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mercredi, avril 22, 2015

Le rapport d'enquête sur la crise au CHUM relève d'importantes lacunes


Mise à jour le mardi 21 avril 2015 à 20 h 52 HAE
Centre de recherche du CHUM
Centre de recherche du CHUM  Photo :  Luc Lavigne
Exclusif - Listes d'attente non respectées, manque de transparence et gestion qui écarte la mission universitaire du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), voilà quelques-uns des problèmes mis en évidence par les deux auteurs d'un rapport sur la crise survenue en mars dernier, dont Radio-Canada a obtenu copie.

Un reportage de René Saint-LouisTwitterCourriel
Le rapport avait été commandé pour faire la lumière sur les circonstances qui avaient mené le directeur général du CHUM, Jacques Turgeon, à démissionner temporairement de ses fonctions.
Les problèmes constatés, qui concernent surtout le département de chirurgie, ont des conséquences néfastes sur les soins de santé, soulèvent les auteurs du rapport.
« En chirurgie, c'est une guerre ouverte entre les deux directions. Il n'existe au CHUM aucun chef à la fois universitaire et hospitalier, ce qui est contraire à la réalité des autres centres universitaires dans le reste du Canada ou à travers le monde. »— Extrait du rapport

Les auteurs poursuivent en soulignant que « dans le programme du bloc opératoire, les conflits sont fréquents, les orientations de la direction générale et du conseil d'administration sont mal reçues par les chirurgiens. Par exemple, la révision des priorités opératoires en tenant compte des listes d'attentes n'est pas acceptée comme critère de priorisation ».
Dans ce rapport déposé le 26 mars, soit à peine deux semaines et demie après la crise, ils ajoutent :
« Le court délai nous a permis d'explorer certaines pistes, mais la réflexion devra se poursuivre, car il existe un véritable problème. »— Extrait du rapport

Un début d'amélioration
Ses auteurs soulignent que l'arrivée de Jacques Turgeon à la tête du CHUM, en juin dernier, a permis d'améliorer la gouvernance médicale, notamment en instaurant un nouveau contrat de service entre le CHUM et les différents chefs de départements. Tous l'ont signé, sauf le chef du département de chirurgie, le docteur Patrick Harris.
Le rapport conclut d'ailleurs que ce dernier, qui avait été au coeur des tensions entre Jacques Turgeon et le ministre de la Santé, avait l'estime de ses collègues chirurgiens et anesthésistes.
Rappelons qu'après deux mandats à la tête du département, un comité de sélection avait choisi un autre médecin pour le diriger. L'intervention du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, dans le processus de sélection avait entraîné la démission de Jacques Turgeon.
Il avait cependant été réintégré dans ses fonctions une semaine plus tard, moyennant quatre conditions établies par les parties, dont la production de ce rapport d'enquête.
Gaétan Barrette et Jacques Turgeon

Les auteurs du rapport sont le docteur Michel Baron, ex-doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke et PDG de l'Agence de la santé et des services sociaux de l'Estrie, ainsi que Claude Desjardins, PDG de l'Agence de la santé et des services sociaux de Laval.
Les auteurs recommandent un meilleur encadrement
Dans le but de régler certains problèmes, le rapport recommande au gouvernement Couillard d'introduire des modifications réglementaires et législatives nécessaires pour encadrer la gouverne médicale dans les établissements.
Cet encadrement semble nécessaire en raison du statut professionnel des médecins qui sont des travailleurs autonomes.
« N'étant pas des employés de l'établissement, la direction générale doit les convaincre [les médecins] de participer et d'être solidaires. Elle ne possède pas de moyens dans une situation de refus. Le médecin devrait, comme tout autre employé de l'établissement, être soumis régulièrement à une évaluation de son rendement. »— Extrait rapport

Parmi les recommandations au Conseil d'administration du CHUM, le rapport recommande de nommer au comité de nomination du département de chirurgie un observateur neutre.
Il devra surveiller la rigueur des processus, ce qui devrait mettre un terme aux allégations de partisanerie et d'ingérence.
Or, en vertu de la loi 10 qui modifie l'organisation du réseau de la santé, les conseils d'administration des hôpitaux ont été dissous le 1er avril et celui du CHUM n'a pas encore été renouvelé.
Depuis la production du rapport, le directeur général du CHUM, Jacques Turgeon, a demandé l'intervention du ministre pour nommer cet observateur vendredi dernier.
Cette demande semblait étonnante puisque lors de la crise il reprochait à Gaétan Barrette son ingérence dans le dossier. On sait maintenant que la demande visait à répondre à une recommandation de ce rapport en l'absence d'un conseil d'administration.