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Le défi d'intégration est de taille. La plupart des parents et des jeunes Syriens ne parleront pas un mot de français. Des employés de la commission scolaire parlant couramment l'arabe seront appelés en renfort. Certains réfugiés souffriront de stress post-traumatique. Il faudra des psychologues, des travailleurs sociaux
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Publié le 12 novembre 2015 à 05h00 | Mis à jour à 06h13
PHOTO PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE |
Une vague sans précédent d'environ 2000 élèves réfugiés syriens, âgés de 4 à 17 ans, grossiront les rangs des écoles de l'île de Montréal dès janvier prochain. À la Commission scolaire de Montréal (CSDM), c'est le branle-bas afin de les intégrer dans des classes préscolaires, primaires, secondaires et au niveau professionnel, a appris La Presse.
Le petit Aylan
Les images du petit Aylan, mort noyé, son corps échoué sur une plage turque après le naufrage d'une embarcation de migrants syriens voulant s'établir au Canada, défilaient depuis quelques jours, début septembre. La présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon, a été convoquée à une première rencontre avec le ministère de l'Éducation. On lui a demandé de se préparer à accueillir un flot important de jeunes réfugiés syriens. Stephen Harper était encore premier ministre. «Puis c'est devenu omniprésent, avec la volonté de M. Trudeau de faire en sorte que les 25 000 réfugiés puissent entrer au Canada. Il y a encore des ficelles à attacher aux niveaux provincial et fédéral. Nous, on nous a dit de nous préparer à un flot important, chaque jour, durant des semaines. On a mis en place un plan d'accueil et de francisation. Nous sommes aujourd'hui prêts.»
Branle-bas
Le gouvernement provincial a interpellé la CSDM et les deux autres commissions scolaires de l'île de Montréal (Marguerite-Bourgeoys et de la Pointe-de-l'Île) afin d'accueillir les quelque 2000 jeunes Syriens. La CSDM recevra près de la moitié des nouveaux arrivants, soit entre 600 et 900 nouveaux élèves. «C'est l'équivalent de deux écoles, ce n'est pas rien», illustre Mme Harel Bourdon. Quatre écoles primaires et quatre écoles secondaires ont été visées, dans le nord de Montréal, mais aussi au centre-ville, dans le Centre-Sud et dans le Sud-Ouest. Les conseils d'établissement seront avisés dans les prochains jours. «Ça ne peut pas être à un seul endroit. Les secteurs de Cartierville et Saint-Michel reçoivent déjà la communauté syrienne. Mais on a ajouté d'autres secteurs parce que les taux d'occupation sont déjà importants dans le Nord, souvent à 100%, quand ce n'est pas à 150%.»
Défi d'intégration
Le défi d'intégration est de taille. La plupart des parents et des jeunes Syriens ne parleront pas un mot de français. Des employés de la commission scolaire parlant couramment l'arabe seront appelés en renfort. Certains réfugiés souffriront de stress post-traumatique. Il faudra des psychologues, des travailleurs sociaux. Dans les prochaines semaines, la CSDM va organiser des simulations d'accueil des nouveaux élèves, d'ouverture des dossiers d'admission, d'établissement du niveau d'apprentissage et d'orientation des jeunes vers les bonnes classes. Il y aura un travail de reconnaissance des acquis pour d'autres jeunes, qui seront dirigés vers des formations professionnelles, vers l'éducation aux adultes. Afin d'y parvenir, la présidente de la CSDM a mis sur pied un comité pour mobiliser des organismes tous azimuts. L'aide alimentaire sera aussi une nécessité pour les heures du lunch.
Embauche massive
Il y aura du travail prochainement pour les enseignants désireux de travailler auprès des jeunes réfugiés syriens. Seulement à la CSDM, Mme Harel Bourdon prévoit avoir besoin d'une cinquantaine d'enseignants supplémentaires. «Pour chaque tranche de 100 élèves, il faut ajouter sept ou huit professeurs», explique-t-elle. Pour l'instant, la commission scolaire prévoit mobiliser ses propres intervenants communautaires, psychologues et professionnels de la francisation. Mais un plan plus précis des ressources humaines doit être soumis au gouvernement prochainement, dit-elle. Idem pour le matériel scolaire, l'informatique, etc.
Et l'argent?
La CSDM n'a pas chiffré ses besoins pour accueillir les réfugiés syriens. Cependant, dans ses états financiers déposés il y a quelques semaines, elle révélait que les dépenses sont plus élevées que les revenus pour assurer l'accueil et la francisation. À l'heure actuelle, le quart de ses élèves ont des besoins particuliers. Mme Harel Bourdon a déjà expliqué que 2000$ de plus par rapport aux revenus sont dépensés pour chaque élève en difficulté. Cette année, 4,6 millions ont été dégagés de l'enveloppe de la formation générale des adultes pour les accompagner, mais ce ne sera pas suffisant, a-t-elle prévenu. En plus des jeunes réfugiés syriens, la CSDM prévoir accueillir un millier de nouveaux élèves l'an prochain.
À Laval, aussi
Comme La Presse le révélait il y a quelques jours, la Commission scolaire de Laval prévoit aussi accueillir des jeunes Syriens dans ses écoles. Entre 400 et 700, a estimé Louise Lortie, présidente de la commission scolaire. Le casse-tête est complexe sur le territoire de la couronne nord puisque les écoles affichent déjà complet. «Nous sommes en discussion avec le ministère de l'Éducation, qui va devoir comprendre que nous aurons vraiment besoin d'une aide particulière pour accueillir tous ces élèves», a affirmé Mme Lortie.
- Avec la collaboration de Louise Leduc