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jeudi, avril 09, 2015

LETTRE Les «grenouilles» de l’austérité

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9 avril 2015 | Yann Leduc Le 8 avril 2015 | Actualités en société
Il est injuste et contre-productif de dépeindre le mouvement anti-austérité comme un groupe de jeunes étudiants aveugles, incapables d’analyse politique, nostalgiques du printemps 2012, de le réduire à quelques pancartes humoristiques à saveur « nihilistes », aperçues ici et là dans des manifestations, comme le faisait Jean-François Nadeau dans sa chronique de mardi.
 
Malgré certaines maladresses, les étudiants ont lancé le mouvement contre l’austérité, ils ont l’idéalisme, l’audace, le courage nécessaires pour prendre la rue, faire la grève, contre vent et marée, malgré l’hostilité et la désinformation des médias de masse, la forte répression policière, judiciaire et universitaire qui sévit contre eux, mais ils ne sont pas les seuls à s’opposer.
 
Des professeurs, des cols bleus, des fonctionnaires, des infirmières, des intellectuels, des artistes, des indépendantistes, des écologistes, des familles, des féministes, des mères célibataires, des travailleurs précaires, des sans-emploi, des aînés, des malades s’inquiètent eux aussi des coupes qui saignent les services publics, des taxes régressives, des hausses de tarifs qui écorchent la classe moyenne et les plus vulnérables de la société, et ils prendront eux aussi la rue, dans les prochaines semaines, mois, années, pour défendre nos acquis sociaux et dénoncer les mesures néolibérales de ce sinistre gouvernement qui rêve d’équilibre budgétaire sur le dos des précaires.
 
Il suffit de lire les études, les textes de l’IRIS, de l’ASSE, du Comité Printemps 2012, des différents syndicats et médias de gauche sur les conséquences des mesures d’austérité pour voir que les « grenouilles » sont parfois plus intelligentes et plus clairvoyantes que le laisse croire M. Nadeau. On s’attend à un peu plus de rigueur, de bienveillance, à un peu moins de cynisme, de condescendance de la part d’un jeune écrivain, historien et politicologue de gauche.
 
« Ne nous restera-t-il bientôt que des crapauds pour chanter la liberté ? », demande le chroniqueur en guise de conclusion. Le cinéaste Bernard Émond lui répondrait peut-être que« le cynisme est la maladie des gens intelligents », et le philosophe Jean-Paul Sartre, que« le désespoir est un attentat de l’homme contre lui-même ».