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Publié le 27 janvier 2017 à 05h00 | Mis à jour à 05h00
Publié le 27 janvier 2017 à 05h00 | Mis à jour à 05h00
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE |
YVES BOISVERT
La Presse
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Souvenez-vous de ce matin du 17 juin 2013. À l'aube, la police allait arrêter le maire de Montréal, encore en pyjama.
Michael Applebaum accusé de corruption ? Impossible ! Cet homme qui parlait si doucement... qui avait l'air tellement inoffensif qu'on se demandait s'il n'était pas franchement insignifiant... Après les années de supercorruption à Montréal, l'air d'échevin de province qu'il affichait avait quelque chose d'apaisant. Ce serait un maire de transition sans la moindre envergure et on commençait à l'aimer pour ça.
Si par impossible il était capable de quoi que ce soit de mal et d'un peu compliqué, il n'aurait pas osé jouer au maire de Montréal... Pas là, pendant la commission Charbonneau, au nez de la toute nouvelle et fringante police anticorruption ! Il faudrait être un sombre idiot pour aller à l'hôtel de ville avec même un squelette de hamster dans son placard !
Eh ben, il y est allé.
Il y est allé, même s'il avait profité de son ancienne position de « maire d'arrondissement » pour exiger des pots-de-vin des entrepreneurs.
Et hier, la juge Louise Provost nous a expliqué en détail que, sans l'ombre d'un doute, l'homme est parfaitement coupable.
La décision, motivée méticuleusement, repose uniquement sur la crédibilité des témoins. Les cours d'appel vont rarement se mêler de ce genre de verdict : la juge du procès a l'avantage d'avoir vu et entendu les témoins. Sauf erreur d'analyse grossière (invisible ici), c'est le genre de jugement difficilement attaquable.
Sans compter que le principal intéressé n'a même pas fourni sa version en défense.
« Je ne veux pas commenter les différentes accusations et les différentes rumeurs, mais j'ai l'intention de me battre comme je l'ai toujours fait et je n'ai jamais pris un sou de personne », avait-il dit le lendemain de son arrestation.
Rendu au procès, rien à dire.
***
Ce verdict est important pour asseoir la crédibilité de l'Unité permanente anticorruption. Les arrestations ont été nombreuses et spectaculaires, au fil des ans. Mais si tout se termine par des acquittements, à quoi bon ?
Michael Applebaum a été arrêté un mois après le roi de Laval, Gilles Vaillancourt. Et comme par hasard, Vaillancourt s'est avoué coupable il y a un mois. Il disait en 2013 : « J'ai beaucoup d'arguments à faire valoir devant le tribunal et à partir de maintenant, je vais consacrer mes énergies à préparer ma défense et prouver mon innocence. » Il n'a pas présenté le moindre argument, il n'a pas contesté la preuve, il a accepté sa peine de six ans de pénitencier - plus le remboursement de 8,6 des millions qu'il a volés aux citoyens de Laval et aux entrepreneurs.
Il n'a pas même tenté sa chance devant un juge. Il a accepté l'entente. C'est dire que la preuve était imparable.
On peut dire qu'il s'en est assez bien tiré, vu le degré de pourriture qu'il a atteint. Ainsi vont les ententes : le ministère public jette un peu de lest en échange de l'assurance d'une condamnation. La défense de son côté capitule devant la probabilité d'une condamnation... et le risque d'une peine plus lourde.
Ce qui ne fait pas de doute, cependant, c'est que la preuve dans ces deux cas majeurs était solide. Pour l'UPAC, il s'agit sans doute des deux cas les plus importants de sa courte histoire. Il fallait absolument qu'ils passent le test judiciaire. C'est fait.
Au moment où plusieurs causes sont en suspens pour cause de délais, au moment où beaucoup d'incertitude plane sur des dossiers importants, la conclusion de ces deux affaires est rassurante quant à la compétence de l'UPAC.
J'en entends me dire qu'elle est déprimante quant à la moralité de nos élus. Je crois au contraire que la capacité de faire enquête, d'accuser et de mener à terme des dossiers de corruption est un signe d'hygiène démocratique. Et matière à réjouissance.
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