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samedi, février 27, 2016

MÈRES PORTEUSES Entre commerce et droits de la personne

Alors que plusieurs pays resserrent l’étau sur la maternité de substitution, le Québec, lui, veut mieux protéger les mères porteuses

27 février 2016 |Isabelle Paré | Santé
Le débat fait rage, et pas seulement au Québec et au Canada, sur la maternité pour autrui.
Photo: Olexander Zobin Agence France-PresseLe débat fait rage, et pas seulement au Québec et au Canada, sur la maternité pour autrui.
Ce texte fait partie de notre section Perspectives.
Au moment où le Conseil du statut de la femme du Québec (CSF) appelle à une ouverture à l’égard des mères porteuses, l’Europe resserre l’étau sur la maternité pour autrui (MPA) dans l’espoir de freiner l’expansion d’une lucrative industrie axée sur la location de ventres bon marché.
 
Jusqu’ici ouverte aux mères porteuses bénévoles, la Suède vient tout juste, cette semaine, de se prononcer contre toute forme de maternité de substitution, payée ou pas. En Italie, où la pratique est déjà illégale, la Cour suprême est allée jusqu’à retirer l’enfant porté par une Ukrainienne à un couple infertile revenu au pays avec le nourrisson dans les bras.
 
Depuis les années 2000, la naissance d’une florissante industrie de la procréation pour autrui outre-frontière est venue changer la donne. Le tourisme procréatif, dopé par l’émergence d’agences et de cliniques offrant à des couples infertiles les services de mères porteuses de pays en développement, a ébranlé les certitudes et le socle sur lesquels reposaient les lois adoptées sur la MPA en Occident.
 
En décembre dernier, le Parlement européen pressait les pays membres de l’Union européenne à mettre fin à toute forme de maternité de substitution, « une pratique qui va à l’encontre de la dignité humaine ».
 
Depuis, le débat fait rage entre « pro » et « anti-GPA » (gestation pour autrui) européens, les premiers y voyant une pratique altruiste pour les couples en mal d’enfants, les seconds une « marchandisation du corps des femmes » et une nouvelle forme de « violence faite aux femmes », assimilables au commerce d’organes.
 
Aux États-Unis, des États comme la Californie et l’Illinois sont devenus l’eldorado de ce commerce où cliniques et sites Internet offrent ouvertement à des couples infertiles les services de gestation de jeunes femmes en santé. Le recours « aux partenaires gestationnels » revêt même un vernis glamour depuis que les stars comme Sarah Jessica Parker, Nicole Kidman, Elton John, Ricky Martin et, plus près de chez nous, Joël Legendre, ont confié avoir ainsi réalisé leurs rêves d’enfants.
 
Volte-face ?
 
Au Québec, le Conseil du statut de la femme (CSF), qui prônait depuis les années 80 l’interdiction totale des mères porteuses, vient d’assouplir sa position historique. Pragmatique, l’organisme estime qu’il est temps de réagir « à une réalité » désormais incontournable.
 
Des parents reviennent d’outremer avec des poupons dont le statut juridique reste à définir. Quel lien de filiation reconnaître à ces bébés fabriqués dans le ventre d’un tiers ? Quels droits reconnaître à ces mères qui « prêtent » leur ventre ? Ottawa, qui prohibe la rémunération des mères porteuses, autorise le remboursement de leurs dépenses, sans toutefois n’en avoir jamais précisé de montant.
 
Dans ce contexte légal plus que flou, le CSF propose d’ajuster les lois pour « mieux protéger les droits des mères porteuses et des enfants ». « La pratique a lieu et se passe. Alors encadrons-la », plaide la présidente du CSF, Julie Miville-Dechêne. Mais dans le contexte mondial actuel, cette volte-face inquiète plusieurs groupes et associations de défense des droits des femmes.
 
Ventres en location
 
Instaurée dans plusieurs pays d’Occident depuis les années 80, l’interdiction de la MPA a fait naître en revanche une industrie transfrontalière, aujourd’hui en plein essor.
 
Plus de 25 000 enfants naîtraient chaque année en Inde seulement de mères porteuses, dont 50 % « commandés » par des couples étrangers. Aux États-Unis, on parle de 1400 naissances issues d’utérus « loués ». Une affaire qui rapporte gros, évaluée à 2 milliards par année.
 
L’Inde, où il en coûte de 12 000 $ à 30 000 $ pour obtenir les services d’une mère porteuse, plutôt que 150 000 $US en Amérique, est devenue le paradis de ce lucratif commerce du désir d’enfant, évalué à 400 millions par an.
 
« Cette pratique a explosé dans les années 2000 dans des pays comme l’Inde et la Thaïlande. Depuis, ces deux pays ont interdit l’accès des ressortissants étrangers aux cliniques de mères porteuses. Ils ne veulent plus être des destinations de choix du tourisme procréatif. Alors les nouveaux pays visés par l’industrie de la procréation sont maintenant l’Iran, le Népal », affirme la journaliste et auteure Kajsa Ekis Ekman, jointe en Suède par Le Devoir.
 
« Cette industrie très profitable, profondément raciste, utilise, grâce à la fécondation in vitro[FIV], des femmes de pays pauvres pour livrer des bébés blancs à des couples qui veulent payer mois cher. Certains couples font même appel à deux mères porteuses pour multiplier leurs chances de grossesse », dénonce l’auteure du livre L’être et la marchandise, prostitution et maternité de substitution, aussi fondatrice du mouvement Féminists Against Surrogacy.
 
Selon Mme Ekman, le phénomène est répandu en Suède où, chaque semaine, un couple se rend à l’étranger pour obtenir une MPA, par le biais de cliniques de fertilité ou d’intermédiaires. « Les gens reviennent au pays avec un enfant, et les services sociaux sont pris avec le problème. Les lois prévoient que la femme qui accouche est la mère de l’enfant, mais on ne peut plus retrouver cette mère. Les couples ne la connaissent même pas. Alors on accorde l’adoption par défaut. Ce n’est pas une façon de régler ce problème social. Je crois que la société doit envoyer un signal, doit se prononcer », estime-t-elle.
 
Femmes-anges ou femmes-contenants ?
 
Kajsa Ekman ne croit pas à cette forme de maternité déléguée, même lorsque faite « gratuitement ». Ces bienfaitrices de la reproduction sont souvent érigées en anges, alors qu’elles sont plutôt des récipients, dénonce-t-elle. « Pourquoi les femmes devraient-elles se sacrifier, faire tout gratuitement ? » À son avis, l’absence de rétribution n’évacue en rien le risque d’exploitation, ni le fait que ces femmes soient réduites au seul rôle de « contenant ».
 
« Je ne crois pas à l’altruisme. Dans tous les pays où la MPA sans rétribution est tolérée, la majorité des femmes sont payées sous la table. La perception de la MPA est en train de changer, ce n’est plus perçu comme quelque chose de moderne, d’altruiste ou de “ cute ”. C’est de l’exploitation pure et simple », tranche l’auteure féministe.
 
Dans L’être et la marchandise, elle assimile d’ailleurs la MPA à la prostitution. « C’est la négation de la volonté de la femme. Les femmes qui se prostituent se dissocient de leur corps pour vendre leur sexe. Avec la MPA, elles se dissocient de leurs corps pour porter un enfant qu’elles ne veulent pas. On fait fi de leurs émotions, de leurs droits », argue-t-elle.
 
Un statut à définir
 
Sans statut légal clair dans plusieurs pays, les mères porteuses, même recrutées localement, et leurs enfants à naître donnent lieu à des casse-têtes juridiques. En Europe, le quart des pays prohibent toute forme de MPA, alors que 25 % interdisent seulement la gestation contre rémunération.
 
Selon Sarah Jacob-Wagner, chercheuse et auteure de l’avis produit par le CSF, si la condamnation des ententes transfrontalières de mères porteuses fait consensus, l’approche stricte prônée par le Parlement européen envers la maternité de substitution sans rétribution n’est pas partagée par tous.
 
« Cette vision ne fait pas l’unanimité. Il existe une diversité d’opinions en France », dit-elle, notamment un courant pour reconnaître plus de droits aux mères porteuses et aux enfants nés de la gestation pour autrui.
 
« L’avis du CSF défend la MPA à titre gratuit, mais condamne la MPA commerciale. Nous avons consulté les études faites auprès de mères de substitution non rétribuées et d’enfants nés de MPA, qui semblent ne pas avoir de problèmes à moyen terme. On pense qu’il faut des efforts séparés pour lutter contre le tourisme procréatif », avance cette chercheuse.
 
Le Québec demeure la seule province canadienne où toute forme de maternité de substitution est interdite. Des couples québécois, affirme Mme Jacob-Wagner, se tournent déjà vers l’Ontario où un lien de filiation avec l’enfant né de la MPA leur est accordé. Peut-on fermer les yeux ?
 
La réforme du droit de la famille caressée par Québec, estime-t-elle, pousse en faveur d’une reconnaissance de cette réalité… que plus personne ne peut feindre d’ignorer.

lundi, octobre 12, 2015

La parité, d’accord, mais il faut aller plus loin

http://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo/

Selon la philosophe Françoise Collin, la «question des femmes» interpelle la conception même de la démocratie dans laquelle nous vivons depuis la Révolution française

10 octobre 2015 | Aurélie Lanctôt - Étudiante à l’Université McGill en droit, auteure de «Les libéraux n’aiment pas les femmes» (Lux, 2015) | Le Devoir de philo

Des sculptures devant l’Assemblée nationale montrent trois suffragettes (Marie Lacoste Gérin-Lajoie, Idola Saint-Jean et Thérèse Forget-Casgrain) et la première députée du Québec, Marie-Claire Kirkland.
Photo: Renaud Philippe Le Devoir

Des sculptures devant l’Assemblée nationale montrent trois suffragettes (Marie Lacoste Gérin-Lajoie, Idola Saint-Jean et Thérèse Forget-Casgrain) et la première députée du Québec, Marie-Claire Kirkland.
Françoise Collin. Anthologie québécoise (1977-2000)
Dirigé par Marie-Blanche Tahon
Éditions du Remue-ménage
Montréal, 2014, 267 pages
Deux fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés de philosophie, d’histoire et d’histoire des idées le défi de décrypter une question d’actualité à partir des thèses d’un penseur marquant.​
 
Le Conseil du statut de la femme publiait le 4 octobre un avis réclamant l’instauration d’un quota de candidatures féminines aux élections. Les partis politiques, suggère le Conseil, devraient être contraints d’avoir au moins 40 % de femmes au sein de leur candidature, sous peine de sanctions. Cette proposition se fonde sur un constat : les chiffres sur la présence des femmes en politique stagnent depuis 15 ans. À l’Assemblée nationale, les femmes n’occupent que 27 % des sièges. Au Parlement canadien, depuis les élections de 2011, elles occupent à peine le quart des sièges. Dans la présente campagne électorale, les femmes ne constituent pas plus de 30 % de la candidature, tous partis confondus. De toute évidence, les bonnes intentions ne suffisent pas à rectifier la sous-représentation des femmes en politique. Si l’on souhaite vraiment corriger cette véritable carence de notre démocratie, il faut maintenant prendre des mesures plus coercitives.
 
La proposition du Conseil du statut de la femme est audacieuse et très juste. Elle nous force également à admettre qu’en 2015, 75 ans après avoir obtenu le droit de vote, malgré qu’elles jouissent des mêmes droits que les hommes et qu’on prétende les accueillir à bras ouverts dans l’arène politique, les femmes peinent toujours à y prendre leur place. La pensée de la philosophe et écrivaine féministe Françoise Collin (1928-2012) nous invite à aborder ce problème de front, en soulevant une question fondamentale sur notre démocratie : si les institutions politiques n’accommodent et ne représentent correctement que la moitié de la population, notre démocratie est-elle vraiment démocratique ?
 
En plus de ses romans et de ses écrits féministes, Françoise Collin lègue un ouvrage marquant sur Maurice Blanchot (Maurice Blanchot et la question de l’écriture, 1971) et un autre sur Hannah Arendt (L’homme est-il devenu superflu ?, 1999). On lui doit également la fondation des Cahiers du Grif, en 1973, la première revue féministe de langue française. La pensée de Françoise Collin aborde des thèmes aussi variés que la transmission, la culture commune, la crise du moderne, la vie politique et l’écriture. Elle incite encore les féministes d’aujourd’hui à aborder la question des femmes avec rigueur et nuances. Soulignant que le féminisme n’est pas qu’une théorie ou une action politique, mais aussi une façon d’être au monde, Collin nous convie à des réflexions exigeantes, mais nécessaires et fécondes. Elle nous fournit aussi des outils précieux pour penser la participation des femmes à la vie politique.
 
La parité, un premier pas
 
On dit souvent que les mesures visant à assurer la représentation des femmes au sein de la députation, des fonctions ministérielles et des postes de direction dans l’appareil public se justifient par la nécessité que les femmes participent aux décisions prises au nom de la population. Les femmes n’ont pas les mêmes sensibilités et les mêmes préoccupations que les hommes, du fait qu’elles font l’expérience d’une oppression liée à leur sexe. En cela, leur façon d’aborder la chose politique est forcément différente de celle des hommes. La représentation équitable des femmes au sein de nos institutions démocratiques contribuerait par exemple à attirer l’attention sur des enjeux qui tendent à être relégués au bas de la liste des priorités. Pour s’assurer que la moitié de la population soit correctement représentée, la parité est donc souhaitable, voire nécessaire.
 
Cependant, Françoise Collin soutient que non seulement l’égalité dans la représentation politique ne suffit pas, mais que les revendications pour la parité, lorsqu’elles totalisent notre conception de l’égalité, comportent un élément potentiellement toxique pour le féminisme. Ces revendications posent en effet le problème de la parité comme un problème d’accès à la représentation, alors que le problème loge plutôt dans la structure politique elle-même, qui, dans les faits, n’accommode et ne représente véritablement que la moitié masculine de la population.
 
Les femmes, angle mort de la démocratie
 
Dans un texte intitulé La démocratie est-elle démocratique ?, publié en 1992, Collin souligne que la « question des femmes », la question posée par les femmes, interpelle la conceptionde la démocratie dans laquelle nous vivons depuis la Révolution française. Pourquoi le projet commun, s’interroge la philosophe, a-t-il jusqu’ici été pensé par les hommes et en fonction d’eux, alors que les femmes constituent pourtant une légère majorité numérique ? Sensée, elle ne suggère évidemment pas de renverser les rapports de pouvoir entre les sexes, cette fois en faveur des femmes, sous prétexte que celles-ci sont plus nombreuses. Collin cherche plutôt à mettre en relief une contradiction inhérente au principe démocratique traditionnel, qui prétend conférer le pouvoir au nombre. En réalité, l’accès tardif des femmes au droit de vote a fait en sorte qu’elles n’ont eu accès à la scène publique et à la scène politique que lorsque celles-ci étaient déjà mises en place et figées dans leurs structures unisexuées. Ainsi, le poids des traditions joue en leur défaveur.
 
C’est ce problème qu’explore la philosophe lorsque, en 1982, elle publie un texte marquant intitulé Il n’y a pas de cogito-femme. En examinant les manières que les éléments d’une potentielle « culture au féminin » s’articulent à la culture dominante et à ses éléments proprement masculins, Collin suggère que la femme, partout où elle s’avance, ne rencontre que sa propre négation. « Lire, que ce soit un poème, un roman-feuilleton ou le journal, regarder un film, ce n’est jamais que se découvrir et découvrir le monde dans le regard de l’autre, d’un sujet homme, sujet bienveillant ou malveillant, lyrique ou cynique, peu importe. » Il importe, nous dit-elle, de constater que partout, la femme n’a d’existence que par assimilation. Le langage de l’universel est tenu d’un point de vue qui n’est pas le sien. La philosophe en conclut que le « sujet féminin », pour ainsi dire, n’existe pas, et que cette négation empêche les femmes de participer pleinement à la vie démocratique, la « chose commune » ne leur appartenant jamais tout à fait. Les femmes sont donc admises dans un monde constitué sans elles, qu’elles n’ont pas le pouvoir de façonner. Elles sont simplement sommées de s’y adapter. Or, peut-on se contenter de « faire place » aux femmes dans cet espace construit, mais sans leur permettre de vraiment « donner lieu » à du nouveau ?
 
Égalité ou « égalisation » ?
 
Dans d’un colloque en 1984 à Montréal sur le thème Égalité et différence des sexes, Françoise Collin soutient que la véritable égalité n’est pas le partage de droits et de biens définis unilatéralement, mais bien le partage de la position de sujet éthique, politique, historique : « C’est-à-dire la possibilité pour les femmes, pour chaque femme, de n’être pas seulement bénéficiaire des avantages et des désavantages sociaux, mais aussi et surtout d’être reconnue dans sa position originaire, génératrice, position que toute l’histoire lui a déniée en réduisant en elle la force du commencement à la maternité strictement biologique. » Tant que l’on négligera ce partage de la position de sujet, nous dit Collin, les femmes demeureront, dans la vie politique, cet élément « à part » qu’on assimile à la règle générale, pour ensuite prétendre qu’elles sont placées à égalité avec les hommes.
 
Appliquant ce raisonnement à la représentation des femmes en politique, on pourrait dire que les femmes ne veulent pas se contenter d’être intronisées au Parlement des hommes, de représenter ses valeurs et d’y faire parure ; elles veulent pouvoir le transformer. Lorsque les femmes se contentent d’être avalées par un simple travail de « mise à niveau », par lequel elles accèdent sommairement aux droits et valeurs dominantes — processus qui se limite au fond à leur accorder quelques accommodements ou quelques bribes de pouvoir —, elles demeurent, quoi qu’on en dise, en marge de la chose commune, telles d’éternelles figurantes. Cela expliquerait d’ailleurs pourquoi, même si les femmes ont accès à la scène publique, leurs préoccupations ne trouvent actuellement pas place dans le projet politique.
 
Ainsi, Françoise Collin nous met en garde contre cette logique « d’assimilation », selon laquelle, pour parvenir à l’égalité, il suffirait d’asseoir plus de femmes dans les sièges jusqu’ici occupés par des hommes. Pour que les femmes soient véritablement égales aux hommes, elles doivent d’abord devenir « cosujets de la chose commune ». Suivant cette idée, s’il faut encourager les mesures visant à instituer la parité en politique, il faut aussi garder en tête qu’il ne s’agit pas de l’aboutissement du chemin vers l’égalité, mais bien de la première étape d’un processus de transformation beaucoup plus profond. En cela, la philosophe nous rappelle en somme que le combat des femmes est certes un combat pour l’égalité, mais aussi un combat pour la liberté et la démocratie, pour que celle-ci ne soit pas qu’une forme sans contenu.
 
Un projet politique unanime ?
 
Collin nous invite également à élargir la réflexion sur l’apport des femmes à la vie politique, en demandant : si le féminisme aspire à ce que les femmes deviennent elles aussi sujet de la chose commune, peut-on toutefois présumer que « les femmes » forment une catégorie telle que leur projet politique serait unanime ? La philosophe nous met bien en garde contre le danger de présenter les femmes comme un bloc homogène, autant sur le plan de leur situation que sur celui de leurs occasions favorables. Il y a des lectures du monde et des événements, rappelle-t-elle, dont la ligne de partage n’est pas la seule appartenance sexuée. Ces remarques suggèrent que la seule présence des femmes au sein des institutions politiques n’exclut pas qu’y soient prises certaines décisions susceptibles d’avoir des conséquences désastreuses sur d’autres femmes. Aussi, Françoise Collin aurait certainement dénoncé l’instrumentalisation, par les politiciens, de la formule creuse de « l’égalité entre les femmes et les hommes » pour stigmatiser certaines femmes, comme ce fut le cas récemment, avec la polémique entourant le port du niqab lors des cérémonies de citoyenneté.
 
Collin aurait plutôt rappelé que l’oppression des femmes « a ceci de particulier qu’elle atteint chaque femme de façon singulière, jusque dans son intimité », mais que « c’est à travers chaque femme, par chaque femme, comptable devant elle seule, qu’elle doit être collectivement combattue ».
  
Des commentaires ? Écrivez à Antoine Robitaille : arobitaille@ledevoir.com. Pour lire ou relire les anciens textes du Devoir de philo ou du Devoir d’histoire : www.ledevoir.com/ societe/le-devoir-de-philo.

mercredi, avril 22, 2015

Seulement 9 % du budget entre les mains de ministres femmes

http://www.ledevoir.com/politique/

22 avril 2015 |Isabelle Paré | Québec
<p><em>«</em><em>Il y a longtemps que les femmes ont détenu si peu d’influence au sein d’un gouvernement québécois</em><em>»</em>, déplore Julie Miville-Dechêne.</p>
Photo: Pedro Ruiz Archives Le Devoir
«Il y a longtemps que les femmes ont détenu si peu d’influence au sein d’un gouvernement québécois», déplore Julie Miville-Dechêne.
À quelques jours du 75e anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes, le Conseil du statut de la femme (CSF) déplore le recul observé dans la représentativité féminine au sein du gouvernement Couillard. Non seulement le premier ministre n’a pas respecté sa promesse électorale d’atteindre 40 % de femmes au sein du Conseil des ministres, mais une analyse fine révèle également que les ministres femmes actuellement en poste ne gèrent en fait que 9 % des dépenses du Québec.
 
« Il y a longtemps que les femmes ont détenu si peu d’influence au sein d’un gouvernement québécois », a déploré mardi la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, dans une lettre adressée au premier ministre Philippe Couillard.
 
Le Conseil a profité de l’occasion offerte par le 75e anniversaire du droit de vote des femmes, le 25 avril prochain, pour rappeler que le présent gouvernement accuse un recul en terme de représentativité féminine à l’Assemblée nationale.
 
Moins nombreuses que sous le gouvernement péquiste de Pauline Marois et que sous le gouvernement Charest, les femmes élues à l’Assemblée nationale aux dernières élections ne comptent que pour 27,2 % des élus. Seulement 8 femmes sur 25 (32 %) siègent au Conseil des ministres, alors que sous le gouvernement libéral précédent, le Conseil des ministres était quasi paritaire en 2003 et 2008.
 
Sous le gouvernement Marois, 8 femmes sur 23 étaient ministres (8 sur 26 dans le gouvernement Bouchard en 1998), et des femmes ministres y ont hérité de portefeuilles majeurs, comme la santé et l’éducation. « Dans ce cas-ci, on voit qu’il y a recul en termes de pouvoir économique. On se rend compte que les femmes ministres ne gèrent en fait que 9 % des dépenses du Québec. Les gros ministères sont gérés par des hommes, alors qu’il y a eu des épisodes paritaires sous Charest », insiste Mme Miville-Dechêne.
 
Avec des femmes en place aux ministères de la Famille, de la Sécurité publique, de la Justice, de la Culture et des Communications, de l’Immigration, de la Diversité et de l’inclusion et du Tourisme, les femmes héritent dans le gouvernement Couillard d’une part ténue des dépenses totales de la province. Les poids lourds du ministère de la Santé, de l’Éducation et de l’Emploi et de la Solidarité sociale, détenus par des hommes, accaparent plus de 80 % du budget.
 
Sans dire que cet état de fait explique les récentes mesures adoptées par le gouvernement Couillard — dont les réformes de la santé et la révision des tarifs des garderies —, jugées peu favorables aux femmes, la présidente du Conseil du statut de la femme affirme que« dans les choix budgétaires actuels, ceux qu’on entend, ce sont des hommes ».
 
Le Conseil du statut de la femme a lui-même écopé lors du dernier budget de nouvelles compressions de 285 000 $ pour 2015-2016, a dû réduire son équipe de neuf employées sur 27 et fermé, non sans remous, quatre de ses bureaux régionaux.
 
Réactions
 
La ministre responsable de la Condition féminine, Stéphanie Vallée, a réagi aux critiques du CSF en disant que « la voix des femmes est entendue », aussi bien au Conseil des ministres qu’à l’Assemblée nationale. Le gouvernement Couillard peut compter sur des « femmes fortes » aux postes clés de vice-premier ministre, de ministre de la Justice et de ministre de la Sécurité publique, dit-elle. Le chef du PQ, Stéphane Bédard, a parlé quant à lui « d’un recul sur la condition féminine », alors que François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, estime que la parité « est un idéal qu’on doit viser ».
 
L’expérience des femmes en politique diffère-t-elle de celle des hommes ? Sur ce point, la ministre Vallée a rétorqué « oui » du tac au tac, faisant référence au fait que sa vie amoureuse a été dévoilée le week-end dernier dans le quotidien Le Droit.