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Publié le 23 octobre 2016 à 05h00 | Mis à jour le 23 octobre 2016 à 11h48
Publié le 23 octobre 2016 à 05h00 | Mis à jour le 23 octobre 2016 à 11h48
Peiman et ses parents adoptifs, Reza Bahrami et Azam Jabbari, lors d'une excursion, il y a quelques années PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE |
GABRIELLE DUCHAINE
La Presse
La Presse
Peiman, 10 ans, se voit refuser l'entrée au pays par le gouvernement du Québec et demeure coincé seul en Iran, alors que sa famille adoptive habite à Montréal.
Depuis plusieurs mois, le garçon, qui a grandi en mendiant dans les rues de Téhéran, est coincé seul en Iran parce que le gouvernement du Québec ne reconnaît pas le processus d'adoption dans son pays natal. Pourtant, sa famille, elle-même iranienne, a en main tous les papiers officiels pour prouver que l'enfant est bien à elle.
« Il s'ennuie beaucoup et il ne comprend pas pourquoi il ne peut pas être avec nous. On ne sait pas quoi lui dire », confie sa mère, Azam Jabbari, qui nous a accueillis dans l'appartement du quartier Notre-Dame-de-Grâce où elle vient d'emménager avec sa fille, Sepideh, et son mari, Reza Bahrami. « On pensait que notre garçon allait arriver bientôt, alors on avait besoin d'une chambre de plus », dit la femme de 38 ans. Mais la chambre est restée vide.
Cela fait plus d'un an que la famille se bat pour avoir le droit d'amener Peiman à Montréal. Une bataille qui, jusqu'à présent, ne lui a valu que des défaites.
Un enfant de la rue
Il y a encore deux ans, les Jabbari-Bahrami vivaient à Téhéran. Le père, la mère, leur fille et leur garçon, Peiman, qu'ils ont recueilli en 2012 alors qu'il avait 6 ans.
« Il quémandait de la nourriture dans la rue. Il était misérable et abandonné », se souvient Azam.
C'est son mari qui l'a remarqué le premier. Il lui a donné à manger et l'a amené à la maison pour le laver. Le couple l'a gardé pour la nuit. « Le lendemain matin, je l'ai serré dans mes bras et j'ai senti toute son émotion. Il n'était tellement pas habitué à ça. »
Une petite enquête leur a révélé que les parents du garçon n'étaient pas aptes à s'en occuper. Azam et Reza ont décidé de le prendre sous leur aile. Ils l'ont intégré à leur propre famille et l'ont envoyé à l'école « avec l'assentiment du grand-père de l'enfant, qui a toujours confirmé que les parents biologiques ne voulaient pas s'en occuper », reconnaît un jugement d'un tribunal administratif du Québec.
Puis, ils ont entamé des démarches d'adoption avec les autorités iraniennes pour officialiser la place de l'enfant au sein de la famille. En parallèle, le couple essayait d'immigrer au Canada « pour offrir une meilleure vie aux enfants ».
En avril 2014, Azam, Reza et Sepideh ont obtenu leur résidence permanente. Pas Peiman. Sur papier, il n'était pas encore officiellement leur fils.
Mère et fille sont venues s'installer à Montréal, alors que Reza restait en Iran avec le garçon pour attendre le jugement officialisant l'adoption. Le papier est finalement arrivé en février 2015.
Quelques mois plus tard, Azam déposait devant le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion une demande de parrainage pour l'enfant pour regroupement familial. La demande a été refusée. Aux yeux du Québec, Peiman n'est pas un « enfant à charge » de la famille Jabbari-Bahrami.
Pourquoi ? Le jugement définitif du tribunal iranien officialisant le lien de filiation de l'enfant avec sa nouvelle famille est arrivé après que le couple eut obtenu le statut de résident permanent du Canada.
Selon Québec, même s'il avait commencé ses démarches en Iran, le couple aurait dû reprendre le processus d'adoption au complet auprès d'un organisme québécois en arrivant au pays. Le hic : aucun organisme de chez nous n'a la permission de faire des adoptions en Iran.
« On tourne en rond, déplore la maman. Le gouvernement ne reconnaît pas que Peiman est notre fils et on ne peut pas l'adopter à partir d'ici. On est coincés. »
Un enfant inquiet
Il y a quelques mois, Azam s'est présenté devant une juge, espérant faire infirmer la décision du gouvernement. Elle avait avec elle une lettre manuscrite écrite en langue perse par l'enfant.
« Bonjour, monsieur le juge. S'il vous plaît, laissez-moi venir au Canada et me sauver d'Iran le plus vite possible pour que je puisse vivre avec ma chère soeur et mes parents. Ils me manquent beaucoup. Quand je viendrai au Canada, je pourrai manger la délicieuse nourriture de ma mère. »
La juge a donné raison au gouvernement. Le type d'adoption ainsi que sa date l'empêchent de reconnaître Peiman comme un membre de la famille, notamment parce qu'il ne « s'agit pas d'une adoption reconnue en droit québécois ».
« Il faut souligner ici l'absolue bonne foi de la requérante et de son conjoint dans toute cette affaire, de même que leur engagement sincère et entier à l'endroit de cet enfant à qui ils veulent offrir un foyer et les meilleures chances de réussite », note la magistrate.
Entre-temps, Reza a dû quitter Téhéran et son fils pour venir rejoindre sa femme et sa fille à Montréal. Il allait perdre son statut de résident permanent, n'ayant pas séjourné au Canada. Depuis, son garçon vit avec sa grand-mère de 74 ans. En septembre, pour la première fois depuis qu'ils l'ont recueilli, ses parents ont manqué sa rentrée scolaire. « Il est allé tout seul à l'école. Les autres parents étaient là pour prendre des photos et notre fils, lui, était seul », dit Azam.
Sa soeur lui parle tous les jours. Ses parents, qui travaillent, le font dès qu'ils le peuvent. « Je ne comprends pas pourquoi mon frère ne peut pas venir. Le Canada a accueilli des milliers de réfugiés syriens, mais pas mon frère. Ce n'est pas juste », laisse entendre Sepideh.
Dans un ultime espoir de réunir la famille, le couple a récemment déposé une demande pour faire venir le garçon en tant qu'étudiant international. Cette fois, Québec a dit oui, mais Ottawa, non. « Ils ont peur que nous n'arrivions pas à le soutenir financièrement », dit la maman.
Ne reste qu'une option : déposer une demande pour motifs humanitaires.
« Je ne veux même pas penser à ce qu'on va faire si ça ne fonctionne pas. Il faut que ça marche », dit Azam.
Ce qu'en dit le ministère
Le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion refuse de commenter ce cas précis. « Dans un contexte plus global, il faut savoir que l'adoption internationale, soit celle d'un enfant domicilié à l'étranger par une personne domiciliée au Québec, est régie par le Code civil du Québec, explique la porte-parole Karine Baribeau. Ce dernier prévoit que les démarches en vue de l'adoption internationale d'un enfant doivent être effectuées par un organisme agréé par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Le Code civil prévoit également que tout jugement d'adoption étranger doit être reconnu par un tribunal québécois. Le Ministère, par conséquent, n'a d'autre choix que de refuser les demandes d'engagement qui ne respectent pas les règles du Code civil du Québec. »