Manifestation de la Fédération interprofessionnelle de la santé à Québec, le 2 octobre dernier
Les membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) seront appelés, le 20 octobre, à approuver le recours à la grève.
Le mandat, qui sera ouvert et d’ordre général, portera sur le déclenchement de grèves rotatives, a-t-on indiqué à la FIQ. L’exécutif syndical pourra décider de la durée et de la fréquence des grèves et si elles sont déployées aux échelles locale, régionale ou nationale.
La FIQ soutient que son objectif n’est pas de perturber les services à la population. De toute façon, l’exigence du maintien des services essentiels fait en sorte que 90 % du personnel infirmier ne peut débrayer, a-t-on rappelé. La FIQ représente 66 000 infirmières et autres professionnels de la santé. «Ce qui est important pour nous, c’est de ne pas prendre les patients en otage», a affirmé au Devoir un porte-parole.
Il y a 10 jours, la FIQ revenait à la table sectorielle des négociations après l’avoir abandonnée pendant un peu plus d’une semaine. Le gouvernement a présenté une nouvelle offre. Dans cette mouture, il a retiré quelques-unes de ses demandes jugées inacceptables par la partie syndicale. Il renonce à vouloir abolir les primes majorées consenties aux infirmières qui travaillent fréquemment les soirs et la nuit ou aux soins critiques. L’importance pécuniaire de ces primes est non négligeable : quelque 100 millions de dollars. En outre, une exigence qui augmentait la précarité des infirmières auxiliaires a également été biffée.
Moyens de pression
Le gouvernement a donc bougé au cours des derniers jours, mais les parties sont encore très loin d’une entente, estime-t-on à la FIQ. L’enjeu des horaires de travail, important aux yeux des infirmières, n’a pas été abordé. Les gestionnaires des établissements favorisent les horaires à temps partiel, plus pratiques pour eux. Les deux tiers des infirmières auxiliaires travaillent à temps partiel et sur appel, tandis que la moitié des infirmières cliniciennes sont soumises à ce même régime. Fixer des ratios infirmières-patients fait également partie des demandes de la FIQ.
Outre les grèves rotatives — le Front commun a aussi annoncé le déclenchement de grèves tournantes à la fin du mois —, la FIQ entend utiliser des moyens de pression destinés à enquiquiner les patrons, comme de cesser de colliger les statistiques ou déroger au code vestimentaire.
La FIQ a également lancé une campagne de publicité dont le slogan est : «Négocier pour mieux vous soigner» qui paraîtra dans Le Devoir, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ainsi que dans plusieurs quotidiens régionaux.
Des professionnels impliqués dans le milieu scolaire, qui ont manifesté mardi matin devant les bureaux du premier ministre du Québec Philippe Couillard, à Montréal, pour dénoncer les compressions budgétaires en éducation, promettent un automne mouvementé.
Aucune grève n'est cependant prévue pour les manifestants qui ont entamé cette vague de mobilisation depuis l'annonce des compressions budgétaires l'an dernier.
Plusieurs enseignants, employés de soutien et personnels professionnels qui offrent des services aux élèves, comme l'orthophonie et l'orthopédagogie, étaient réunis dès 7 h 30 sur la rue Sherbrooke. Ils demandent au gouvernement de meilleures conditions de travail.
La précarité d'emploi et l'augmentation du nombre de dossiers en raison des suppressions de postes de professionnels surchargent le personnel qui reste, selon la présidente de la Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation du Québec (FPPE-CSQ), Johanne Pomerleau.
« Il est de plus en plus difficile d'attirer et de retenir les professionnels dans le milieu de l'éducation » — Johanne Pomerleau, présidente de la FPPE-CSQ
Mme Pomerleau critique aussi l'absence de continuité dans les services. « Les jeunes doivent apprendre à faire confiance aux professionnels avec qui ils travaillent. Avec cette précarité-là, les changements sont de plus en plus fréquents et les liens de confiance doivent être refaits chaque fois », dénonce la présidente.
Les syndicats enseignants affirment que les négociations avec le gouvernement piétinent depuis plusieurs mois.
Le président de la Fédération du personnel de soutien scolaire, Éric Pronovost, reproche l'inaction du gouvernement.
« Il est temps de négocier les vraies choses, de venir consulter et rencontrer les gens du milieu, ce qu'ils vivent au quotidien, ce que les libéraux ne font pas. » — Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire
Trois coalitions de parents d'élèves se rallient aux revendications des professionnels du milieu scolaire.
Les Québécois jugent sévèrement les étudiants des cégeps et universités qui ont déclenché la grève. Avant même le saccage de l’UQAM par des étudiants masqués, tard mercredi soir, une majorité sans équivoque de six Québécois sur dix condamnait le mouvement de grève, révèle un sondage Léger mené pour Le Devoir.
Ce coup de sonde confirme que le gouvernement Couillard a bel et bien l’appui de la « majorité silencieuse » pour faire son effort d’équilibre budgétaire. Les électeurs appuient certaines des grandes lignes du programme de compressions mis de l’avant par les libéraux : réduction du nombre d’employés de l’État (53 % favorables) et modulation des tarifs de garde en fonction des revenus des parents (appui de 48 %), notamment.
Signe des temps, le nombre d’électeurs qui croient que le gouvernement atteindra l’équilibre budgétaire dès cette année a presque doublé en deux mois, passant de 14 % à 27 % des répondants. Ce chiffre en apparence banal laisse entrevoir des jours radieux pour les libéraux, qui ont fêté cette semaine leur première année au pouvoir.
«Les Québécois sont d’accord avec l’objectif global de l’austérité, dit Christian Bourque, vice-président et associé principal chez Léger. Les gens commencent à croire à l’équilibre budgétaire. C’est une indication claire que les libéraux ont une poussée de la majorité silencieuse pour faire le “sale boulot”. Si les libéraux atteignent leur objectif, ça peut être extrêmement bénéfique pour eux.»
Les libéraux de Philippe Couillard maintiennent leur avance dans les intentions de vote, stables autour de 37 % depuis la rentrée parlementaire de septembre dernier. Le Parti québécois (PQ) a gagné trois points, à 28 %, tandis que la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault a perdu quatre points, à 21 %. Québec solidaire, le parti de Françoise David et Amir Khadir, suit avec 10 % des voix.
Chez les francophones — qui font et défont les gouvernements au Québec —, le PQ confirme sa vigueur renouvelée, même sans chef, avec 34 % des intentions de vote, devant les libéraux, à 27 %.
Les grévistes au pilori
Les étudiants qui ont déclenché la grève recueillent très peu de sympathie au sein de la population. Le mouvement de contestation vise justement à dénoncer les coupes budgétaires, notamment en éducation. Une majorité claire de 66 % des répondants s’oppose au mouvement de grève, contre 24 % qui l’approuvent. Toutes les tranches d’âge condamnent sévèrement les grévistes, sauf les 18-24 ans qui l’appuient à 47 %.
Le sondage a été mené du 6 au 9 avril, soit avant le saccage de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) par des militants masqués, tard le mercredi 8 avril ; 1002 adultes québécois ont répondu au questionnaire par Internet.
«Les grévistes n’avaient pas l’appui de la population avant même les événements de mercredi soir. Si on sondait à nouveau les gens, l’appui chuterait sans doute, peut-être à 10%, ce serait mon hypothèse», dit Christian Bourque.
Si les électeurs condamnent les grévistes, ils n’approuvent pas pour autant la gestion du conflit par le nouveau ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, François Blais ; 47 % des répondants se déclarent insatisfaits du ministre, contre 22 % qui sont satisfaits. M. Blais a succédé le mois dernier à Yves Bolduc, qui a pris sa retraite de la politique après une année marquée par les controverses.
Tous les ministres obtiennent une mauvaise note des électeurs. Pas étonnant, parce que 61 % des répondants au sondage sont insatisfaits du gouvernement Couillard, un taux stable par rapport au 62 % de février dernier. Plus de la moitié des répondants (54 %) affirment que le gouvernement a performé «en deçà de leurs attentes».
Gaétan Barrette obtient la pire note parmi les ministres. Près de six électeurs sur dix (58 %) se déclarent insatisfait du travail du ministre de la Santé. Une proportion similaire de 62 % des répondants est insatisfaite de la réforme de la santé. «Le ton et la manière du ministre Barrette passent mal», dit Christian Bourque.
«Ce n’est jamais facile pour un ministre de la Santé. C’est le ministère le plus difficile depuis les 30 dernières années. Il est impossible de satisfaire les Québécois avec une réforme de la santé», ajoute-t-il.
Alexandre Cloutier s’impose
Fait nouveau, le député et homme d’affaires Pierre Karl Péladeau est perçu par les péquistes comme le candidat le plus apte à développer l’économie et à faire l’indépendance du Québec. Une nette majorité de sympathisants péquistes (59 %) considère l’actionnaire de contrôle de l’empire Québecor comme le meilleur chef pour le PQ.
Le député Alexandre Cloutier, âgé de 37 ans, s’impose tranquillement comme le deuxième favori de la course à la direction du parti : il a gagné trois points en deux mois (à 13 %), tandis que Martine Ouellet en a perdu cinq (à 4 %). Bernard Drainville, qui tente de se positionner comme le deuxième favori, reste troisième avec 9 % d’appuis.
Non au registre des armes d'épaule
Fait étonnant, 48 % des Québécois s’opposent à la création d’un registre des armes d’épaule par le gouvernement du Québec — et 41 % y sont favorables. On entend toujours dire que l’enregistrement des armes à feu fait l’unanimité au Québec depuis le massacre de l’École polytechnique, il y a 25 ans. L’Assemblée nationale a voté une motion unanime à cet effet. Mais les électeurs de toutes les régions, sauf Montréal, s’opposent à ce que Québec investisse 30 millions pour rebâtir le registre des armes d’épaule démantelé par le gouvernement Harper. À Montréal, 50 % des répondants approuvent la création d’un registre et 41 % s’y opposent, révèle notre sondage Léger.
66 %
La part des répondants qui n’appuient pas les étudiants en grève. Le sondage a été mené avant les événements de mercredi à l’UQAM.
En soirée, des étudiants de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM ont tenu une veillée aux chandelles pour montrer leur désaccord quant au grabuge effectué dans l’institution la veille.
Après les saccages et multiples arrestations survenus la veille au pavillon J.-A.-DeSève, l’Université du Québec à Montréal tentait de recoller les morceaux, jeudi, tant bien que mal. Mais une chose est sûre : devant les appels à la démission qui se multiplient, le recteur Robert Proulx n’a pas l’intention de fléchir.
Réveil brutal, jeudi matin, pour des milliers d’étudiants de l’UQAM. L’escalade des événements, la veille, avait culminé avec l’occupation pendant toute la soirée — et le vandalisme — du pavillon DeSève, situé à l’angle Sainte-Catherine et Sanguinet, avant que la police n’intervienne peu après minuit, pour la troisième fois en moins de 24 heures à l’UQAM.
Au lendemain de ces incidents, un collectif formé de professeurs et d’étudiants a réclamé la démission pure et simple du recteur Robert Proulx, furieux de la «dérive sécuritaire» de la direction de l’établissement. Ces représentants de professeurs, de chargés de cours et d’étudiants membres de l’Association pour une solidarité sociale étudiante (ASSE) ont exigé en choeur le départ immédiat de M. Proulx, qu’ils ont accusé de jouer au «pompier pyromane» avec sa gestion de la grève étudiante déclenchée au cours des dernières semaines. C’est la décision de la direction de faire appel au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) au sein des édifices de l’UQAM qui a mis le feu aux poudres, ont-ils soutenu.
«Il est clair que le recteur a failli à sa mission, a déclaré le professeur de sociologie Marcos Ancelovici. La seule chose responsable qu’il lui reste à faire est de démissionner.» La veille, en fin de journée, un groupe de professeurs et lui avaient tenté, au cours d’une rencontre houleuse, de trouver des solutions à la crise avec le recteur et deux de ses adjoints.
Débat sur le droit de grève
Le collectif a de plus demandé à l’UQAM de reconnaître le droit de grève des étudiants en ne demandant pas le renouvellement de l’injonction temporaire, qui arrive à échéance lundi, et qui vise à forcer la tenue des cours. Cette injonction n’a pas permis de rétablir le calme, bien au contraire, ont-ils souligné. Ils n’ont pas manqué de rappeler que Robert Proulx lui-même avait demandé au gouvernement libéral de Philippe Couillard de légiférer en matière de droit de grève des étudiants.
Au moment de faire le point sur la crise à l’UQAM, au cours d’une conférence de presse à Québec, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, François Blais, a complètement exclu cette possibilité. «Je ne sais pas sur quoi vous voulez qu’on légifère, mais je vous rappelle simplement que nous ne croyons pas à ce droit-là», a dit le ministre.
L’ex-doyen de l’Université Laval a donné son appui «entier» au recteur de l’UQAM quant à ces «personnes qui rentrent cagoulées et qui terrorisent une institution».
Celui qui avait proposé aux recteurs d’expulser de «deux à trois» étudiants par jour pour calmer le jeu a jugé que le recteur de l’UQAM y était «allé de manière très graduelle» au cours des dernières semaines. La venue des policiers — et les 27 arrestations qui ont eu lieu pendant la journée et la soirée de mercredi — était «le geste qui s’imposait pour faire respecter les règles qui régissent une société de droit». Rappelons que le recteur Proulx a également entrepris des démarches visant à expulser ou suspendre neuf étudiants, en plus de faire appel à une firme de sécurité externe et d’avoir obtenu l’injonction de dix jours.
Il a précisé que Québec n’interviendrait pas directement dans les affaires de l’UQAM, à la demande du recteur Proulx, si ce n’est que pour lui offrir son «appui entier». Robert Proulx a toute la légitimité nécessaire pour accomplir son travail, a soutenu M. Blais.
Québec ne paiera pas un iota si l’UQAM en venait à prolonger sa session, a-t-il ajouté.
Le chef par intérim du Parti québécois, Stéphane Bédard, a lui aussi demandé la«reconnaissance de la démocratie étudiante», et ce, bien que le PQ se soit toujours opposé à toute forme de droit de grève pour les étudiants alors qu’il était au pouvoir. «La violence est toujours inacceptable. Les gestes répréhensibles des commandos de manifestants masqués et cagoulés, dirigés contre des personnes et des biens, doivent être dénoncés,[mais] les étudiants peuvent légitimement s’opposer à l’austérité», a estimé le chef de l’opposition.
Dommages considérables
Entre-temps, au pavillon J.-A.-DeSève, le personnel de l’UQAM était à pied d’oeuvre afin d’évaluer et réparer les dommages. Le bâtiment situé à l’angle des rues Sanguinet et Sainte-Catherine était fermé pour la journée, forçant par le fait même l’annulation de plusieurs dizaines de cours.
Dès le début de la matinée, des employés des services des immeubles et de l’équipement ont entamé l’évaluation des dommages. «Nous n’avons pas encore de chiffre pour évaluer les dommages. Mais ce sont des dommages qui sont très importants», a dit la porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers. «Le comptoir de l’aide financière [où ont pénétré par la force des vandales], où les étudiants peuvent faire des demandes de bourse, c’est carrément sinistré.» Caméras de surveillance, mobilier, machines distributrices ont également été endommagés ou détruits, alors que les graffitis se comptent par dizaines sur les murs. Et de nombreuses portes et fenêtres ont été brisées ou endommagées par des manifestants masqués.
Le pavillon DS sera «partiellement» rouvert vendredi, a indiqué l’établissement en soirée. Certains cours ont toutefois été déplacés. Les professeurs et étudiants en ont été avisés par courriel ou le seront par une affiche sur la porte de leur local de cours habituel. Certains services localisés dans le pavillon DS seront également fermés pour la journée.
Il est injuste et contre-productif de dépeindre le mouvement anti-austérité comme un groupe de jeunes étudiants aveugles, incapables d’analyse politique, nostalgiques du printemps 2012, de le réduire à quelques pancartes humoristiques à saveur « nihilistes », aperçues ici et là dans des manifestations, comme le faisait Jean-François Nadeau dans sa chronique de mardi.
Malgré certaines maladresses, les étudiants ont lancé le mouvement contre l’austérité, ils ont l’idéalisme, l’audace, le courage nécessaires pour prendre la rue, faire la grève, contre vent et marée, malgré l’hostilité et la désinformation des médias de masse, la forte répression policière, judiciaire et universitaire qui sévit contre eux, mais ils ne sont pas les seuls à s’opposer.
Des professeurs, des cols bleus, des fonctionnaires, des infirmières, des intellectuels, des artistes, des indépendantistes, des écologistes, des familles, des féministes, des mères célibataires, des travailleurs précaires, des sans-emploi, des aînés, des malades s’inquiètent eux aussi des coupes qui saignent les services publics, des taxes régressives, des hausses de tarifs qui écorchent la classe moyenne et les plus vulnérables de la société, et ils prendront eux aussi la rue, dans les prochaines semaines, mois, années, pour défendre nos acquis sociaux et dénoncer les mesures néolibérales de ce sinistre gouvernement qui rêve d’équilibre budgétaire sur le dos des précaires.
Il suffit de lire les études, les textes de l’IRIS, de l’ASSE, du Comité Printemps 2012, des différents syndicats et médias de gauche sur les conséquences des mesures d’austérité pour voir que les « grenouilles » sont parfois plus intelligentes et plus clairvoyantes que le laisse croire M. Nadeau. On s’attend à un peu plus de rigueur, de bienveillance, à un peu moins de cynisme, de condescendance de la part d’un jeune écrivain, historien et politicologue de gauche.
«Ne nous restera-t-il bientôt que des crapauds pour chanter la liberté?», demande le chroniqueur en guise de conclusion. Le cinéaste Bernard Émond lui répondrait peut-être que«le cynisme est la maladie des gens intelligents», et le philosophe Jean-Paul Sartre, que«le désespoir est un attentat de l’homme contre lui-même».
Les enseignants ont souligné à leur manière le premier anniversaire du gouvernement Couillard, en gribouillant à la craie liquide des « souhaits » de fête sur les fenêtres du quartier général du PLQ, à Montréal.
Philippe Couillard n’a aucune intention d’engager un dialogue avec les étudiants qui contestent les restrictions budgétaires imposées par son gouvernement.
«Discuter de quoi?» a lancé le premier ministre à une journaliste qui lui demandait, mardi, s’il pourrait entamer des discussions avec les étudiants en grève. «Si l’objectif pour nous est d’abandonner l’équilibre budgétaire, c’est non. Si l’objectif pour nous est de cesser de gérer les finances publiques de façon rigoureuse, c’est non. Si l’objectif pour nous est de cesser de tenir compte de la dette, c’est non.»
Un an jour pour jour après l’élection du gouvernement libéral, Philippe Couillard a tenu une conférence de presse qui a débuté par une allocution dans laquelle il s’adressait aux Québécois «qui ont choisi le courage plutôt que l’irresponsabilité».
Prévenant que la présente année ne sera pas facile, il a promis que dès l’an prochain, les missions de l’éducation et de la santé retrouveront «des moyens plus proches de ceux que nous prévoyons leur donner». La véritable austérité, c’était celle du gouvernement Bouchard, qui a réduit les budgets de l’État entre 1996 et 1998. «Ce qu’on fait actuellement, c’est de faire une pause: on maintient les enveloppes, on les augmente légèrement, très légèrement, c’est vrai. Ça nous permet de repartir sur un meilleur pied après», a-t-il dit.
Une majorité de Québécois appuie le plan de redressement des finances publiques de son gouvernement même si les compressions, ce que Philippe Couillard appelle «le changement», ne peuvent faire l’unanimité, a-t-il reconnu. «Je pense qu’il y a une partie substantielle de l’opinion qui reconnaît qu’on est rendu là.»
Philippe Couillard a soutenu qu’il ne fallait pas «changer de système», comme l’a évoqué le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, la semaine dernière. «Le modèle québécois, il faut le rendre viable», a-t-il plutôt déclaré. Les choix que les Québécois ont faits en matière de services publics sont «légitimes», encore faut-il qu’ils soient soutenus par des moyens appropriés. «Un discours de solidarité qui ne s’appuie pas sur des finances publiques équilibrées et une dette contrôlée, c’est le discours de l’illusion», a-t-il fait valoir.
Philippe Couillard trouve «drôle» qu’on le désigne comme le plus conservateur des chefs libéraux qu’a connus le Québec. S’il se définit comme «plutôt prudent et rigoureux» sur le plan fiscal, il dit souhaiter maintenir les mesures de solidaritéet même les améliorer. «Je crois profondément à la justice sociale. Je crois profondément à la lutte contre les inégalités», a-t-il affirmé.
Un an après la victoire libérale, Philippe Couillard est forcé de reconnaître que son gouvernement a rompu plusieurs promesses électorales. Mais il a affirmé ne pas regretter la décision de moduler les tarifs des services de garde en fonction des revenus des parents.«C’est plus équitable», juge-t-il, signalant que les social-démocraties européennes procédaient de la sorte.
Par ailleurs, une manifestation « interdite » aux hommes s’est déroulée mardi soir à Montréal, à l’invitation d’une organisation féministe, pour s’opposer aux mesures d’austérité du gouvernement Couillard. Quelques centaines de femmes se sont rassemblées à la place Norman-Bethune, près du campus Sir-George-Williams de l’Université Concordia, au centre-ville. Un fort cordon policier surveillait le cortège des deux côtés.
Depuis le début des manifestations contre l’austérité, plusieurs groupes féministes sont sortis sur la place publique pour dénoncer les décisions du gouvernement et les répercussions qu’elles auraient plus particulièrement sur les femmes.
Maxence L. Valade, attaché de presse intérimaire de l’ASSÉ, en compagnie de la porte-parole intérimaire de l’association étudiante, Hind Fazazi. Un conseil exécutif intérimaire sera élu jeudi et un tout nouvel exécutif entrera à la fin du mois.
La démission retentissante, cette fin de semaine, des membres de son exécutif n’ébranle pas la confiance de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), qui appelle à poursuivre la lutte contre l’«austérité». Une lutte qui pourrait s’échelonner jusqu’à l’automne, soutient la porte-parole intérimaire de l’association lors d’une entrevue avecLe Devoir.
«Je pense que l’ASSÉ sort plus forte. À l’interne, il y a un sentiment d’union rarement vu récemment. Je suis triste qu’on dise qu’il y a eu des chicanes internes, comme si c’était négatif», affirme Hind Fazazi, au terme du congrès mouvementé de l’association étudiante qui s’est déroulé ce week-end à Salaberry-de-Valleyfield.
Les tiraillements internes ont débuté la semaine dernière, lorsque l’exécutif de l’association a publié un texte de réflexion proposant un «repli stratégique». Les signataires de la lettre ont soulevé la possibilité de suspendre le mouvement de grève en cours pour poursuivre la lutte à l’automne prochain, aux côtés des syndicats de la fonction publique.
Cette prise de position a suscité la grogne de plusieurs militants, qui auraient préféré que cette idée soit débattue au sein des instances de l’ASSÉ avant de surgir sur la place publique. Samedi, tous les membres de l’exécutif ont choisi de démissionner, y compris la porte-parole de l’ASSÉ, Camille Godbout. Les militants réunis en congrès ont malgré tout choisi de les destituer «symboliquement»par la suite.
«C’était pas trop une lettre de réflexion. Ça sonnait appel, ça sonnait mot d’ordre. Ça n’a pas du tout été apprécié par les assos, qui voulaient choisir ce qu’elles allaient faire le 4 et le 5 [avril]», raconte Mme Fazazi, une étudiante en philosophie à l’Université de Montréal, qui a été nommée temporairement pour remplacer Mme Godbout à titre de porte-parole. Elle quittera ce poste dès mardi.
Dans le plan d’action adopté lors du congrès, l’association souligne que «la diversité d’opinions et une conflictualité constructive sont valorisées au sein de l’ASSÉ. […] Toutefois, le ton et le momentum de publication du dernier texte n’ont pas été appréciés.» Les membres ont d’ailleurs adopté une motion condamnant ce qu’ils qualifient d’agissements«contraires aux structures de démocratie directe».
La porte-parole, Hind Fazazi, refuse toutefois de parler d’une crise au sein de l’ASSÉ. «Je ne pense pas que c’est une bonne analyse de dire qu’il y avait une chicane à l’interne. Il y avait une saine dissension et je pense que c’est important de souligner que l’ASSÉ est unie, même si elle n’est pas homogène.»
Sur sa page Facebook, l’ancienne secrétaire aux relations internes du conseil exécutif, Virginie Mikaelian, a pourtant dénoncé la teneur des échanges qui ont précédé son départ. Dans un long message, elle déplore «cette mauvaise foi qui déshumanise complètement ceux et celles qui se donnent corps et âme au sein des structures de l’ASSÉ. Celle qui invisibilise notre travail. Celle qui nourrit la haine que j’ai lue toute la semaine dans vos différentes conversations Facebook.»
Un conseil exécutif intérimaire sera élu jeudi, lors d’un conseil central extraordinaire, et un tout nouvel exécutif entrera en poste à la suite du congrès annuel, les 25 et 26 avril prochains.
Nouvel appel à la mobilisation
Entre-temps, l’ASSÉ entend poursuivre la lutte de plus belle. Au cours de la fin de semaine, elle a réitéré son appel à la grève, tout en précisant que sont les associations membres qui décideront de la suite des choses. Plusieurs d’entre elles devront décider ce mardi si elles reconduisent ou non leur mandat de grève.
Plusieurs rassemblements sont prévus au cours des prochaines semaines, à commencer par une manifestation «action-climat» le 11 avril et une «grève sociale» le 1er mai. D’autres événements visant à mettre de l’avant plusieurs revendications différentes sont prévus jusqu’au mois d’août. L’ASSÉ a également annoncé son intention de perturber le congrès du Parti libéral du Québec en juin. Sur le fond, toutefois, rien ne change. La lutte contre les mesures d’«austérité» du gouvernement Couillard, notamment en santé et en éducation, et l’exploitation des hydrocarbures sont toujours dans la mire des étudiants.
«La lutte contre les mesures d’austérité, ça nous étonnerait que ce soit une lutte de courte durée, souligne Mme Fazazi.On pense que c’est une lutte qui va s’échelonner dans le temps.[…] C’est sûr qu’à l’automne on va être encore là.»
Mais comment espérer des gains concrets avec une liste de revendications aussi longue ?«Dites-vous bien que l’esprit de cette grève-ci n’est pas celui d’une grève étudiante. C’est tout à fait différent de ce qui s’est passé en 2012. C’est une grève qui se veut sociale, insiste la porte-parole. Ce n’est pas de réclamer l’abolition de la hausse des droits de scolarité de 1625$ [comme en 2012], d’atteindre l’objectif et d’arrêter de faire la grève. C’est quelque chose de dynamique. Nous sommes attentifs aux négociations des syndicats et nous sommes sensibles au pouls. Nous ne sommes pas aveugles.»
Grève générale illimitée en sciences humaines à l’UQAM
Piqués au vif par les menaces d’expulsion qui pèsent contre neuf étudiants de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), les membres de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) de l’établissement ont déclenché lundi une grève générale d’une durée illimitée.
Près de 700 des 5200 membres en règle de l’AFESH ont participé à l’assemblée générale de grève qui s’est tenue lundi dans une église du Plateau-Mont-Royal. Le vote tenu lundi a pour effet de prolonger pour une durée«illimitée» le mandat de grève que détenait déjà l’AFESH. Outre les menaces d’expulsion prononcées par le conseil exécutif de l’établissement envers neuf étudiants au cours des dernières semaines, les étudiants dénoncent l’austérité, les hydrocarbures et le recours aux injonctions. L’AFESH souhaite aussi limiter les pouvoirs des gardiens de sécurité de l’établissement en les empêchant de séquestrer, toucher et menotter des étudiants.
Les étudiants en sciences humaines invitent maintenant leurs collègues des autres facultés à leur emboîter le pas.
Peu après la fin de l’assemblée, vers 20 h, une manifestation ayant rassemblé plusieurs dizaines de personnes a eu lieu au centre-ville. La police a fait usage d’irritants chimiques aux environs de 20 h 45 pour disperser la foule.
Le Syndicat des professeurs de l’UQAM a voté pour un mandat de deux journées de grève à être déclenchées au moment opportun.
Au lendemain de l’obtention d’une injonction contre certaines associations étudiantes qui bloquaient ses entrées, l’Université du Québec à Montréal était frappée jeudi par un débrayage d’une journée de ses professeurs.
Ceux-ci avaient d’ailleurs dressé des piquets de grève devant les différentes entrées de l’université, au centre-ville de Montréal, jeudi matin. Les professeurs devaient également participer à la manifestation étudiante prévue plus tard en après-midi contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard.
Le Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à Montréal, qui représente 1200 enseignants, a voté pour un mandat de deux journées de grève à être déclenchées au moment opportun. La première de ces deux journées était donc exercée jeudi, alors que le long congé de Pâques commençait.
Au cours d’une rencontre avec la presse en matinée, la présidente du syndicat, Michèle Nevert, a affirmé que ses membres refusaient de faire les frais des politiques d’austérité du gouvernement Couillard qui sont imposées à l’université.
«On a une négociation de convention collective qui piétine, mais elle piétine parce qu’elle est liée à des compressions budgétaires, elles-mêmes liées à une politique d’austérité contre laquelle nous nous opposons fermement, à la fois celle du gouvernement et celle de la politique d’austérité qui est imposée à l’intérieur de notre université par la direction», a protesté Mme Nevert.
La convention collective des professeurs de l’UQAM est échue depuis le 31 mai 2013.
Deuxième journée à venir
Mme Nevert n’a pas voulu dire quand la seconde journée de débrayage prévue serait exercée. «C’est un coup de semonce; c’est un avertissement sérieux qui est donné à notre direction. Pour le moment, nous avons décidé d’une date, qui est celle d’aujourd’hui. Par la suite, nous allons voir. Ce que nous espérons, c’est que justement, cette journée ait des incidences», a confié la présidente du syndicat.
Les négociations se poursuivent tout de même entre les parties.
«Le fait qu’il y ait un manque à gagner, le fait qu’il y ait des compressions budgétaires qui sont imposées ne signifie pas pour autant qu’il s’agisse d’un déficit pour l’université», argue Mme Nevert. Les professeurs souhaiteraient que d’autres choix soient faits en matière budgétaire par la direction de l’université.
Du côté de la direction de l’université, on disait vouloir laisser le processus de négociation de la convention collective suivre son cours. La direction de l’UQAM a fait savoir qu’elle ne voulait pas commenter publiquement la journée de débrayage de ses professeurs, afin de ne pas interférer dans ce processus.
«C’est important qu’ils [les dirigeants d’établissements d’enseignement] puissent imposer des sanctions, surtout quand il y en a qui dépassent les bornes par rapport aux biens et par rapport aux personnes», a dit François Blais à la sortie du conseil des ministres.
Le ministre de l’Éducation, François Blais, a tenté de nuancer ses propos, mercredi, après avoir invité les recteurs des universités à expulser deux ou trois étudiants par jour afin de « refroidir les ardeurs » des grévistes étudiants qui perturbent les activités académiques de certains campus.
Devant la controverse suscitée par ses propos, M. Blais s’est défendu, mercredi, de fixer un quota de sanctions ou de renvois aux dirigeants d’établissements d’enseignement supérieur, collégial ou universitaire. « C’est important qu’ils puissent imposer des sanctions, surtout quand il y en a qui dépassent les bornes par rapport aux biens et par rapport aux personnes, a-t-il dit à la sortie du conseil des ministres. Et j’ai donné l’exemple, écoutez, s’il faut appliquer des sanctions à deux ou trois personnes, faites le parce que ça envoie un message positif, ça donne le signe que vous êtes en contrôle quand même, minimalement, de la situation. »
M. Blais a néanmoins plaidé pour une gradation des sanctions, en plaçant l’expulsion dans la catégorie des situations exceptionnelles et extrêmes. « En général, la première conséquence, c’est un avertissement, dans le milieu universitaire, a-t-il dit. On l’avertit: "écoutez, vous n’avez rien à votre dossier jeune homme, mais pour la prochaine fois, faites attention". Ça peut aller vers d’autres sanctions, parfois un cours, etc. On n’est pas rendu là. Une expulsion c’est pour des situations assez limites, notamment quand il y a eu de la violence. »
Deux ou trois étudiants dehors chaque jour pour l’exemple
En insistant sur le fait qu’il ne souhaitait pas mettre de l’«huile sur le feu», le ministre Blais s’est confié sur les mesures d’autorité qu’il préconise pour ramener le calme dans les universités, en particulier à l’UQAM. Ainsi, «expulser deux ou trois personnes par jour refroidirait les ardeurs de certains» et «ferait réfléchir les autres».
Sur les ondes de Choi 98,1 FM, à Québec, à l’émission de Dominic Maurais, la présentation de l’animateur donnait le ton: «Il y a encore des crottés qui bloquent les portes de l’UQAM.»
Dans un entretien, l’animateur de cette radio ouvertement militante contre l’action étudiante a approuvé à plusieurs reprises les propos du ministre, livré sur un ton parfaitement calme. Pour le ministre Blais, un ancien doyen de l’Université Laval, «c’est assez inacceptable ce qui s’est passé à l’UQAM».
Il dit avoir parlé avec l’ensemble des recteurs afin de faire valoir ses orientations. «Je leur ai rappelé qu’ils ont les moyens d’agir», en rappelant que des sanctions peuvent être prises contre les élèves. «C’est inacceptable. Une crise, c’est autre chose. Ce serait une crise si on mettait de l’huile sur le feu. C’est un principe qui est clair pour moi depuis une vingtaine d’années. J’ai réfléchi à ces questions-là. J’étais dans un milieu pour ça. J’étais un peu marginal à l’époque quand j’ai commencé. Mais aujourd’hui je pense qu’il y a de plus en plus de gens qui se joignent à moi. Personne n’a le droit d’empêcher une autre personne d’étudier. C’est un droit fondamental. Malheureusement, depuis 50 ans au Québec, il y a des gens, beaucoup de personnes, pis des gens parfois de qualité, des gens que je respecte, qui pensent que dans certains cas, lorsqu’une association prend une décision, de bloquer des cours, c’est un droit qui leur est reconnu. Alors que ce droit-là n’existe pas.»
À l’ensemble des recteurs, il affirme avoir répété ceci: «“Écoutez, vous avez des moyens d’agir. Je comprends que votre priorité c’est la sécurité. Faire entrer des policiers armés dans un pavillon où l’essentiel des gens est en cours, les autres ne le sont pas où il y a du personnel, etc., je comprends que vous ne voulez pas ajouter de l’huile sur le feu. Mais je leur ai dit: “Prenez des mesures, des sanctions, ne serait-ce que deux ou trois étudiants par jour qui vont beaucoup trop loin, qui exagèrent, etc. [...] Il y a des règlements disciplinaires, et effectivement ça peut aller jusqu’à l’expulsion. Ils peuvent le faire. S’ils le faisaient pour deux ou trois personnes par jour, ça refroidirait les ardeurs de certains. Sans mettre donc de l’huile sur le feu, c’est des endroits où il y a beaucoup de personnes sur des campus. [...] Ça va faire réfléchir les autres. C’est clair.»
À son sens, l’analogie avec le père de famille s’impose. «On fait ça avec les enfants. Quand on veut corriger leurs comportements, on ne dit pas, du jour au lendemain: “Va dans ta chambre, tu n’auras pas de souper”. On commence par leur dire: “Écoute, il va y avoir une sanction pour ce que tu as dit à ta mère, etc. On s’assure qu’on pose ce geste-là. Dans le cas des étudiants, encore une fois, je pense qu’il ne faut pas mettre de l’huile sur le feu, mais il y a des limites à respecter puis les recteurs sont en mesure — ils ont les moyens et les outils — pour faire respecter ces limites-là.»
La neutralité
En entrevue, François Blais a plaidé pour la neutralité des professeurs dans ce conflit, en rappelant sa propre expérience. «Les professeurs se doivent à une certaine neutralité. Moi, j’ai enseigné les idées politiques pendant vingt ans. Et un des plus beaux compliments que j’ai eu de mes étudiants quand ils ont su que j’allais en politique est que c’est étrange, on ne savait pas de quel côté était François Blais était. Est-ce qu’il était fédéraliste ou pas? Est-ce qu’il était Québec solidaire ou Parti québécois? Je trouve que c’est un compliment parce que j’ai essayé de respecter dans mes enseignements une certaine neutralité.» Le ministre pose ainsi en exemple devant l’action ouvertement engagée de ses anciens confrères. «Ce qu’on a vu hier c’était loin, loin, loin de là. C’était inapproprié.»
Pour l’animateur, les étudiants ne sont que des «pleurnichards» qui bénéficient de prêts et bourses. Le ministre a approuvé en indiquant que «cette année l’augmentation pour les programmes de prêts et bourses était de 8 %. La société québécoise est la plus généreuse en Amérique du Nord pour l’accessibilité de ses étudiants. [...] Quand on dit, on coupe, on coupe partout, il faut faire attention. On demande des efforts administratifs.»
Réactions
Informés des propos du ministre François Blais en pleine conférence de presse portant sur la brutalité policière et la répression politique du mouvement social, des porte-parole d’organisations présentes ont vivement réagi. «Franchement, ça dépasse l’entendement!», a dit Nicole Filion, de la Ligue des droits et libertés.
«Je me demande de quel ministre de l’Éducation on peut bien parler lorsque celui-ci essaie de brimer la liberté d’expression d’universitaires et de cégépiens qui essaient de penser et réfléchir au projet de société qu’ils espèrent», a dit Fannie Poirier, des comités Printemps étudiant 2015.
«Ce n’est pas si surprenant quand on pense aux propos du ministre Blais dès le début de la grève», a ajouté Camille Godbout, porte-parole de l’ASSE. «Il a véritablement du culot de dire ça, alors que demain, 120 000 étudiants et étudiantes seront en grève et dans la rue.»
Du côté de Québec, la députée de Québec solidaire Manon Massé a affirmé que «les déclarations du ministre Blais sont si maladroites qu'on croirait entendre son prédécesseur», ajoutant qu’il «n’aurait pas pu faire mieux pour envenimer le climat».
Le professeur de science politique à l'UQAM, Francis Dupuis-Déri, a écrit pour sa part une lettre au ministre largement diffusée sur Facebook: « Vous prônez donc une punition exemplaire, non pas tant pour punir des fautifs, mais pour effrayer les autres, en pleine mobilisation sociale. Outre que vos propos sur la valeur pédagogique des punitions sont indignes d'un ministre de l'Éducation (et d'un ancien professeur d'université), l'instrumentalisation politique que vous faites vous-même des mesures disciplinaires est scandaleuse. Évidemment, avec un tel raisonnement, on justifie aussi la brutalité policière : crevons les yeux d'un ou deux manifestants par jour, pour refroidir les ardeurs des autres. »