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vendredi, septembre 25, 2015

Débat des chefs: accusations de mensonge et propos enflammés sur le niqab

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Publié par La Presse Canadienne le vendredi 25 septembre 2015 à 00h07. Modifié par Charles Payette à 07h57.
Débat des chefs: accusations de mensonge et propos enflammés sur le niqab
MONTRÉAL - Des accusations de mensonge et des propos enflammés sur le niqab et sur l'avenir constitutionnel du Québec ont marqué le débat des chefs, jeudi soir.
Stephen Harper, Thomas Mulcair, Justin Trudeau, Gilles Duceppe et Elizabeth May ont donné un spectacle plus animé que les deux précédents débats, des salves fusant de toutes parts et où c'était chacun pour soi
L'enjeu pour chacun était de taille, alors qu'il s'agissait de la seule des cinq joutes où étaient invités les cinq chefs.
Plusieurs fois, les chefs ont laissé tomber leurs traditionnelles lignes de communication pour s'engager dans des discussions animées, même si tous ne maîtrisent pas la langue française de manière égale. Les premiers échanges acrimonieux ont commencé au début de ces deux heures de débats, avec la question du port du niqab aux cérémonies de citoyenneté.

Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a accusé son adversaire conservateur Stephen Harper de «jouer un jeu politique dangereux» en mettant de l'avant la question du niqab en pleine campagne électorale et en utilisant le sujet comme une «arme de distraction massive» pour faire oublier son bilan des neuf dernières années.

Le premier ministre sortant s'est défendu en reprenant son mantra sur le niqab: lorsqu'on entre dans la grande famille canadienne, on doit le faire à visage découvert, a-t-il répété. Le ton a monté rapidement, MM. Mulcair et Harper parlant en même temps et se coupant la parole.

«Je ne vais jamais dire à ma jeune fille qu'une femme devrait se couvrir le visage parce qu'elle est une femme. Ce n'est pas notre Canada», a lancé M. Harper, avant de se faire interrompre par M. Mulcair: «Attaquez-vous à l'oppresseur, ne vous attaquez pas à la femme (...). Ce n'est pas en privant ces femmes de leur citoyenneté et de leurs droits que vous allez réussir à les aider».

Le chef bloquiste Gilles Duceppe a voulu élargir le débat du niqab, promettant dès son arrivée au Parlement, s'il est élu, un projet de loi pour interdire le niqab lors du vote, de l'assermentation des citoyens et de la réception de services gouvernementaux.

Il s'est défendu d'utiliser cette question pour diviser les électeurs. «L'Assemblée nationale est unanime. Les libéraux, les péquistes, les caquistes, Québec solidaire, le maire de Montréal, M. Coderre, le maire de Québec, M. Labeaume, le maire de Saguenay, M. Tremblay, 90 pour cent de la population du Québec», a énuméré M. Duceppe.

Justin Trudeau a rappelé la position traditionnelle du Parti libéral en insistant sur le fait que ce n'est pas à l'État de dire aux femmes comment se vêtir, alors que la chef des verts, Elizabeth May, a sauté dans l'arène en affirmant que le thème du niqab était un faux débat.

«Quel est l'impact du niqab sur l'économie? Quel est l'impact du niqab sur les changements climatiques? Quel est l'impact du niqab pour les chômeurs? C'est un faux débat», a lancé Mme May.

Le brouhaha a également pris le dessus dans le studio de télévision quand on a abordé la question constitutionnelle. M. Duceppe s'en est pris à M. Mulcair en affirmant qu'en 1995, le camp du «Non» avait défoncé le plafond des dépenses permises. Piqué au vif par l'insinuation qu'il avait participé à cet excès, M. Mulcair a sommé son adversaire bloquiste «d'arrêter de (lui) attribuer des choses».

Le chef néo-démocrate s'est fait attaquer sur son autre flan par M. Trudeau concernant sa position à l'effet qu'une majorité simple est suffisante pour un référendum sur la sécession du Québec. «Pour déchirer en deux la Constitution, (M. Mulcair) prétend qu'un seul vote serait assez. La Cour suprême a dit clairement que ça prendrait plus qu'un vote. Pour moi, que M. Mulcair soulève la question à la Saint-Jean Baptiste et ne le dise pas en anglais est un problème», a lancé le chef libéral.

M. Harper a tenté de s'élever au-dessus du débat en soulignant que les Canadiens ne voulaient pas d'un Parlement qui «radote» sur ces questions.

Affaires étrangères

La discussion sur les enjeux internationaux, incluant les changements climatiques et la crise de réfugiés, a aussi enflammé les esprits. M. Harper s'est fait accuser à quelques reprises de mentir, que ce soit sur la question environnementale ou l'accueil de réfugiés au pays.

Encore une fois, le chef conservateur a répété qu'il ne fallait pas «juste ouvrir les vannes» pour accueillir des réfugiés, disant que l'approche de son gouvernement était «généreuse, équilibrée, responsable et réfléchie».

«Avec M. Harper (...), on est devenu plus mesquins», s'est désolé son rival libéral, regrettant une époque où le Canada accueillait plus facilement les réfugiés, sans mettre en danger sa sécurité, selon M. Trudeau.

M. Harper a dû également défendre la décision de son gouvernement de vendre des véhicules blindés à l'Arabie saoudite, malgré son triste bilan en matière des droits de la personne.

Alors que MM. Duceppe et Mulcair brandissaient le cas du blogeur Raïf Badawi et d'Ali al-Nimr, ce jeune condamné à la décapitation pour avoir manifesté contre le régime, M. Harper a assuré qu'il condamnait ces traitements, sans toutefois juger que la situation mérite des sanctions commerciales.

«Ce n'est pas juste de punir des travailleurs d'une usine à London pour ça. Ce n'est pas du gros bon sens», a-t-il soutenu.

Sur le plan du commerce international, M. Duceppe a réclamé des autres chefs un engagement pour défendre la gestion de l'offre dans le cadre des négociations du Partenariat transpacifique (PTP), une entente de libre-échange.

«On défend toujours la gestion de l'offre dans des négociations internationales», a assuré M. Harper, disant qu'il défend les intérêts de tous les secteurs dans ces négociations que Mme May lui a reproché de mener «en catimini».

La santé a aussi donné des échanges animés entre les cinq chefs. M. Duceppe a demandé aux autres leaders de s'engager à augmenter les transferts en santé aux provinces à 25 pour cent de leurs dépenses. Sans se commettre sur les chiffres, les chefs se sont échangés des flèches, M. Trudeau accusant M. Mulcair d'être centralisateur en faisant des promesses spécifiques sur la santé — un domaine de compétence provinciale.

Les chefs ont été invités à discuter d'un autre sujet délicat, l'aide au suicide en cas de maladie. Tous, à l'exception de Mme May, sont sortis du sujet imposé, utilisant le temps alloué pour discuter de taxes, d'impôts ou de caisse d'assurance-emploi. C'est la leader du Parti vert qui les a rappelés à l'ordre, trop tard. On a dû passer au sujet suivant, mais pas avant que M. Mulcair se soit engagé à permettre un vote libre sur l'aide médicale à mourir lorsque cette question reviendra au Parlement pour répondre au jugement de la Cour suprême.

«Évidemment on doit modifier le Code criminel en fonction des décisions de la Cour suprême. On va le faire», a pour sa part dit M. Harper, assurant qu'un comité nommé par lui consultait les Canadiens sur la question. Dans les faits, depuis le déclenchement de la campagne électorale, le comité en question est paralysé, en attente d'un nouveau gouvernement.

Exclu du débat de jeudi, Jean-François Fortin, de la nouvelle formation Forces et Démocratie, a participé à sa façon sur Facebook et Twitter.