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jeudi, novembre 17, 2016

CHSLD: 175 patients pour une infirmière

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Publié le 17 novembre 2016 à 05h00 | Mis à jour à 05h00
En soins palliatifs au CHSLD Saint-Augustin de Beauport, René Bélanger... (Photo Mathieu Bélanger, collaboration spéciale)
PHOTO MATHIEU BÉLANGER, COLLABORATION SPÉCIALE
En soins palliatifs au CHSLD Saint-Augustin de Beauport, René Bélanger a reçu à à cinq reprises une dose de Dilaudid deux fois trop concentrée le 21 septembre 2015.

Lorsqu'une seule infirmière en titre doit s'occuper de 175 résidants d'un CHSLD, les erreurs sont probables : c'est la conclusion de l'enquête d'une coroner sur la mort d'un patient survenue l'automne dernier à Québec.
Confrontée à de multiples urgences, la professionnelle « surchargée » s'est trompée dans le dosage d'un puissant narcotique injecté à René Bélanger, 50 ans, en soins palliatifs. Son syndicat dénonce une surcharge de travail et montre du doigt les décisions du ministre de la Santé. La mère du défunt tire les mêmes constats : « Ça n'avait plus de bon sens le manque de ressources. » Le système de santé, lui, jure faire de son mieux.
« Surcharge de travail »
René Bélanger, un homme lourdement handicapé de 50 ans, était déjà à la toute fin de sa vie le soir du 21 septembre 2015 au CHSLD Saint-Augustin de Beauport lorsque l'infirmière responsable lui a donné à cinq reprises une dose de Dilaudid deux fois trop concentrée. Une erreur qui n'a « probablement pas contribué au décès », selon la coroner Mélanie Laberge, mais « qui aurait pu être mortelle » dans un autre cas. S'est ajoutée une autre erreur dans l'inscription au dossier.
La coroner ne blâme pas l'infirmière. Le problème est ailleurs, selon elle. « La cause principale des erreurs ce soir-là semble être la surcharge de travail », écrit Mme Laberge dans son rapport.

« Différentes urgences » simultanées
L'infirmière en question était « seule responsable d'environ 175 patients » lourdement atteints. Elle était appuyée par des infirmières auxiliaires et des préposés (respectivement 7 et 12), mais reste « la seule qui soit autorisée à évaluer les patients et à modifier un traitement », travail auquel s'ajoutent « des tâches de gestion ».
Une autre infirmière dans le même édifice avait une charge « similaire ».
Et quand « différentes urgences se sont présentées simultanément », la surcharge était inévitable. « Ce phénomène serait fréquent et peu surprenant compte tenu du très grand nombre de patients lourdement malades admis dans les centres d'hébergement, incluant des malades qui passent en soins palliatifs au moment choisi par leur pathologie », a écrit Mme Laberge. Et « un des symptômes de la surcharge de travail est la survenue d'erreurs ».
« Une course folle »
La mère de René Bélanger, Nicole Mercier, dit avoir vu la dégradation des services aux patients pendant les 28 années que son fils lourdement handicapé a passées dans le CHSLD Saint-Augustin. Surtout depuis « quatre, cinq, six ans », dit-elle.
« L'infirmière avait trois étages à s'occuper, a affirmé la septuagénaire en entrevue téléphonique, prenant bien soin d'indiquer qu'elle ne blâmait pas cette personne. C'est une course folle. Elle en a toujours deux qui partent en même temps. »
« C'est illogique, a continué Mme Mercier. Ça n'a pas de bon sens. » Elle trouve la force de blaguer : « Ça lui aurait pris des patins à roulettes » à l'infirmière, a-t-elle dit.
« Le droit de bien finir »
Régine Laurent est présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, qui représente notamment l'infirmière au centre du dossier. « Une infirmière pour 175 patients, ça fait peur », a-t-elle dit en entrevue avec La Presse. « C'est vraiment dans les ratios très élevés que j'ai entendu. C'est terrible. »
Les infirmières auxiliaires et les préposées ne peuvent pas poser certains gestes qui deviennent critiques dans les dernières heures de vie d'un patient, a indiqué Mme Laurent. « Ça prend une infirmière pour prendre un certain nombre de décisions. » Et « les gens ont le droit de bien finir leur vie », a-t-elle ajouté. Son organisation faisait justement une sortie hier pour réclamer une diminution des ratios patients/infirmière dans le système de santé.
Un ratio de 1 pour 100
Au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale, on affirme organiser le travail pour plutôt atteindre un ratio maximal de 100 patients par infirmière en titre, sans pouvoir expliquer la situation survenue le jour du décès de M. Bélanger.
Cet objectif existait déjà à ce moment, a confirmé Nathalie Petitclerc, directrice-générale adjointe. « La qualité et la sécurité c'est une priorité, a-t-elle dit. On a plusieurs processus d'amélioration continue, a-t-elle dit. La révision du ratio est en vue de toujours s'améliorer. » « Les compressions budgétaires dans notre établissement n'affectent aucunement l'offre de service à la clientèle », a-t-elle ajouté.
Mme Petitclerc a souligné à plusieurs reprises l'absence de lien entre l'erreur de l'infirmière et le décès de M. Bélanger.
Deux recommandations
La coroner Laberge fait deux recommandations en fin de rapport. Même si elle montre du doigt la surcharge de travail, elle conseille tout de même au CIUSSS de la Capitale-Nationale de mettre en place « des formations et des outils » destinés aux infirmières quant au calcul d'une dose de médicament.
Elle demande aussi au CIUSSS d'accepter de « diminuer les ratios de patients par infirmière ».
« Nous allons donner suite à ces recommandations », a répondu Nathalie Petitclerc au nom de l'organisation.

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