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lundi, janvier 30, 2017

Six musulmans tués dans un «attentat terroriste» à Québec

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Publié le 29 janvier 2017 à 21h51 | Mis à jour le 30 janvier 2017 à 07h39
Les policiers ont rapidement bouclé le secteur où est survenue la tragédie.
LE SOLEIL, PASCAL RATTHÉ
(Québec) L'horreur frappe encore, à nos portes cette fois. Deux agresseurs - dont un d'origine marocaine - ont fait irruption, dimanche soir, dans une mosquée de Québec, faisant six morts et blessant huit personnes parmi la cinquantaine de fidèles réunis pour la prière du soir.
Les deux personnes arrêtées seraient des étudiants et six des blessés seraient dans un état critique, selon Radio-Canada.
Depuis dimanche, les lieux de culte musulmans, d'un bout à l'autre du pays, font l'objet d'une surveillance étroite de la police, a indiqué dans un point de presse, la nuit dernière, le premier ministre Philippe Couillard. À Québec, une dizaine de ces sites sont désormais sécurisés.
Philippe Couillard traduit l'incrédulité générale devant la sauvage agression : « On dit tous spontanément : "Chez nous, à Québec ? Oui, oui... chez nous à Québec !" » Aux Québécois de confession musulmane, il a tenu à lancer un message sans équivoque. « Vous êtes chez vous, vous êtes bienvenus chez vous, nous sommes tous des Québécois. »
Les larmes aux yeux, la voix brisée, le maire Régis Labeaume a lancé : « On a l'impression de rêver. Québec, cette magnifique ville, vient de vivre un drame sans nom. J'ai souvent répété que malgré la paix qui règne ici, on n'était pas à l'abri. On vient de vivre la fatalité ! » Se disant « révolté devant ce geste crapuleux », il assure la communauté musulmane de son soutien. « Surtout, on veut leur dire que nous les aimons ! »
Des vigiles auront lieu à Québec aujourd'hui à l'ancienne église Notre-Dame-de-Foy, a indiqué le maire Labeaume.
À Montréal, une vigile aura lieu à l'ancienne Gare Jean-Talon, à la sortie du métro Parc, lundi soir à 18 h.
Plus tôt, Christine Coulombe de la Sûreté du Québec confirmait que les corps policiers traitaient la tragédie en tant qu'« attentat terroriste ». La « Structure de gestion policière contre le terrorisme » était déployée, une cellule de commandement composée de la Sûreté du Québec, de la GRC et du Service de police de Montréal. Les équipes spécialisées vont être déployées - les maîtres chien, les experts en explosifs, par exemple. Cette cellule avait été activée lors de l'attentat survenu à Saint-Jean-sur-Richelieu en octobre 2014.
Peu de détails dans ce premier point de presse policier. Mme Coulombe précisait que les personnes décédées avaient de 35 à 70 ans. Huit personnes ont été blessées. Aussi 39 personnes s'en sont sorties physiquement indemnes. La prière s'était terminée quelques minutes plus tôt, les femmes étaient encore à l'étage tandis que les enfants, pour la plupart, jouaient au sous-sol.
L'un des assaillants a été intercepté sur place. L'autre a pu s'enfuir en auto, mais a été arrêté près du Pont de l'Île d'Orléans, à une vingtaine de kilomètres. Avouant son crime, le jeune homme de 27 ans a expliqué qu'il se sentait mal après l'attentat et avait menacé de mettre fin à ses jours, révèle Le Soleil. Son véhicule, une Mitsubishi noire, était arrêté, feux clignotants en marche. Il a été amené au quartier général de la police de Québec au parc Victoria. Des armes de poing et une AK-47 ont été trouvées dans le véhicule. Le secteur a été bouclé par la police pendant près de cinq heures, causant un embouteillage monstre.
Selon des témoignages diffusés à la télé, l'accent québécois d'un des deux assaillants ne laissait pas de doute sur son origine. Quelques minutes avant 20 h, les deux meurtriers ont commencé à tirer. L'un d'eux a crié « Allah akbar » (Dieu est grand), l'incantation souvent lancée par les terroristes islamiques. Le tireur aurait eu le temps de recharger son arme à trois reprises, selon un témoignage.
Aux abords de la mosquée, les réactions étaient empreintes de stupeur, d'incrédulité. Selon le président du Centre islamique, Mohamed Yangui, chaque dimanche soir, de 60 à 100 personnes se retrouvent pour prier dans la salle. Les femmes et les enfants se regroupent au sous-sol de l'établissement. Le lieu de culte est le plus important de la région de Québec pour les musulmans.
Secoué, le leader musulman rappelait que le lieu de culte avait été victime d'actes de vandalisme l'an dernier. Peu avant le ramadan, quelqu'un avait placé une tête de porc à la poste, puis il y avait eu des graffitis. Trois semaines plus tard, une lettre islamophobe intitulée « Qu'est-ce qui est le plus grave : une tête de porc ou un génocide ? » a été distribuée dans les environs. Le lieu de culte n'avait pas été l'objet de menaces récemment.
« La tête de porc, la peinture. On avait parlé d'actions isolées... et voilà ! Aujourd'hui on a des morts ! », a lancé M. Yangui. « À travers cet acte, c'est quoi le message ? Qu'est-ce que vous voulez ? On travaille ici, on paie nos taxes, on contribue positivement à la communauté », a-t-il lancé, ému.
Dans le paisible arrondissement de Sainte-Foy, un imposant périmètre policier a été déployé dans la soirée. L'un des accès au site était gardé par un policier muni d'une mitraillette. Des Québécois de confession musulmane anxieux arpentaient les alentours du site. Les personnes qui se trouvaient à l'intérieur de la mosquée lors de la fusillade ont été retenues pendant plusieurs heures, puis transportées dans un centre sportif tout près.
Mohamed Ouezzani, lui, s'était rendu au Centre islamique de Québec pour la prière du soir, à 19 h 30. Il a quitté les lieux tout de suite après, mais plusieurs sont restés. Le crime a eu lieu quelques minutes à peine après son départ. « On sentait - et j'espère qu'on va continuer de sentir - une appartenance à Québec, a confié M. Ouezzani. On faisait partie de cette province, de cette ville. On était bien accueillis et on était reconnaissants. C'est notre pays aussi et c'est notre ville. C'est choquant. »
Abdallah Asafiri aurait dû se trouver au Centre islamique dimanche soir. S'il n'y était pas, c'est parce que son fils avait emprunté sa voiture. « C'est une nouvelle réalité, a observé ce père de famille qui habite Québec depuis plus‎ de 20 ans. Maintenant, les gens se sentent inquiets. On devient une cible. »
Une jeune fille musulmane habite juste en face de la mosquée. « C'est terrifiant. Je suis choquée, surprise. On ne s'attendait pas à ça. Je viens chaque vendredi. Et tout se fait en paix. On fait la prière et on rentre, en paix », a-t-elle soutenu, « ça aurait pu être nous, ça aurait pu être nous », lance-t-elle en larmes.
Près d'elle, son ami Ahmed souligne que les musulmans de Québec n'ont jamais cherché la confrontation. « Les gens sont très discrets, ils font la prière et s'en vont chez eux. Ils ne font pas de bruit. Et ceux qui habitent autour, il n'y en a qui ne savent même pas qu'il y a une mosquée... Je ne vois pas pourquoi une chose comme ça a été commise », observe-t-il. Il connaissait l'une des victimes, le propriétaire d'une épicerie arabe située dans le quartier. Un témoin, arabe lui aussi, ne cachait pas son dépit. 
« Personne ne le dit, mais ce sont des Québécois qui ont été victimes de cet attentat ! », dit Samar Ben-Romdhan. Détentrice d'un doctorat de l'Université Laval, elle fréquente le Centre culturel islamique de Québec depuis plus d'une décennie. Dimanche, ébranlée, elle tentait de rejoindre tous ses amis pour s'assurer qu'ils allaient bien. « La communauté musulmane de Québec est surdiplômée, qualifiée et rattachée presque dans son entier à l'Université Laval. C'est une communauté ultra calme », dit-elle en ravalant un sanglot.
Selon elle, les autorités auraient dû prendre très au sérieux la livraison d'une tête de porc devant la grande mosquée l'été passé. « Plusieurs disaient que c'était une plaisanterie, mais il y avait une note avec la tête de porc, c'était clairement une menace », croit l'experte en communications, qui porte le voile.
Elle rapporte avoir été témoin d'une véritable montée d'islamophobie à Québec depuis 2007. « J'ai été insultée plusieurs fois dans la rue parce que je porte le voile. Je n'aime pas faire des analyses de cause à effet, mais je pense que les médias de Québec, le contexte international et les actions et les propos Donald Trump contribuent tous à un climat malsain », a-t-elle dit à La Presse au téléphone.

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