveilleux d'avoir eu cette chance incroyable de les voir en photographies dans tous les médias au dernier Bal de la Jonquille tenu à Montréal afin d'aider les malades. Ah mon Dieu qu'ils étaient bien habillés. Sûrs qu'ils n'ont pas fait leurs achats à l'Aubainerie ou au Village des valeurs. Tiens par exemple, le Journal de Montréal titrait, le 17 avril 2015, ces articles ainsi : «Bal de la Jonquille. Soirée mondaine fort prisée» et «Les belles de la soirée». Et La Presse coiffait son texte ainsi : «Le romantisme de Shanghai au bal de la Jonquille». Bizarre, je n'ai pas vu Amir Khadir, Richard Desjardins et Dan Bigras sur les photos. Le genre d'activités que certainement Michel Chartrand et Pierre Falardeau affectionnaient. Enfin, peut-être!
Évasion fiscale dans les paradis fiscaux et pauvreté
Il est évident que si les nantis et les entreprises payaient ce que moi et d’autres considéraient comme une plus juste part d'impôts, le gouvernement pourrait financer adéquatement tous ses services publics et éradiquer la pauvreté. Mais les élus, de connivence avec la caste supérieure, préfèrent plutôt taxer la classe moyenne et s'en remettre à la charité privée, à l'éducation privée, à la santé privée, au transport privé, etc.
Il est amusant d'observer dans La Presse du 22 avril 2015 (faut se faire voir souvent) la liste de quelques commanditaires du Bal de la Jonquille : Les banques CIBC, Nationale, Scotia, TD, les bureaux de comptables Deloitte Touche et d'avocats Norton Rose Fulbright. Ça ne fricote pas avec l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux et dans les passe-passe fiscaux afin de diminuer la facture de l'impôt sur le revenu à peu de choses ça les banques et les bureaux de comptables? C’est peut-être à l’interne qu’ils devraient agir au lieu d’être présents à un bal sur la pauvreté et la maladie.
Le pire dans toute cette mascarade de basse voltige est que ces gens ne donnent pas de leur propre argent, mais celui de leur compagnie qui, bien souvent, ne leur appartient pas et qu'ils n'ont pas fondée. Et l'argent de la compagnie vient d'où vous pensez? De la poche des consommateurs et des contribuables. Nos services sociaux sont tellement sous-financés, ça en est vraiment honteux, qu'on en est rendu à s'en remettre aux entreprises pour financer des cours d'école, des bibliothèques scolaires, des salles d'urgence dans les hôpitaux. etc. Même les universités, afin d'aller chercher un peu plus de pognon, acceptent de la publicité dans les toilettes et beaucoup d'autres formes de publicité. Faut absolument rapprocher l'université du privé qu'ils nous disent. Bientôt, on va commanditer les professeurs de tous les niveaux qui vont arriver en classe avec leur uniforme aux couleurs des commanditaires comme en Formule I. Déjà, aux HEC de Montréal, les salles classent et de conférence et beaucoup d'autres choses sont commanditées par le patronat.
Conseil du Christ à ceux qui aiment se faire voir
Puis-je, mes amis, vous citer les paroles de Jésus-Christ dans l'évangile selon saint-Mathieu sur le comportement que devaient adopter ceux qui sont sincères et qui sont vraiment sérieux quand ils donnent de leur argent de bonne cause :
«Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : «Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Autrement, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux».
«Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme ceux qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret; ton Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra».
Monseigneur Dom Helder Camara (1909-1999)
À propos de la pauvreté, il y a Gandhi qui a dit avec raison que «la pauvreté est la pire des violences» et il y a aussi ces merveilleuses paroles prononcées par l'archevêque brésilien Dom Helder Camara, un prophète puissant en paroles et en actes : «Quand je donnais du pain au pauvre, on me considérait comme un saint : quand j'ai expliqué pourquoi ils étaient pauvres, on m'a traité de communiste (Prions en église, 22 novembre 2009)». Oui, dans un premier temps, lorsque monseigneur Camara avait une bonne attitude et frayait avec les gens biens, lui aussi aurait été invité au bal annuel de la Jonquille et les médias écrits et parlés l'auraient beaucoup aimé, mais pas depuis qu'il avait adopté sa vilaine nouvelle approche qui consistait à conscientiser les gens, à mettre à nu les exploiteurs qui se déguisent en êtres charitables et enfin, à critiquer le système capitaliste. Mais, qu'est-ce qui lui a pris à monseigneur Camara à vouloir mettre un peu d'ordre dans le désordre structurel actuel qui crée peu de riches, mais qui détiennent la majeure partie de la richesse, et beaucoup de pauvres qui doivent oublier leur dignité, et s'astreindre à quêter des croûtes chez ces notables profiteurs?