L’ex-ministre Jacques Daoust savait qu’Investissement Québec allait vendre le bloc d’actions qu’il détenait dans Rona. Aujourd’hui, il l’avoue. Il a donc menti. Pour ce cafouillage, il a dû démissionner. Mais cette affaire met aussi en cause le jugement du premier ministre lui-même.
Tous le reconnaissent : Rona serait passée aux mains de Lowe’s même si Investissement Québec (IQ) avait toujours en main le bloc de 10 % d’actions acheté lors de la première tentative d’acquisition, en 2012, mais revendu sans tambour ni trompette en 2014.
La raison tient évidemment au fait que la dernière offre, contrairement à celle de 2012, a été bien accueillie par les administrateurs et les actionnaires de Rona. Même la Caisse de dépôt l’a jugée acceptable compte tenu du contexte très concurrentiel dans lequel Rona était appelée à combattre au cours des prochaines années.
De son côté, Investissement Québec a cru dès 2014 que le temps était venu de revendre son bloc d’actions en interprétant que Rona ne faisait plus partie des préoccupations du gouvernement.
Ce qui dérange dans cet enchaînement de faits, ce n’est pas qu’IQ ait agi comme il l’a fait, mais que personne au gouvernement ne se soit même demandé, en 2014, s’il ne valait pas mieux conserver les actions de Rona. Même au conseil d’IQ, la question s’est plutôt posée en termes de risque financier de détenir autant d’actions d’une société publique, et la décision de vendre fut prise alors que le sujet n’apparaissait pas à l’ordre du jour, a-t-on appris cette semaine.
Une fois cette décision prise, on a consulté le ministre, mais celui-ci maintient n’avoir jamais donné son accord parce qu’il n’avait pas à le faire. Quant au premier ministre, il n’aurait pas été consulté, ce qui est tout de même incroyable compte tenu de l’importance politique du dossier Rona au cours des années précédentes.
De deux choses l’une : ou le premier ministre savait et il a donné son accord, comme le soutient l’opposition qui demande à entendre son chef de cabinet en commission parlementaire. Dans ce cas, il faudra conclure que M. Couillard n’a pas dit la vérité. Ou le premier ministre n’a pas été informé des intentions d’IQ, comme il l’affirme, et cela est aussi inquiétant.
Techniquement, le conseil d’administration d’IQ n’avait pas à obtenir l’autorisation du ministre ou du premier ministre puisque les actions avaient été acquises à même les « fonds propres » de l’organisme. En revanche, IQ se devait de consulter en haut lieu étant donné la teneur éminemment politique de l’achat initial.
D’ailleurs, les membres du conseil l’ont compris puisqu’ils ont inscrit la mention «sous réserve de la consultation préalable du ministre» dans la résolution prévoyant la vente des actions. Et ce qu’ils ont fait, comme le chef de cabinet du ministre Daoust, Pierre Ouellet, l’a reconnu. M. Daoust aurait même commenté la décision d’IQ en disant : ils vivront avec les conséquences.
Comment peut-on se laver les mains de la sorte quand on est ministre responsable ? Voilà qui force à s’interroger sur la cohérence de ce gouvernement en matière d’intervention économique.
Rona n’est évidemment pas une entreprise que l’on qualifierait de stratégique justifiant une intervention d’exception. Mais on peut tout de même s’inquiéter de la perte éventuelle d’un autre siège social malgré les promesses de l’acquéreur. La vente de Provigo est là pour nous le rappeler.
Si l’on ne doit donc pas s’attendre à ce que l’État intervienne lourdement lors de transactions commerciales entre parties consentantes, il faut tout de même se demander ce que le gouvernement Couillard attend pour adopter certaines des mesures préventives qui ont été proposées il y a plus de deux ans par le Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises.
M. Couillard aime répéter que nous vivons dans une économie ouverte où les CGI et Couche-Tard réussissent très bien. Cela ne nous empêche pas d’être inquiets devant le risque appréhendé d’assister, impuissants, au départ de sièges sociaux stratégiques comme ceux de SNC-Lavalin, de CAE ou de CGI. A-t-on réfléchi à cette éventualité ? Si oui, qu’attend-on pour agir ?
Jacques Daoust se consacrera donc désormais entièrement à son vignoble. Le départ de la vie politique de cet ancien mandarin, qui a tenté de se muer en ministre depuis 2014, n’est pas en soi surprenant, mais soulève des questions quant aux raisons qui l’y ont conduit. Ses tribulations imposent aussi une réflexion sur l’antique notion de « responsabilité ministérielle », censée être au coeur de notre régime politique.
llustre membre du « trio économique » libéral, Jacques Daoust n’aurait pas toujours été un joueur d’équipe, volant allègrement les rondelles à ses collègues ; de nature désinvolte, il aurait parfois pris ses fonctions à la légère ; ce « mononcle » fut dépassé par la technologie (dans le dossier Uber… et quant au logiciel Word, dont il ne comprenait rien aux fonctions de pagination) ; il pouvait être opiniâtre à en faire rager ses subalternes, etc. Il se dit beaucoup de choses sur le ministre démissionnaire Jacques Daoust. Mais ce n’était pas un politicien sans qualités. L’opiniâtreté en politique peut parfois indiquer des convictions réelles. Chose certaine, M. Daoust savait s’exprimer clairement, qualité rare dans notre classe politique.
La controverse ayant débouché sur son départ comporte toutefois plusieurs zones d’ombre. On comprend qu’Investissement Québec (IQ) n’était pas tenu, techniquement, d’obtenir l’autorisation du gouvernement pour vendre des blocs d’actions de Rona — acquises en 2012 après une commande politique du gouvernement Charest afin de bloquer la vente du fleuron à l’américaine Lowe’s. IQ a donc commencé à s’en délester à partir de novembre 2013. De décembre 2014 à février 2015, elle vend le dernier bloc : 10,1 millions d’actions. La vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, écrivait en juin que les membres du conseil «ne considéraient pas avoir toute la latitude pour autoriser la vente sans avoir consulté le gouvernement». Ce qu’ils firent. Mais M. Daoust, en juin, était formel : il n’avait jamais autorisé une telle chose.
Coup de théâtre : des courriels dévoilés par TVA ont prouvé jeudi que son chef de cabinet de l’époque, Pierre Ouellet, l’a autorisé, lui, après consultation. Auprès de qui ? M. Daoust persiste et répète jusque dans sa lettre de démission qu’il n’en a jamais été informé. N’est-ce pas étrange ? Sommes-nous devant un syndrome Gérald-Tremblay ? De deux choses l’une, répètent plusieurs, M. Daoust était «soit menteur, soit incompétent». Et si la réalité était moins dichotomique ? Et si le premier ministre lui-même, ou son cabinet — de qui relevait M. Ouellet après tout — avait donné son accord ? Pour reprendre les termes de Philippe Couillard : voilà une question sérieuse qui exige une réponse sérieuse. De la part du premier ministre.
Le ministre démissionnaire avait au moins un grand défaut. Et ses réponses, dans les deux dernières crises auxquelles il s’est heurté — celle de l’opacité du ministère des Transports et celle des actions de Rona —, l’ont démontré clairement. Il cultivait une conception très faible de la responsabilité ministérielle. Encore vendredi matin, il martelait au micro de Paul Arcand qu’il ne démissionnerait pas. Son ministère a potentiellement pris des décisions controversées ? «Le ministère, c’est l’administratif, c’est pas moi.» Réponse inacceptable, évidemment. Comme sa réaction dans l’affaire Annie Trudel, du nom de cette analyse, embauchée par Robert Poëti, qui s’était plainte, dans une lettre, d’avoir fait face à des résistances troublantes, voire illicites. La lettre ? « Pas vue », avait soutenu M. Daoust. La faute ? Au chef de cabinet. Et aussi à la sous-ministre. M. Couillard avait alors choisi de croire à cette version et avait feint d’ignorer le principe de responsabilité ministérielle. C’est M. Ouellet et Mme Dominique Savoie qui furent sacrifiés.
Le site de l’Assemblée nationale propose une définition claire de la responsabilité ministérielle : «Les ministres sont individuellement responsables de la gestion de leur ministère. […] Devant l’Assemblée, un ministre doit répondre non seulement de ses propres actions, mais aussi de celles de ses fonctionnaires. Il pourrait même être forcé de démissionner en raison d’un cas important de mauvaise gestion.» Dans le cas Jacques Daoust, on aura attendu un peu trop longtemps avant d’appliquer le principe. Mais n’est-ce pas une habitude dans ce gouvernement ? Pensons à Lise Thériault, jadis ministre de la Sécurité publique, qui avait reproché publiquement à ses fonctionnaires de lui avoir menti à la suite de l’évasion héliportée de 2014 à la prison d’Orsainville.
Après les deux événements de non-responsabilité ministérielle qui ont ponctué la brève carrière politique de M. Daoust, il était temps de dire : «Quand le vin est tiré, il faut le boire.»
Publié le 29 octobre 2015 à 08h23| Mis à jour à 08h23
FOURNIE PAR BOMBARDIER
L'investissement a été approuvé par le conseil d'administration de Bombardier de même que par le Conseil des ministres du gouvernement du Québec
La Presse Canadienne Montréal
La compagnie Bombardier (TSX:BBD.B) confirme jeudi que le gouvernement du Québec prend une participation de 1 milliard $ US à son capital.
Dans un communiqué publié jeudi, la multinationale précise que par l'intermédiaire d'Investissement Québec, le gouvernement possédera ainsi 49,5 % des actions d'une société en commandite nouvellement constituée à laquelle seraient transférés les actifs, passifs et obligations du programme d'avions CSeries. Cette société sera détenue à 50,5 % par Bombardier qui poursuivra les activités liées au programme CSeries.
L'investissement a été approuvé par le conseil d'administration de Bombardier de même que par le Conseil des ministres du gouvernement du Québec.
La multinationale montréalaise rapporte d'autre part une perte nette de 4,9 milliards $ US au 3e trimestre ayant pris fin le 30 septembre, ou 2,20 $ US par action, comparativement à un résultat net de 74 millions US, ou de 0,03 $ US par action au trimestre correspondant de l'exercice précédent.
La compagnie impute les piètres résultats du dernier trimestre aux éléments spéciaux, surtout liés aux charges de dépréciation de l'outillage des programmes CSeries et Learjet 85.
Le projet Mine Arnaud doit être construit au fond de la baie de Sept-Îles. Dans son rapport d’évaluation environnementale, le BAPE avait d’ailleurs souligné que la mine risquait d’accroître la contamination de la baie, qualifiée de « territoire d’intérêt écologique doté d’une grande biodiversité ».
L’entente qui lie le gouvernement du Québec et son unique partenaire financier dans le projet Mine Arnaud a été conclue en 2009, soit avant l’évaluation précise des ressources, l’établissement d’une durée de vie au projet et la tenue d’une évaluation environnementale. Ces six années écoulées expliquent, selon Investissement Québec, le fait que Yara International n’achète plus 100 % de la production de la mine, mais bien désormais 40 %.
La société d’État, promoteur de l’imposant projet de mine à ciel ouvert de Sept-Îles, a précisé pour la première fois jeudi que l’entente signée avec Yara International n’oblige absolument pas la multinationale norvégienne à acheter toute la production. Investissement Québec et Mine Arnaud ont pourtant toujours affirmé que l’entreprise spécialisée dans la fabrication d’engrais prendrait livraison de la totalité du concentré d’apatite qui sera produit par la mine.
«Une entente a été conclue en 2009, a répondu Investissement Québec aux questions duDevoir. Cette entente prévoit l’achat d’une quantité fixe du concentré, ce qui représentait 100% de la production à l’époque. Toutefois, le projet a évolué à travers le temps et les prévisions de production ont augmenté pour atteindre 1,2million de tonnes [de concentré d’apatite par année]. Par conséquent, la quantité que prévoit d’acheter Yara demeure la même.»
Vérification faite, l’avis de projet déposé par Mine Arnaud en 2010, en prévision de l’évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), évoquait déjà une production annuelle d’un million de tonnes.
Un autre document produit par Mine Arnaud pour présenter le projet, document publié en juin 2013, mentionnait même une production annuelle de «1,3million de tonnes». Ce même document précisait clairement que Yara devait acheter toute la production de la mine.«Le concentré serait transporté par voie ferroviaire jusqu’au port de Sept-Îles et transbordévers la Norvège pour y être transformé par Yara International ASA», peut-on y lire. «Quatre bateaux par mois viendront chercher le concentré d’apatite qui sera livré en Norvège», précise en outre le promoteur.
Investissement Québec n’a pas transmis de copie de l’entente conclue en 2009 avec Yara, une entreprise reconnue coupable de corruption en 2009 en Libye, en Inde et en Russie.
Acheteur recherché
Comme la multinationale compte finalement acquérir de 40 % à 50 % de la production, cela signifie que Mine Arnaud doit trouver un acheteur qui voudra se procurer, au maximum, entre 625 000 et 750 000 tonnes de concentré chaque année. «La différence de production sera vendue à d’autres acheteurs (grâce au réseau de Yara)», a simplement indiqué Investissement Québec.
Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations, Jacques Daoust, a aussi dit jeudi que des démarches sont en cours pour tenter de trouver un acheteur pour la production. Il a du même coup souligné que le gouvernement cherche toujours activement un partenaire financier qui souhaiterait exploiter la mine. Selon les données actuelles, cette entreprise devrait s’engager à investir 160 millions de dollars dans Mine Arnaud. Les investissements totaux prévus pour le projet dépassent les 850 millions. Québec prévoit d’investir au moins 120 millions de dollars.
Fait à noter, le BAPE avait remis en question la rentabilité du projet dans sonrapport remis en décembre 2013 au gouvernement. L’organisme indépendant soulignait que le projet«s’inscrit dans une période où la production mondiale de roche phosphatée peut êtrequalifiée de quasi stagnante et qu’un engorgement de l’offre semble être vraisemblable alors que la rentabilité est incertaine».
La Banque mondiale prévoit d’ailleurs que les prix du phosphate (l’apatite est composée de phosphate) continueront de reculer au cours des prochaines années. Ils pourraient bien se situer pendant plusieurs années sous le seuil de rentabilité de Mine Arnaud.
La Coalition Québec meilleure mine s’inquiète d’ailleurs des coûts élevés du projet pour les finances publiques. «Le gouvernement s’est déjà engagé à développer la mine. Mais pour cela, il risque de devoir dépenser plusieurs centaines de millions de dollars. C’est de très mauvais augure pour le Plan Nord», a insisté jeudi son porte-parole, Ugo Lapointe.«Lorsqu’un projet est boiteux, comme c’est le cas pour Mine Arnaud, le privé a toujours besoin des millions de l’État, a-t-il ajouté. C’est une forme d’assistance sociale des entreprises, et cette fois, elle survient dans un contexte d’austérité budgétaire.»
«Depuis le début, avec le Plan Nord, il y a beaucoup de marketing politique. Mais il est pour le moins malhonnête, sur le plan politique, de faire de belles annonces qui ne sont pas encore ficelées. Le gouvernement a agi avec précipitation pour en tirer des bénéfices politiques», a déploré pour sa part le député de Québec solidaire Amir Khadir.
Du côté de Mine Arnaud, on a indiqué jeudi que des travaux ont déjà débuté sur le terrain. Si tout se déroule bien en ce qui a trait au financement, la construction de la mine pourrait débuter au printemps ou à l’été 2016.