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Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, a mené sa bataille jusqu’au bout et il a perdu. La Cour suprême du Canada l’empêche désormais de tenir une prière au début du conseil municipal. Le personnage est loufoque et quelque peu désagréable.
À l’extérieur de sa région, il ne suscite pas une sympathie extraordinaire. Plusieurs ont chanté sa défaite. Enfin, ce catholique exubérant et intransigeant est désavoué.
Héritage
Mais quoi qu’on pense de Jean Tremblay, sa croisade posait une question centrale, qui ne disparaît pas par enchantement : celle de notre rapport à la religion catholique. En un mot, est-elle au Québec une religion comme une autre ou se trouve-t-elle au cœur de notre héritage? Le catholicisme doit-il avoir le même statut chez nous que l’islam ou le bouddhisme, ou dispose-t-il, à cause de l’histoire, d’un statut particulier?
Cette question, on ne saurait bien y répondre qu’en faisant appel à l’esprit de nuance. On peut convenir assez aisément qu’il n’était pas judicieux de faire une prière avant le conseil. Non pas que la chose était scandaleuse. Elle était probablement inappropriée. Fallait-il pour autant en appeler à effacer les derniers symboles qui nous rattachent à notre héritage catholique, comme s’il s’agissait d’une saleté dont on devait laver nos institutions?
Où s’arrêtera-t-on? Dans un monde sensé, on ferait un compromis. On cesserait la prière sans décrocher le crucifix. Simplement parce que la première représente une foi en acte alors que le second a une valeur patrimoniale qui ne se réduit pas à sa signification religieuse. Pourtant, certains veulent le décrocher de l’Assemblée nationale. Leur argument? Il représenterait la tutelle de Dieu sur notre parlement. Mais croient-ils vraiment Québec soumis au Vatican?
Ensuite, le drapeau?
Certains le vomissent en rappelant qu’il a été installé là par Duplessis, le grand méchant. On peut pourtant n’être aucunement un nostalgique de Duplessis sans agiter son nom, plus de cinquante ans après sa mort, comme un épouvantail. On devine la suite : certains voudront changer le drapeau québécois, un des plus beaux du monde, parce qu’on y trouve une croix. Je ne me fais pas des peurs : cette proposition revient souvent dans la vie publique.
À terme, nous aurons un joli Québec aseptisé, vidé de sa culture, étranger à sa mémoire, hostile à sa religion, mais tout fier d’être si moderne. Ce sera évidemment un Québec triste à mourir. Alors que le grand défi, aujourd’hui, consiste à réconcilier ses héritages. Le Québec devrait cesser de croire que son héritage catholique et son désir de laïcité sont contradictoires alors qu’ils représentent deux facettes également nécessaires de notre identité nationale.
Mais ces débats sont peut-être inutiles. Car la démocratie est de plus en plus une illusion. Nous subissons plus que jamais le gouvernement des juges. Dès qu’une question collective est importante, on la confie à ce dernier, comme s’il était plus qualifié pour les traiter que le gouvernement des élus. Nous nous sommes laissé convaincre que le peuple était trop immature pour trancher. On pensera bien ce qu’on veut, c’est la Cour suprême qui décidera.