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lundi, octobre 12, 2015

L'étoile du match à Isabelle Richer


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Isabelle Richer... (Photo Karine Dufour)
Isabelle Richer
PHOTO KARINE DUFOUR
Publié le 12 octobre 2015 à 09h20 | Mis à jour à 09h20

RICHARD THERRIEN
Le Soleil
(Québec) Voir Isabelle Richer descendre les escaliers de Tout le monde en parle dimanche soir, même lentement, avait quelque chose de miraculeux. La voir plus tard trinquer à sa réhabilitation, d'extrêmement réjouissant. Le savoir était une chose, mais avoir la confirmation qu'elle va bien, qu'elle est même dans une forme surprenante, suscitait l'émotion.
«Toutes les personnes du milieu médical à qui je dis que j'ai eu des fractures [aux vertèbres] C1 C2 me regardent de haut en bas, constatent que je ne suis pas paralysée, et me traitent de miraculée», a raconté la journaliste, encore émue des nombreux témoignages d'appui reçus durant son hospitalisation. «C'est très vivifiant, c'est même un peu suspect pour une journaliste d'être autant aimée.»
Bien sûr, on a constaté un léger fléchissement de la tête durant cette première entrevue à la télé depuis le fameux accident. Après trois mois à porter un collet cervical, normal qu'on sente la tête lourde. «Chaque fois que je tourne la tête, j'ai l'air d'avoir un affreux torticolis», dit-elle. On aurait compris que les idées viennent plus lentement, mais rien de tout ça n'est arrivé.
La journaliste en veut bien sûr au conducteur qui l'a fauchée sur une route de Rougemont, de lui avoir arraché un an de sa vie. Son conjoint a bien tenté de faire signe au conducteur qui arrivait en sens inverse de se remettre dans sa voie, mais celui-ci regardait l'autre passager. À ce jour, il n'y a pas eu d'accusations contre le conducteur fautif. «Au mieux, il a eu une contravention, mais c'est ainsi que ça s'est terminé.»
Quand la verra-t-on coanimer Enquête avec sa collègue Marie-Maude Denis, venue la rejoindre sur le plateau dimanche? Pas de date précise, seulement quand les médecins lui donneront le feu vert. Et on le comprend. Beau témoignage d'affection de Marie-Maude Denis: «elle est tellement brillante que, même si elle est un peu plus lente, elle va tous nous clancher».
Justin Trudeau
Premier des deux chefs de partis fédéraux à se présenter sur le plateau, Justin Trudeau a accordé une entrevue sans faux pas, qui risque bien de lui être favorable au Québec. «On n'a pas besoin de coalition», a dit le chef libéral à Guy A., qui insistait pour le «matcher» avec Thomas Mulcair.
Justin Trudeau reconnaît que le voile peut représenter un symbole d'oppression des femmes. «Mais je ne trouve pas que l'État devrait imposer à une femme ce qu'elle ne devrait pas porter», a-t-il précisé. Il s'est engagé à tenir une enquête publique sur les assassinats et disparitions de femmes autochtones. En faveur de la légalisation encadrée de la marijuana, il ne comprend pas qu'il soit «plus difficile de s'acheter une cigarette que d'acheter un joint».
Et pourquoi ne voit-on pas Sophie, son épouse? Notamment parce qu'elle doit encore allaiter. «D'ailleurs, on a des images!» a blagué Guy A., créant un court instant de frousse chez le chef du PLC.
Gilles Duceppe
Venu une fois que M. Trudeau avait quitté le plateau, Gilles Duceppe semblait beaucoup plus confiant qu'à la précédente campagne. Le chef du Bloc québécois a répété son opposition au projet d'Énergie Est. Selon lui, pour Harper, «la planète serait un vaste oléoduc avec deux bouchons au bout et il serait heureux».
Selon lui, ce sont plutôt le NPD et le Parti libéral qui diviseront le vote au Québec, pas le Bloc. Il a répété son appui à une offensive contre le groupe État islamique, soulignant les bienfaits de l'intervention du Canada au Kosovo, qui a permis de créer des couloirs pour réfugiés. La carte du fou du roi n'était pas tendre: «Si la tendance se maintient le 19 octobre, vous retrouverez votre siège bien tranquille chez vous, les deux pieds sur le pouf dans votre salon.» On aurait aimé savoir ce qu'il entend faire si le Bloc est rayé de la carte, ou s'il est le seul élu.
Ken Pereira
Les méthodes de l'ex-syndicaliste Ken Pereira pour récupérer les fausses factures de Jocelyn Dupuis, qu'il raconte dans un livre intitulé Bras de fer, ressemblent à un épisode de Mission: impossible. «J'ai trouvé six mois de factures. Mais 10 ans et demi de ses factures ont complètement disparu», déplore-t-il au sujet de l'ex-directeur général de la FTQ-Construction.
Dans ce qui a été un des moments forts de la soirée, Pereira a raconté ces sorties aux danseuses à 1000$ en alcool «sans compter les femmes», et des soirées où des sushis étaient servis sur des filles. «Le Fonds était la banque et tout le monde voulait avoir accès à cette banque-là. [Jocelyn Dupuis] faisait tout pour aider ses amis, pour montrer qu'il avait encore plus de pouvoir», a confié celui qu'on a écarté du monde syndical.
Ken Pereira raconte qu'en privé avec l'entrepreneur Tony Accurso, on surnommait Alain Gravel «le câlisse» et Marie-Maude Denis, «la p'tite tabarnak». Un surnom que celle-ci a qualifié d'«hommage» dans les circonstances.
«Dire la vérité est beaucoup plus dur que mentir. Mentir, y'a pas de problèmes, tu peux dire n'importe quoi», a ajouté Pereira, insatisfait de la commission Charbonneau. Celui-ci n'a pas voulu révéler l'identité du journaliste et du politicien qui ont visionné un reportage en compagnie de Tony Accurso, fait qu'il révèle dans son livre.
Coeur de pirate
«Cou-heure de Paille-ratte». C'est à peu près ainsi qu'on prononce en anglais le nom de Coeur de pirate, en bonne voie de conquérir le monde avec son dernier album, Roses, lancé avec le producteur de Lady Gaga et de LMFAO. Elle passe beaucoup de temps aux États-Unis, où elle remplit des salles de 600 à 700 places.
On a entre autres su que son père gère ses finances. Qu'elle serait incapable de vivre la popularité de Rihanna, souhaitant continuer à faire ses courses et mener une vie à peu près normale. Qu'elle adore la danse contemporaine et n'a jamais autant pleuré qu'en allant voir du ballet. Qu'elle est particulièrement rancunière.
«Parfois, quand tu jongles avec des grenades, ça se peut que ça explose», a dit Jean-Philippe Wauthier, sur le style impertinent de La soirée est (encore) jeune. Juge «chien» aux Dieux de la danse, Serge Denoncourt s'en est pris ensuite à la frilosité ambiante québécoise. «On est en train de créer une société complètement aseptisée, plate, qui font des émissions plates, qui font des shows plates. [...] Laissez-nous dépasser la ligne une fois de temps en temps, s'il vous plaît!» s'est-il exclamé, applaudi par l'auditoire.
Très en verve comme toujours, Denoncourt a aussi parlé de sa haine contre Stephen Harper et de son incompréhension de la culture. «Il traite vraiment les artistes comme si on était des bébés gâtés», a-t-il plaidé, outré.

La communauté arabe fera-t-elle pencher la balance?

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10 octobre 2015 10h41 |Fannie Olivier - La Presse canadienne | Canada
Dans ce quartier multiethnique s'affrontent la candidate vedette libérale Mélanie Joly et la députée néodémocrate Maria Mourani.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir

Dans ce quartier multiethnique s'affrontent la candidate vedette libérale Mélanie Joly et la députée néodémocrate Maria Mourani.
La communauté arabe pourrait-elle faire une différence dans le comté chaudement disputé d’Ahuntsic-Cartierville, où la libérale Mélanie Joly livre une lutte féroce à la députée néodémocrate Maria Mourani ?
 
Assurément, croit le directeur du centre communautaire musulman Laurentien, Samer Elniz. Mais seulement si cette population réputée abstentionniste se déplace aux urnes le 19 octobre.
 
Intervention militaire en Syrie, crise des migrants, loi antiterroriste C-51, loi C-24 permettant la révocation de la citoyenneté : les sujets qui éveillent l’intérêt de la communauté arabophone vivant dans ce comté du nord-ouest de Montréal sont nombreux, signale M. Elniz. Si bien qu’il a organisé une table ronde avec les candidats de cette circonscription fortement multiculturelle à la mi-septembre, où 200 personnes ont pu écouter ce qu’avaient à dire ceux qui aspirent à les représenter. Des quatre principaux partis, seul le candidat conservateur Wiliam Moughrabi a décliné l’offre.
 
« La communauté arabe ne participe pas beaucoup aux élections. Ici, on veut les inciter à participer. On peut faire la différence », explique M. Elniz dans son petit bureau adjacent au centre et à la mosquée al-Radwah qui s’y rattache. Il ne veut dire à personne pour qui voter. On comprend néanmoins à l’écouter que beaucoup des assidus de son centre se sentent visés par les politiques du gouvernement de Stephen Harper qui touchent la sécurité, les lois C-51 et C-24 en tête.
 
Leur vote pourrait faire toute une différence : plus de 17 000 des 110 000 résidants de la circonscription parlent arabe, selon Statistique Canada.
 
Pas gagné au NPD
 
La députée sortante Maria Mourani, une ex-bloquiste devenue indépendante puis néodémocrate, ne peut rien tenir pour acquis pour les élections du 19 octobre. La lutte avait été on ne peut plus serrée en 2011, et le nouveau redécoupage de la circonscription, qui comprend désormais le secteur plus multiethnique de Cartierville, brouille les cartes. Le quartier était autrefois rattaché au comté de Saint-Laurent, représenté par le libéral Stéphane Dion depuis 1996.
 
Dans une petite salle bondée de son local électoral, Mme Mourani, elle-même d’origine libanaise, discute avec une quinzaine de Syriens, toutes religions confondues, de ce que le Canada pourrait faire pour mieux accueillir les réfugiés qui fuient leur pays déchiré par la guerre.
 
Un d’entre eux, Shuieb Abdel Hadi, un chirurgien fraîchement arrivé d’Alep il y a six mois, prend la parole pour signaler que cela coûte très cher pour un réfugié d’attendre, dans un pays voisin de la Syrie, que son dossier soit accepté. Il se demande s’il serait possible pour le Canada d’accueillir plus rapidement les réfugiés, quitte à faire les vérifications sur le plan de la sécurité une fois qu’ils sont sur place.
 
Najham Tatari, une enseignante de français langue seconde, déplore les frais astronomiques de parrainage pour ceux qui, comme elle, aimeraient faire venir d’autres membres de leur famille au Canada. « On fait notre maximum, mais il faut être raisonnable », note-t-elle.
 
Mme Mourani les écoute, prend des notes, intervient en français, en anglais, en arabe. En entrevue, elle explique que le dossier des réfugiés syriens est un enjeu important pour la circonscription qu’elle représente, mais pas seulement en campagne électorale.
 
« Ça fait quatre ans que c’est un problème. Moi, je gère plusieurs dossiers à mon bureau et j’ai vu toutes sortes de scénarios incroyables », dit-elle.
 
Sur cet aspect, elle juge qu’elle a une bonne longueur d’avance sur sa principale rivale, la libérale Mélanie Joly, ancienne candidate à la mairie de Montréal.
 
« La grande et vraie différence, c’est que moi, sur le terrain, je travaille le dossier syrien depuis quatre ans. Mme Joly, elle débarque, et elle ne travaille dans aucun dossier syrien », avance-t-elle.
 
Mme Mourani se défend toutefois de cibler précisément le vote arabe ou plus spécifiquement syrien. « Pour moi, Ahuntsic-Cartierville sera toujours un comté chaud. Et je ne fais pas de clientélisme, je ne crois pas à ça. Il n’y a pas de religion ou de couleur dans un vote. Je ne crois pas au vote ethnique, comme on dit. »
 
Candidate libérale vedette
 
Même si elle ne gère pas de demandes concernant l’immigration comme peut le faire Mme Mourani à titre de députée, la candidate libérale Mélanie Joly s’intéresse aussi au dossier des migrants. « La plus grosse communauté syrienne dans tout le Québec est ici, et 60 % des réfugiés syriens arrivent au Québec », relève-t-elle. Dès son investiture, l’enjeu s’est imposé.
 
Sur une terrasse d’un café italien du quartier Chabanel — un secteur industriel quelle aimerait revitaliser si elle est élue — Mme Joly indique qu’elle aborde beaucoup les questions de politique étrangère avec ses électeurs.
 
« Le Canada doit redevenir le négociateur en chef de la paix dans le monde. Et ça, ç’a beaucoup résonné avec toutes les communautés. La grande majorité des gens qui sont venus ici sont venus parce qu’il y avait une promesse de terre d’accueil, de paix, de tolérance, d’ouverture, de liberté. » Les gens n’aiment pas la vision de M. Harper, trop militaire, fermée à l’immigration et pas assez multilatérale, croit Mme Joly.
 
Le vote des libéraux en faveur de la loi antiterroriste C-51 du gouvernement conservateur ce printemps pourrait toutefois faire perdre des plumes à la candidate vedette, bien que Justin Trudeau ait assuré qu’un gouvernement libéral amenderait la loi pour y retirer ses éléments les plus controversés.
 
Ce vote a d’ailleurs fait l’objet de questions lors de la table ronde avec les candidats d’Ahuntsic-Cartierville du centre communautaire Laurentien, indique son directeur. La Fédération canado-arabe reproche d’ailleurs aux libéraux leur position sur C-51, peut-on lire sur son site Internet dans un document intitulé « Pour qui voter le 19 octobre ? ». « Le NPD semble être le parti qui servira le mieux le Canada et la population canadienne et [le plus en mesure] d’inverser les effets négatifs que les conservateurs de Stephen Harper ont causés au cours des neuf années au pouvoir », est-il écrit.
 
Le candidat bloquiste Nicolas Bourdon, un enseignant au Collège de Bois-de-Boulogne, croit d’ailleurs que C-51 pourrait nuire à Mme Joly. « Les libéraux font de la salsa, trois pas en avant, trois pas en arrière, en essayant de plaire à tout le monde », a-t-il soutenu en entrevue dans son local électoral de la rue Fleury.
 
M. Bourdon n’est pas plus tendre envers Mme Mourani, qui a claqué la porte de son ancien parti quand elle a été exclue du caucus. « Du jour au lendemain, elle est devenue fédéraliste. Ça, les gens n’ont vraiment pas compris », dit-il.
 
Le candidat conservateur Wiliam Moughrabi n’a pas accordé d’entrevue à La Presse canadienne pour ce portrait de comté.

La parité, d’accord, mais il faut aller plus loin

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Selon la philosophe Françoise Collin, la «question des femmes» interpelle la conception même de la démocratie dans laquelle nous vivons depuis la Révolution française

10 octobre 2015 | Aurélie Lanctôt - Étudiante à l’Université McGill en droit, auteure de «Les libéraux n’aiment pas les femmes» (Lux, 2015) | Le Devoir de philo

Des sculptures devant l’Assemblée nationale montrent trois suffragettes (Marie Lacoste Gérin-Lajoie, Idola Saint-Jean et Thérèse Forget-Casgrain) et la première députée du Québec, Marie-Claire Kirkland.
Photo: Renaud Philippe Le Devoir

Des sculptures devant l’Assemblée nationale montrent trois suffragettes (Marie Lacoste Gérin-Lajoie, Idola Saint-Jean et Thérèse Forget-Casgrain) et la première députée du Québec, Marie-Claire Kirkland.
Françoise Collin. Anthologie québécoise (1977-2000)
Dirigé par Marie-Blanche Tahon
Éditions du Remue-ménage
Montréal, 2014, 267 pages
Deux fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés de philosophie, d’histoire et d’histoire des idées le défi de décrypter une question d’actualité à partir des thèses d’un penseur marquant.​
 
Le Conseil du statut de la femme publiait le 4 octobre un avis réclamant l’instauration d’un quota de candidatures féminines aux élections. Les partis politiques, suggère le Conseil, devraient être contraints d’avoir au moins 40 % de femmes au sein de leur candidature, sous peine de sanctions. Cette proposition se fonde sur un constat : les chiffres sur la présence des femmes en politique stagnent depuis 15 ans. À l’Assemblée nationale, les femmes n’occupent que 27 % des sièges. Au Parlement canadien, depuis les élections de 2011, elles occupent à peine le quart des sièges. Dans la présente campagne électorale, les femmes ne constituent pas plus de 30 % de la candidature, tous partis confondus. De toute évidence, les bonnes intentions ne suffisent pas à rectifier la sous-représentation des femmes en politique. Si l’on souhaite vraiment corriger cette véritable carence de notre démocratie, il faut maintenant prendre des mesures plus coercitives.
 
La proposition du Conseil du statut de la femme est audacieuse et très juste. Elle nous force également à admettre qu’en 2015, 75 ans après avoir obtenu le droit de vote, malgré qu’elles jouissent des mêmes droits que les hommes et qu’on prétende les accueillir à bras ouverts dans l’arène politique, les femmes peinent toujours à y prendre leur place. La pensée de la philosophe et écrivaine féministe Françoise Collin (1928-2012) nous invite à aborder ce problème de front, en soulevant une question fondamentale sur notre démocratie : si les institutions politiques n’accommodent et ne représentent correctement que la moitié de la population, notre démocratie est-elle vraiment démocratique ?
 
En plus de ses romans et de ses écrits féministes, Françoise Collin lègue un ouvrage marquant sur Maurice Blanchot (Maurice Blanchot et la question de l’écriture, 1971) et un autre sur Hannah Arendt (L’homme est-il devenu superflu ?, 1999). On lui doit également la fondation des Cahiers du Grif, en 1973, la première revue féministe de langue française. La pensée de Françoise Collin aborde des thèmes aussi variés que la transmission, la culture commune, la crise du moderne, la vie politique et l’écriture. Elle incite encore les féministes d’aujourd’hui à aborder la question des femmes avec rigueur et nuances. Soulignant que le féminisme n’est pas qu’une théorie ou une action politique, mais aussi une façon d’être au monde, Collin nous convie à des réflexions exigeantes, mais nécessaires et fécondes. Elle nous fournit aussi des outils précieux pour penser la participation des femmes à la vie politique.
 
La parité, un premier pas
 
On dit souvent que les mesures visant à assurer la représentation des femmes au sein de la députation, des fonctions ministérielles et des postes de direction dans l’appareil public se justifient par la nécessité que les femmes participent aux décisions prises au nom de la population. Les femmes n’ont pas les mêmes sensibilités et les mêmes préoccupations que les hommes, du fait qu’elles font l’expérience d’une oppression liée à leur sexe. En cela, leur façon d’aborder la chose politique est forcément différente de celle des hommes. La représentation équitable des femmes au sein de nos institutions démocratiques contribuerait par exemple à attirer l’attention sur des enjeux qui tendent à être relégués au bas de la liste des priorités. Pour s’assurer que la moitié de la population soit correctement représentée, la parité est donc souhaitable, voire nécessaire.
 
Cependant, Françoise Collin soutient que non seulement l’égalité dans la représentation politique ne suffit pas, mais que les revendications pour la parité, lorsqu’elles totalisent notre conception de l’égalité, comportent un élément potentiellement toxique pour le féminisme. Ces revendications posent en effet le problème de la parité comme un problème d’accès à la représentation, alors que le problème loge plutôt dans la structure politique elle-même, qui, dans les faits, n’accommode et ne représente véritablement que la moitié masculine de la population.
 
Les femmes, angle mort de la démocratie
 
Dans un texte intitulé La démocratie est-elle démocratique ?, publié en 1992, Collin souligne que la « question des femmes », la question posée par les femmes, interpelle la conceptionde la démocratie dans laquelle nous vivons depuis la Révolution française. Pourquoi le projet commun, s’interroge la philosophe, a-t-il jusqu’ici été pensé par les hommes et en fonction d’eux, alors que les femmes constituent pourtant une légère majorité numérique ? Sensée, elle ne suggère évidemment pas de renverser les rapports de pouvoir entre les sexes, cette fois en faveur des femmes, sous prétexte que celles-ci sont plus nombreuses. Collin cherche plutôt à mettre en relief une contradiction inhérente au principe démocratique traditionnel, qui prétend conférer le pouvoir au nombre. En réalité, l’accès tardif des femmes au droit de vote a fait en sorte qu’elles n’ont eu accès à la scène publique et à la scène politique que lorsque celles-ci étaient déjà mises en place et figées dans leurs structures unisexuées. Ainsi, le poids des traditions joue en leur défaveur.
 
C’est ce problème qu’explore la philosophe lorsque, en 1982, elle publie un texte marquant intitulé Il n’y a pas de cogito-femme. En examinant les manières que les éléments d’une potentielle « culture au féminin » s’articulent à la culture dominante et à ses éléments proprement masculins, Collin suggère que la femme, partout où elle s’avance, ne rencontre que sa propre négation. « Lire, que ce soit un poème, un roman-feuilleton ou le journal, regarder un film, ce n’est jamais que se découvrir et découvrir le monde dans le regard de l’autre, d’un sujet homme, sujet bienveillant ou malveillant, lyrique ou cynique, peu importe. » Il importe, nous dit-elle, de constater que partout, la femme n’a d’existence que par assimilation. Le langage de l’universel est tenu d’un point de vue qui n’est pas le sien. La philosophe en conclut que le « sujet féminin », pour ainsi dire, n’existe pas, et que cette négation empêche les femmes de participer pleinement à la vie démocratique, la « chose commune » ne leur appartenant jamais tout à fait. Les femmes sont donc admises dans un monde constitué sans elles, qu’elles n’ont pas le pouvoir de façonner. Elles sont simplement sommées de s’y adapter. Or, peut-on se contenter de « faire place » aux femmes dans cet espace construit, mais sans leur permettre de vraiment « donner lieu » à du nouveau ?
 
Égalité ou « égalisation » ?
 
Dans d’un colloque en 1984 à Montréal sur le thème Égalité et différence des sexes, Françoise Collin soutient que la véritable égalité n’est pas le partage de droits et de biens définis unilatéralement, mais bien le partage de la position de sujet éthique, politique, historique : « C’est-à-dire la possibilité pour les femmes, pour chaque femme, de n’être pas seulement bénéficiaire des avantages et des désavantages sociaux, mais aussi et surtout d’être reconnue dans sa position originaire, génératrice, position que toute l’histoire lui a déniée en réduisant en elle la force du commencement à la maternité strictement biologique. » Tant que l’on négligera ce partage de la position de sujet, nous dit Collin, les femmes demeureront, dans la vie politique, cet élément « à part » qu’on assimile à la règle générale, pour ensuite prétendre qu’elles sont placées à égalité avec les hommes.
 
Appliquant ce raisonnement à la représentation des femmes en politique, on pourrait dire que les femmes ne veulent pas se contenter d’être intronisées au Parlement des hommes, de représenter ses valeurs et d’y faire parure ; elles veulent pouvoir le transformer. Lorsque les femmes se contentent d’être avalées par un simple travail de « mise à niveau », par lequel elles accèdent sommairement aux droits et valeurs dominantes — processus qui se limite au fond à leur accorder quelques accommodements ou quelques bribes de pouvoir —, elles demeurent, quoi qu’on en dise, en marge de la chose commune, telles d’éternelles figurantes. Cela expliquerait d’ailleurs pourquoi, même si les femmes ont accès à la scène publique, leurs préoccupations ne trouvent actuellement pas place dans le projet politique.
 
Ainsi, Françoise Collin nous met en garde contre cette logique « d’assimilation », selon laquelle, pour parvenir à l’égalité, il suffirait d’asseoir plus de femmes dans les sièges jusqu’ici occupés par des hommes. Pour que les femmes soient véritablement égales aux hommes, elles doivent d’abord devenir « cosujets de la chose commune ». Suivant cette idée, s’il faut encourager les mesures visant à instituer la parité en politique, il faut aussi garder en tête qu’il ne s’agit pas de l’aboutissement du chemin vers l’égalité, mais bien de la première étape d’un processus de transformation beaucoup plus profond. En cela, la philosophe nous rappelle en somme que le combat des femmes est certes un combat pour l’égalité, mais aussi un combat pour la liberté et la démocratie, pour que celle-ci ne soit pas qu’une forme sans contenu.
 
Un projet politique unanime ?
 
Collin nous invite également à élargir la réflexion sur l’apport des femmes à la vie politique, en demandant : si le féminisme aspire à ce que les femmes deviennent elles aussi sujet de la chose commune, peut-on toutefois présumer que « les femmes » forment une catégorie telle que leur projet politique serait unanime ? La philosophe nous met bien en garde contre le danger de présenter les femmes comme un bloc homogène, autant sur le plan de leur situation que sur celui de leurs occasions favorables. Il y a des lectures du monde et des événements, rappelle-t-elle, dont la ligne de partage n’est pas la seule appartenance sexuée. Ces remarques suggèrent que la seule présence des femmes au sein des institutions politiques n’exclut pas qu’y soient prises certaines décisions susceptibles d’avoir des conséquences désastreuses sur d’autres femmes. Aussi, Françoise Collin aurait certainement dénoncé l’instrumentalisation, par les politiciens, de la formule creuse de « l’égalité entre les femmes et les hommes » pour stigmatiser certaines femmes, comme ce fut le cas récemment, avec la polémique entourant le port du niqab lors des cérémonies de citoyenneté.
 
Collin aurait plutôt rappelé que l’oppression des femmes « a ceci de particulier qu’elle atteint chaque femme de façon singulière, jusque dans son intimité », mais que « c’est à travers chaque femme, par chaque femme, comptable devant elle seule, qu’elle doit être collectivement combattue ».
  
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