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Le gouvernement recherche toujours un investisseur qui voudrait exploiter la future mine
Photo: Alexandre Shields Le Devoir |
L’entente qui lie le gouvernement du Québec et son unique partenaire financier dans le projet Mine Arnaud a été conclue en 2009, soit avant l’évaluation précise des ressources, l’établissement d’une durée de vie au projet et la tenue d’une évaluation environnementale. Ces six années écoulées expliquent, selon Investissement Québec, le fait que Yara International n’achète plus 100 % de la production de la mine, mais bien désormais 40 %.
La société d’État, promoteur de l’imposant projet de mine à ciel ouvert de Sept-Îles, a précisé pour la première fois jeudi que l’entente signée avec Yara International n’oblige absolument pas la multinationale norvégienne à acheter toute la production. Investissement Québec et Mine Arnaud ont pourtant toujours affirmé que l’entreprise spécialisée dans la fabrication d’engrais prendrait livraison de la totalité du concentré d’apatite qui sera produit par la mine.
« Une entente a été conclue en 2009, a répondu Investissement Québec aux questions duDevoir. Cette entente prévoit l’achat d’une quantité fixe du concentré, ce qui représentait 100 % de la production à l’époque. Toutefois, le projet a évolué à travers le temps et les prévisions de production ont augmenté pour atteindre 1,2 million de tonnes [de concentré d’apatite par année]. Par conséquent, la quantité que prévoit d’acheter Yara demeure la même. »
Vérification faite, l’avis de projet déposé par Mine Arnaud en 2010, en prévision de l’évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), évoquait déjà une production annuelle d’un million de tonnes.
Un autre document produit par Mine Arnaud pour présenter le projet, document publié en juin 2013, mentionnait même une production annuelle de « 1,3 million de tonnes ». Ce même document précisait clairement que Yara devait acheter toute la production de la mine.« Le concentré serait transporté par voie ferroviaire jusqu’au port de Sept-Îles et transbordévers la Norvège pour y être transformé par Yara International ASA », peut-on y lire. « Quatre bateaux par mois viendront chercher le concentré d’apatite qui sera livré en Norvège », précise en outre le promoteur.
Investissement Québec n’a pas transmis de copie de l’entente conclue en 2009 avec Yara, une entreprise reconnue coupable de corruption en 2009 en Libye, en Inde et en Russie.
Acheteur recherché
Comme la multinationale compte finalement acquérir de 40 % à 50 % de la production, cela signifie que Mine Arnaud doit trouver un acheteur qui voudra se procurer, au maximum, entre 625 000 et 750 000 tonnes de concentré chaque année. « La différence de production sera vendue à d’autres acheteurs (grâce au réseau de Yara) », a simplement indiqué Investissement Québec.
Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations, Jacques Daoust, a aussi dit jeudi que des démarches sont en cours pour tenter de trouver un acheteur pour la production. Il a du même coup souligné que le gouvernement cherche toujours activement un partenaire financier qui souhaiterait exploiter la mine. Selon les données actuelles, cette entreprise devrait s’engager à investir 160 millions de dollars dans Mine Arnaud. Les investissements totaux prévus pour le projet dépassent les 850 millions. Québec prévoit d’investir au moins 120 millions de dollars.
Fait à noter, le BAPE avait remis en question la rentabilité du projet dans sonrapport remis en décembre 2013 au gouvernement. L’organisme indépendant soulignait que le projet« s’inscrit dans une période où la production mondiale de roche phosphatée peut êtrequalifiée de quasi stagnante et qu’un engorgement de l’offre semble être vraisemblable alors que la rentabilité est incertaine ».
La Banque mondiale prévoit d’ailleurs que les prix du phosphate (l’apatite est composée de phosphate) continueront de reculer au cours des prochaines années. Ils pourraient bien se situer pendant plusieurs années sous le seuil de rentabilité de Mine Arnaud.
La Coalition Québec meilleure mine s’inquiète d’ailleurs des coûts élevés du projet pour les finances publiques. « Le gouvernement s’est déjà engagé à développer la mine. Mais pour cela, il risque de devoir dépenser plusieurs centaines de millions de dollars. C’est de très mauvais augure pour le Plan Nord », a insisté jeudi son porte-parole, Ugo Lapointe.« Lorsqu’un projet est boiteux, comme c’est le cas pour Mine Arnaud, le privé a toujours besoin des millions de l’État, a-t-il ajouté. C’est une forme d’assistance sociale des entreprises, et cette fois, elle survient dans un contexte d’austérité budgétaire. »
« Depuis le début, avec le Plan Nord, il y a beaucoup de marketing politique. Mais il est pour le moins malhonnête, sur le plan politique, de faire de belles annonces qui ne sont pas encore ficelées. Le gouvernement a agi avec précipitation pour en tirer des bénéfices politiques », a déploré pour sa part le député de Québec solidaire Amir Khadir.
Du côté de Mine Arnaud, on a indiqué jeudi que des travaux ont déjà débuté sur le terrain. Si tout se déroule bien en ce qui a trait au financement, la construction de la mine pourrait débuter au printemps ou à l’été 2016.