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mercredi, avril 22, 2015

La règle du premier tour

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21 avril 2015 |Michel David | Québec
Les principaux adversaires de Pierre Karl Péladeau dans la course à la chefferie du Parti québécois soutiennent que rien n’est encore joué et qu’un deuxième tour pourrait réserver des surprises.
 
Certes, rien n’est impossible et M. Péladeau a donné toutes les raisons de douter qu’il soit l’homme de la situation, mais la tenue d’un deuxième tour constituerait un précédent dans les annales politiques du Québec contemporain. Contrairement à ce qui s’est souvent produit au niveau fédéral, les principaux partis y ont toujours choisi leur chef au premier tour, que ce soit par l’intermédiaire de délégués ou au suffrage universel des membres.
 
Au PLQ, cela a été le cas de Georges-Émile Lapalme (1950), Jean Lesage (1958), Robert Bourassa (à deux reprises, 1970 et 1983), Claude Ryan (1978) et Philippe Couillard (2013), tandis que Daniel Johnson et Jean Charest ont été élus sans opposition. Au PQ, Pierre Marc Johnson (1985) et André Boisclair (2005) l’ont aussi emporté au premier tour, tandis que René Lévesque, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Bernard Landry et Pauline Marois n’ont pas eu d’opposants.
 
À l’Union nationale, Daniel Johnson a battu Jean-Jacques Bertrand au premier tour en 1961, mais ce dernier lui a succédé sans congrès en 1968. En 1959 et en 1960, Paul Sauvé et Antonio Barrette ont également été cooptés. La règle a failli connaître une première exception en 2009, quand les membres de l’ADQ ont dû choisir un successeur à Mario Dumont. Gilles Taillon l’a emporté par une seule voix.

Le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir, effectué entre le 6 et le 9 avril, accordait 59 % des intentions de vote des électeurs péquistes à Pierre Karl Péladeau, loin devant Alexandre Cloutier (13 %), Bernard Drainville (9 %) et Martine Ouellet (4 %) ; 13 % étaient indécis.
 
Il est vrai que les électeurs péquistes ne reflètent pas nécessairement l’opinion des membres du PQ, qui auront seuls de droit de vote, de sorte que l’issue du scrutin pourrait être très différente. Les expériences passées ont toutefois démontré une remarquable concordance.
 
À la mi-octobre 2005, Léger Marketing avait crédité André Boisclair de 53 % des intentions de vote des électeurs péquistes, devant Pauline Marois (25 %) et Richard Legendre (13 %). Le 15 novembre suivant, il s’est avéré que 53 % des membres du PQ avaient bel et bien voté pour M. Boisclair, 30,5 % pour Mme Marois et 7,4 % pour M. Legendre.
 
Au début de février 2013, Léger Marketing accordait 43 % des intentions de vote des électeurs libéraux à Philippe Couillard, devant Raymond Bachand (17 %) et Pierre Moreau (8 %). À la mi-mars, les délégués au congrès du PLQ avaient voté encore plus massivement pour M. Couillard, élu avec 58,5 % des voix. La surprise avait été la deuxième place de M. Moreau qui, avec 22 %, avait relégué M. Bachand à la troisième (9,5 %).
 
De façon générale, les partis ont également choisi comme chef celui qui était le plus apprécié dans l’ensemble de la population, comme l’est présentement M. Péladeau. La grande exception a été la première élection de Robert Bourassa qui, en 1970, était relativement peu connu. Le plus populaire était plutôt l’ancien ministre de la Justice dans le gouvernementLesage, Claude Wagner, qui n’avait pourtant recueilli que 28,7 % des voix au congrès, contre 53,1 % en faveur de M. Bourassa, soutenu par l’establishment du parti.

Si l’écrasante majorité des électeurs péquistes (72 %) croient que Pierre Karl Péladeau est le plus susceptible de réaliser la souveraineté, on peut penser que c’est aussi l’avis des membres. Face à cet espoir, les défauts qu’on peut lui trouver ne font pas le poids. Pas plus que la consommation de cocaïne d’André Boisclair n’avait empêché les militants de voir en lui la fontaine de jouvence qui allait assurer la pérennité du PQ.
 
En réalité, l’objectif de la lutte de plus en plus dure pour la deuxième place qui oppose Alexandre Cloutier et Bernard Drainville n’est sans doute pas d’incarner l’alternative à PKP dans la perspective d’un deuxième tour, mais plutôt de se positionner pour la prochaine course. Devenir chef du PQ est la partie la plus facile pour lui, gagner la prochaine élection sera une autre paire de manches, sans parler du référendum.
 
Au PQ, ils sont plusieurs à croire qu’il n’y arrivera pas et qu’il préférera retourner à ses affaires plutôt que de poireauter pendant quatre ans dans l’opposition. Dans trois ans et demi, le poste de chef pourrait donc être à nouveau vacant. Il suffit d’être patient. Après tout, Bernard Landry et Pauline Marois ont dû patienter 16 et 22 ans après leur première tentative.