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vendredi, février 19, 2016

Conseil national du PQ: des militants veulent une volonté de lutter contre les paradis fiscaux


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Publié le 19 février 2016 à 04h30 | Mis à jour à 06h47
Le chef du PQ, Pierre Karl Péladeau, n'est... (PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE)
PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE
Le chef du PQ, Pierre Karl Péladeau, n'est pas contre l'idée de régir les paradis fiscaux, croit Raymond Archambault, président du parti. Ce dernier ajoute par contre : « Mais c'est une réalité internationale ! »

Denis Lessard
DENIS LESSARD
La Presse
(Québec) Petit pied de nez au chef péquiste Pierre Karl Péladeau, des militants du PQ proposeront que leur parti réaffirme son engagement en matière d'élimination des paradis fiscaux, au Conseil national de la fin de février, à Trois-Rivières.
L'exécutif de Marguerite-Bourgeoys, une circonscription « orpheline », dans le jargon du parti, et qui n'a donc pas de député péquiste, a inscrit deux résolutions qui seront soumises au débat des quelque 400 délégués péquistes attendus. En l'absence d'un député pour les surveiller, les circonscriptions orphelines ont davantage tendance à avancer des propositions susceptibles de faire grincer des dents à la permanence.
Les dirigeants du PQ ont toutefois bien d'autres chats à fouetter. Le bilan financier du parti qui sera distribué à Trois-Rivières montre que le parti amorce l'année avec un déficit de 2 millions qui ne sera pas totalement résorbé en 2018, la prochaine année électorale - il restera encore 1,4 million inscrit à l'encre rouge -, même si chaque année le nouveau régime de financement des partis assure au PQ des rentrées de 2,4 millions de fonds publics.
Deux semaines après une série de reportages indiquant que lorsqu'il faisait des affaires, Pierre Karl Péladeau avait toléré que Quebecor World utilise des paradis fiscaux afin d'éviter des impôts au Québec et au Canada, les militants réclament une nouvelle profession de foi de leur parti, selon le document obtenu par La Presse.
« Il est proposé que le Conseil national réaffirme que l'évitement fiscal, notamment par l'utilisation de paradis fiscaux, constitue une atteinte à la justice sociale qui doit être dénoncée et combattue afin que chaque citoyen et chaque entreprise paie sa juste part d'impôts permettant de financer les programmes et les services de l'État », propose Marguerite-Bourgeoys.
Dans une autre proposition, on demande aux députés péquistes « de faire pression sur le gouvernement afin que celui-ci mette en place une stratégie agressive de lutte contre l'utilisation des paradis fiscaux par les entreprises faisant affaire au Québec ». Les entreprises qui évitent ainsi de payer de l'impôt devraient être privées de contrats gouvernementaux, et les ordres professionnels, les avocats et les comptables devraient prévoir des sanctions pour leurs membres qui contribuent à mettre en oeuvre ces stratagèmes.
« Je doute fort que M. Péladeau vote contre ça. Je ne pense pas que ce soit pour faire un pied de nez au chef, il n'est pas contre cette idée de régir les paradis fiscaux, mais c'est une réalité internationale ! », estime Raymond Archambault, président du PQ.
M. Archambault se refuse à commenter l'enquête de La Presse qui révélait que Quebecor World avait eu recours à des filiales offshore quand M. Péladeau était numéro deux puis numéro un du géant mondial de l'imprimerie.
Selon l'enquête de La Presse, l'imprimeur Quebecor World a créé 10 entités de 1998 à 2004 en Suisse, au Luxembourg et en Islande, trois pays où l'entreprise n'avait pas d'usine à l'époque où M. Péladeau en était l'un des principaux dirigeants. L'émission Enquête de Radio-Canada a aussi trouvé une dizaine d'entreprises dans les paradis fiscaux « qui semblent avoir un lien » avec Québecor, mais l'entreprise conteste l'existence de ces liens. Québecor dit ne pas avoir créé de sociétés dans des paradis fiscaux, précisant avoir hérité de « compagnies enregistrées dans de tels territoires » mais n'avoir « jamais bénéficié d'avantages fiscaux relativement [à ces entreprises] et les a toutes démantelées, sans exception, au fil du temps ».
Finances difficiles
Cheville ouvrière du financement des partis par les fonds publics, le PQ se retrouve clairement à l'étroit avec des campagnes de financement où le plafond de contribution a été fixé à 100 $. La campagne de financement de 2015 s'était fixé un objectif de 1,5 million - or on n'a récolté que 1,1 million. Il a fallu freiner la machine quand le Bloc québécois a entrepris de solliciter lui aussi les souverainistes pour financer sa campagne électorale.
« Dans l'histoire du parti, il y a toujours eu une dette qui monte ou descend. Elle est peut-être plus importante dans les dernières années », convient M. Archambault. « Le fait qu'on ait eu 27 % des voix en 2014, contre 32 % aux élections précédentes, a réduit de 500 000 $ par année la redevance de l'État », explique-t-il.
« La permanence a dû changer son train de vie, même s'il n'y avait pas d'excès », affirme Raymond Archambault.
Il a fallu rapidement réduire du tiers les permanents à Montréal : huit personnes ont été mises à pied. Même si le PQ aura encore un déficit de 1,4 million en 2018, il pourra sans problème emprunter les fonds nécessaires à sa campagne.
Le chef du PQ, Pierre Karl Péladeau a, lui, davantage de problèmes à financer sa campagne. Non qu'il manque d'argent, mais sa contribution à sa propre campagne à la direction du PQ ne pouvait excéder 500 $, rappelle Julie Saint-Arnaud, du Bureau du directeur général des élections.
Le problème est que l'on doit trouver des « contributeurs » pour justifier 100 000 $ de dépenses réalisées pour préparer le vote du 17 mai 2015, où M. Péladeau a été élu chef. Il a théoriquement un an pour déposer des états financiers complétés, mais il peut jouir d'un délai de grâce supplémentaire de 12 mois, explique Mme Saint-Arnaud. Même au bout de cette échéance, le chef péquiste pourrait demander une prolongation de 12 mois supplémentaires, plus de temps qu'il n'en faut, donc, pour identifier des donateurs.
- Avec la collaboration de Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse