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EXCLUSIF
Publié le 06 février 2017 à 07h24 | Mis à jour à 07h24
LOUIS-SAMUEL PERRON
La Presse
La Presse
Plus que jamais en 2016, des drones ont survolé les prisons québécoises pour tenter de livrer à des détenus de la drogue, des cellulaires et des marchandises illicites. Près de 90 de ces engins volants ont été observés, en particulier à Montréal, contre une quinzaine l'année précédente. Le syndicat des agents correctionnels presse le gouvernement d'agir pour freiner ce fléau.
HAUSSE FULGURANTE
Phénomène en croissance, les vols de drones au-dessus des prisons ont explosé dans la dernière année. Pas moins de 88 drones ont été signalés ; du nombre, plus de la moitié ont été saisis, selon des données du ministère de la Sécurité publique (MSP) obtenues grâce à la Loi sur l'accès aux documents publics. Cela représente six fois le nombre de drones observés en 2015. Malgré cette hausse fulgurante, les drones vus ou saisis par les autorités carcérales ne représentent que la « pointe de l'iceberg », soutient Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN).
Drones signalés à la Direction de la sécurité dans les prisons du Québec
Pas moins de 88 drones survolant les prisons du Québec ont été signalés en 2016, soit six fois plus que l'année précédente. PHOTO ALEX BRANDON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS |
- 2013 : 4
- 2014 : 18
- 2015 : 14
- 2016 : 88
Voisine de la prison de Bordeaux, dans le nord de la ville, Denise* observe des drones suspects depuis trois ans. Elle en a d'ailleurs aperçu un pas plus tard que vendredi matin. « C'est toujours la même trajectoire. J'en vois au moins un par mois, mais des fois deux par semaine. On les entend par leur bourdonnement », explique celle qui a demandé l'anonymat en raison des craintes de représailles. L'an dernier, elle avait aperçu en pleine nuit un homme en train de piloter un drone couché sur sa voiture. « Le drone a atterri à cinq pieds de mon véhicule. L'homme l'a saisi, puis est parti. Je me suis sentie insécure », raconte-t-elle.
* Prénom fictif
UN PHÉNOMÈNE MONTRÉALAIS
Les deux grandes prisons de Montréal sont l'épicentre du phénomène. L'an dernier, la grande majorité des drones répertoriés avait survolé le ciel de la prison de Bordeaux (47) et de celle de Rivière-des-Prairies (37). L'inspecteur André Durocher, de la région Nord du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), invite les citoyens à contacter les policiers s'ils sont préoccupés par des drones. Le SPVM ne fait pas de patrouilles spécifiques dans les quartiers adjacents aux prisons, mais dépêche des policiers en cas de plaintes de citoyens. « Il y a environ deux semaines, on a fait une saisie concernant l'entrée de stupéfiants avec drone », souligne l'inspecteur.
DES COLIS PLUS CHARGÉS
Les colis largués par les drones sont non seulement plus nombreux, mais aussi beaucoup plus gros que dans les années précédentes, confirme le président du syndicat des agents correctionnels, Mathieu Lavoie. « Les drones transportent davantage de substances aujourd'hui qu'il y a quelques années. » Ainsi, le trafic de tabac et de cellulaires a explosé dans les prisons. En 2015, un colis saisi pouvait contenir, par exemple, deux paquets de tabac et deux chargeurs de cellulaire. En décembre dernier, un colis repéré à l'Établissement de détention de Montréal (prison de Bordeaux) transportait 48 paquets de tabac, 11 cellulaires, 10 batteries et 1 chargeur. Un autre colis saisi en novembre contenait une demi-bouteille de vodka, 63 cartes SIM, 11 cellulaires, 1 tournevis et 14 sacs de cannabis.
LE SYNDICAT INQUIET
« Le gouvernement est dépassé par l'évolution technologique de ces drones et n'a pas la capacité de faire face à cette situation », assène Mathieu Lavoie, excédé par l'inertie du gouvernement. Le chef syndical n'en peut plus d'attendre le déploiement de mesures par le Ministère pour enrayer ce fléau. « Ils nous disent : "On est à l'étude, on regarde ce qu'on peut faire." Ce qu'on lit entre les lignes, c'est qu'on n'a pas les moyens », tranche-t-il. Le syndicat demande « davantage de fouilles » de cellules, l'installation de « solutions physiques », comme des grillages dans les cours, et la mise en place de « solutions technologiques » pour empêcher les drones de survoler les prisons.
QUÉBEC « PRÉOCCUPÉ »
Le ministère de la Sécurité publique soutient être « préoccupé par l'utilisation » de drones et de toute méthode pouvant « menacer la sécurité » dans les prisons. La porte-parole Alexandra Paré assure que le Ministère s'est doté d'un « plan d'action » et a déployé plusieurs mesures pour contrer le phénomène : « surveillance dynamique », ratissage des cours, ajout de caméras et consignation de signalements de drone. « La solution réside dans l'interaction de différentes mesures. Parmi celles-ci, notons la sécurisation des cours extérieures. Cette mesure vise d'abord à contrer les évasions par hélicoptère », ajoute Alexandra Paré. Le Ministère a également installé des grillages sur les fenêtres de certaines prisons de Montréal pour bloquer les livraisons par drone.