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Publié le 01 février 2017 à 07h21 | Mis à jour à 07h21
Publié le 01 février 2017 à 07h21 | Mis à jour à 07h21
Des trous de projectiles sont bien visibles au Centre culturel islamique de Québec. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE |
GABRIELLE DUCHAINE
La Presse
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« C'est ici qu'est mort Azzedine, notre héros. Là-bas, celui qui est tombé sous les balles m'a sûrement sauvé la vie. »
Adel, 37 ans, pointe une à une les taches de sang séché qui souillent le tapis vert et beige de la salle de prière du Centre culturel islamique de Québec. Pendant qu'il parle, les images d'horreur qui ne le quittent plus défilent en boucle dans sa tête.
Mais Adel veut parler. « Les gens doivent savoir ce qui s'est passé. Je suis témoin, je dois témoigner. »
Hier soir, la police a permis aux fidèles de la mosquée de retourner pour la première fois sur les lieux de l'attentat. À part les corps qui ont été emmenés à la morgue, tout est exactement comme après la tuerie : le sang, les bottes des disparus, leurs voitures dans le stationnement.
Vers 23 h, ils étaient une trentaine à l'intérieur de la mosquée à pleurer, échanger, tenter de comprendre. Ils ont laissé entrer des journalistes « pour montrer ».
À l'entrée, ils avaient placé une chaise au-dessus du sang d'Azzedine Soufiane, pour que les gens ne marchent pas dedans. M. Soufiane, qui était boucher, a été abattu en essayant de neutraliser le tireur.
« Il a tenté de l'empêcher de tirer, mais le gars a reculé d'un pas et lui a tiré une balle en plein dans la tête. Après, il a tiré deux ou trois autres coups pour l'achever », raconte Adel, qui était dans la mosquée au moment de l'attaque. Hier soir, il a dû se reprendre par deux fois pour réussir à entrer.
Lorsqu'il a entendu les premiers coups de feu, dimanche, il a couru se réfugier dans un réduit sans porte attenant à la salle de prière. « Quand je me suis retourné, j'ai vu que les autres m'avaient suivi. »
Ils étaient une dizaine, entassés dans un espace d'à peine quatre pieds sur six, avec comme seul bouclier ceux qui étaient devant eux. Adel n'arrivait pas à respirer tellement ils étaient serrés.
D'autres se sont cachés derrière d'étroites colonnes qui n'ont souvent pas suffi à les protéger. Le sang par terre en témoigne.
« LE RADICALISME N'A PAS D'IDENTITÉ »
Le tueur a d'abord déchargé son arme dans le couloir où donne la porte principale. Le gypse est troué à plusieurs endroits.
Il a rechargé son pistolet et a tiré vers la salle. Un homme est tombé juste devant celui qui nous raconte le fil des événements.
« À chaque coup, je me disais que j'étais le prochain », se souvient Adel.
Sur le mur où il était appuyé, juste au-dessus de l'endroit où devait être sa tête, trois trous de projectiles sont bien visibles.
Pendant que le tireur vidait à nouveau son arme, le jeune fidèle s'est recroquevillé. Lorsqu'il n'a plus rien entendu, il s'est mis à courir vers la sortie. « J'avais deux choix. Sortir dehors, ou descendre au sous-sol. Je ne savais pas où était le tireur. Je suis descendu. »
En bas, des hommes qui suivaient un cours de Coran ont prodigué les premiers soins à un blessé. L'homme, atteint à la jambe, a laissé une longue trainée de sang dans son sillage. L'escalier en est encore maculé. Dans la pièce où il s'est réfugié, le plancher de béton s'est coloré, tellement il y a eu du sang. La victime a survécu.
Combien de temps a duré l'assaut ? « Je ne sais pas. Une scène comme ça, cinq minutes ça paraît 50 minutes, ou cinq heures », dit Adel.
Depuis l'attentat, il n'a pratiquement pas dormi. Il a le regard vide. Il répète patiemment son histoire à ceux qui veulent l'entendre.
« J'espère que ce qui s'est passé ici servira de leçon pour le monde. Le radicalisme n'a pas d'identité, n'a pas de religion. » Il reproche aux « gens qui font de la religion, un problème », qui ont alimenté le tireur à détester les musulmans « Être musulman, ce n'est pas un problème. »