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vendredi, septembre 25, 2015

Pression politique pour un poste à l'AMT

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Publié le 24 septembre 2015 à 00h00 | Mis à jour le 24 septembre 2015 à 06h25
Le ministre des Transports du Québec, Robert Poëti... (PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE)
Le ministre des Transports du Québec, Robert PoëtiPHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Denis Lessard
DENIS LESSARD
La Presse
(QUÉBEC) Un employé du cabinet du ministre des Transports Robert Poëti, Martin Bergeron, a fait pression auprès de l'ancienne direction de l'Agence métropolitaine de transport (AMT) afin d'obtenir un poste de direction devenu vacant. Un tel geste contrevient clairement aux règles d'éthique qui s'appliquent aux employés politiques.
Joint par La Presse, M. Bergeron a refusé de commenter la situation. Par la suite, le ministre Poëti s'est dit satisfait des explications fournies par son employé. «Il n'a pas postulé pour le poste», a tranché le ministre. M. Poëti convient que si son employé avait exercé des pressions pour obtenir un poste, «ce ne serait pas acceptable». Pour lui, cette affaire se résume à un règlement de comptes de l'administration de Nicolas Girard, ex-député péquiste expulsé de la présidence de l'AMT il y a quelques semaines.
Selon les informations obtenues par La Presse, M. Bergeron avait demandé une rencontre au patron de l'AMT à l'époque, l'ex-député péquiste Nicolas Girard, entretien qui a eu lieu en présence d'un autre employé le 29 septembre 2014, en début d'après-midi. Lors de cette rencontre, tenue entre 14h et 14h30, M. Bergeron a insisté pour que M. Girard lui accorde le poste de vice-président communication de l'AMT. Pierre-Luc Paquette, qui l'occupait, était mort deux jours plus tôt.
Le chef de cabinet de M. Poëti, Martin Massé, ancien candidat libéral et ami de longue date de M. Bergeron, était d'accord avec la démarche, a-t-il assuré. M. Bergeron avait aussi suggéré à M. Girard de passer un coup de fil au ministre Poëti pour lui indiquer son désir de l'accueillir à l'AMT.
Quand le concours a été officiellement ouvert pour le poste, quelques semaines plus tard, en octobre 2014, M. Bergeron n'a pas «postulé». Au début de 2015, l'emploi - et le salaire de 170 000$ par année - est allé à Mme Marieke Tremblay, conjointe de Me André Ryan, un avocat proche du Parti libéral du Québec.
Un autre poste
Après que ses premières démarches furent restées lettre morte, M. Bergeron a signalé son intérêt pour un autre emploi de vice-président à l'AMT - Michel Veilleux quittait son poste à la planification, et M. Bergeron a manifesté son intérêt auprès de la direction le 17 septembre 2014, affirment des sources qui ont consigné par écrit chacune de ces interventions. Par dépit, M. Bergeron a lancé à l'employé de l'AMT qui avait été témoin de ses démarches que «Nicolas Girard avait fait une grave erreur».
Le code d'éthique qui régit les employés politiques prévoit qu'un employé de cabinet ne peut «se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et les devoirs de sa fonction». On interdit aussi «d'agir [...] de façon à favoriser ses intérêts personnels».
Enquête «très avancée»
De passage à Québec, Robert Lafrenière, patron de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), a indiqué que ses enquêteurs «avaient beaucoup de choses de faites» dans le dossier de l'AMT. Pas question de risquer d'échéancier, toutefois. «Il faut être patient, il vaut mieux prendre quelques semaines de plus et ne rien échapper», explique-t-il. L'UPAC a actuellement une quarantaine d'enquêtes actives et 150 enquêteurs. «Pour le moment, j'ai le budget et les ressources qu'il faut, les choses vont rondement», précise-t-il.
Pour l'AMT, «on a des éléments actuellement devant des instances judiciaires, des requêtes de la défense qui retardent la poursuite des choses», s'est-il limité à dire. En mai 2014, les documents soumis par la police pour justifier les perquisitions ciblaient l'administration du prédécesseur libéral de M. Girard, Me Joël Gauthier. Durant quelques semaines, pas moins de quatre enquêteurs de l'UPAC étaient à l'AMT pour interroger les employés et consulter des dossiers.
Quand il est devenu clair, au printemps, que Québec comptait dissoudre l'AMT pour créer deux organisations pour la planification et les activités du réseau de transport de la région métropolitaine, les enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ) ont pris contact avec la direction de l'organisme pour s'assurer que le suivi des dossiers et des contrats pourrait être préservé.
La disparition de l'AMT, «ça ne nuit pas à notre enquête, on l'a évalué. Même si l'AMT disparaissait, les enquêteurs pourront continuer à rencontrer les gens», a assuré hier M. Lafrenière.
Un corps distinct
M. Lafrenière a souligné aussi son désir de voir l'UPAC devenir un corps policier distinct de la Sûreté du Québec. Une telle autonomie serait notamment salutaire pour le travail d'enquête auprès des corps policiers étrangers, explique-t-il.
«Je souhaite qu'on devienne un corps de police en bonne et due forme. Cela aiderait pour l'accès aux renseignements, dans nos relations avec les corps policiers à l'étranger, pour l'accès aux banques de données.» L'UPAC doit passer par la SQ pour obtenir ces renseignements, puisqu'elle n'est pas exclusivement formée de policiers. Pas question, toutefois, pour ce groupe de constituer des services d'écoute ou de filature distincts, des unités coûteuses qui continueront à être sous la responsabilité de la SQ, indique-t-il.