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mercredi, mai 06, 2015

Non aux minets dégriffés!

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Mathieu Bock-Coté
Pierre Karl Péladeau a-t-il mauvais caractère? Apparemment, c’est de cela que parleront les journalistes jusqu’à la fin de la course à la chefferie du PQ. Les uns et les autres veulent savoir s’il est bouillant, colérique. À l’origine de cela, il y a les confidences au Maclean’s de Pierre Céré, le candidat qui pèse moins de 1 % et qui accuse PKP de l’avoir menacé, peut-être même brutalisé.
Étrange exercice. Qui en dit bien plus qu’on ne le croit sur notre époque très bizarre. Découvrons-nous tout juste, à la manière d’une révélation exceptionnelle et époustouflante, que la politique attire les caractères forts et qu’il s’agit d’une activité conflictuelle? Apprenons-nous tout juste que ceux qui s’y affrontent ont des émotions fortes, qu’il leur arrive de lever le ton, de s’affronter, et même, de temps en temps, de se montrer menaçants?
La rectitude émotionnelle
La politique n’est pas une activité pour des enfants à peine sortis de la garderie qui aimeraient téter leur sucre d’orge en paix. Si, à la moindre algarade, un homme va se plaindre aux médias en se disant victime de persécutions, il devrait se demander s’il a vraiment sa place dans ce milieu. On nous répondra qu’il faut à tout prix lutter contre l’intimidation. Certes. Mais faut-il assimiler n’importe quel coup de sang à l’intimidation?
Nous vivons dans un environnement aseptisé qui, sous prétexte d’éradiquer l’agressivité, en vient à étouffer la vie et ses passions. On voudrait des êtres humains lisses, beiges, formatés pour entrer dans une petite case dont ils ne sortiraient jamais. Et nous avons tendance à voir dans n’importe quelle personnalité très affirmée des troubles psychologiques. C’est le règne de ce qu’on pourrait appeler la rectitude émotionnelle. Il ne faut jamais faire de mal à personne, être bon perdant et croire que l’important, c’est de participer. On se croirait dans une comptine pour enfants. À tout le moins, on est très loin du monde réel.
On l’oublie souvent, mais en politique, mieux vaut être craint qu’aimé. L’homme qui reçoit des louanges à la tonne de ses adversaires peut bien s’en enorgueillir. Il devrait pourtant s’en inquiéter. N’est-ce pas le signe qu’il est neutralisé et condamné à l’impuissance? Car pour conserver sa bonne image chez l’adversaire, il devra faire toujours plus de concessions, en disant du mal de son propre camp.
Les fédéralistes ont peur
Inversement, si on vous diabolise, c’est bien souvent parce qu’on a peur de vous. On craint que vous ne bousculiez les privilèges établis. Surtout, on craint votre réussite. Quoi qu’on pense de PKP, n’est-ce pas là le fond de l’affaire? Pour la première fois depuis longtemps, les fédéralistes ont peur. Ils ont beau fanfaronner en décrétant la souveraineté morte et enterrée, ils en sont moins sûrs lorsqu’ils voient aller PKP. Le Maclean’s se l’est déjà ­demandé: va-t-il détruire le Canada?
Je termine en ramenant cela à la cause de l’indépendance. Imaginons un référendum gagnant sur la souveraineté. On peut toujours rêver, non? Si le Canada anglais se braque, plutôt que de prendre les jambes à son cou, le chef souverainiste devra se sentir capable de mener la bataille. À ce moment, on voudra moins aux commandes un minet dégriffé quêtant les câlins et les distribuant à qui veut bien les prendre qu’une personnalité forte, capable de prendre des coups et d’en donner.