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Les liens ethniques tissés par Boko Haram dans les régions du nord-est du Nigeria et la corruption endémique dans le pays sont les meilleurs alliés des rebelles islamistes malgré les récentes victoires des forces de sécurité.
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Les liens ethniques tissés par Boko Haram dans les régions du nord-est du Nigeria et la corruption endémique dans le pays sont les meilleurs alliés des rebelles islamistes malgré les récentes victoires des forces de sécurité.
La plupart des 1.500 morts enregistrés depuis la prise de fonctions du président Muhammadu Buhari fin mai ont été tués dans des attentats dans le nord-est du pays, berceau du groupe.
Boko Haram, affilié à l'organisation Etat islamique (EI), a aussi perpétré des attentats dans les régions frontalières du Cameroun, du Tchad et du Niger.
La rébellion, qui veut instaurer un Etat islamique rigoriste dans le nord-est du pays, a fait au moins 17.000 morts et 2,6 millions de déplacés depuis 2009.
Mais c'est Maiduguri, la capitale de l'Etat de Borno où Boko Haram a été fondé en 2002, qui paie le plus lourd tribut: environ 170 personnes y sont mortes depuis septembre dans des attentats suicide ou à la bombe.
- Sentiment d'appartenance -
Pour Dauda Mande, un chef coutumier local, la plupart des rebelles appartiennent à l'ethnie Kanuri, majoritaire dans la région et au-delà des frontières.
"Cela donne à Boko Haram une sorte de protection à cause du sentiment d'appartenance", la population étant moins encline à dénoncer ceux qui passent les frontières, explique-t-il à l'AFP.
A Maiduguri, le kamikazes se sont infiltrés depuis les villages environnants où ils trouvent un refuge, abonde Babakura Kolo, membre d'une milice citoyenne qui vient en aide à l'armée pour sécuriser la ville.
L'armée accuse aussi, sans divulguer de noms, "certains individus et groupes politiques connus" de Borno et de la région de "parrainer" le groupe jihadiste, pour saboter les opérations de sécurité "à des fins personnelles".
Boko Haram doit aussi sa longévité à la corruption, autre fléau national, notamment lors de son offensive en 2014 face à une armée impuissante.
La semaine dernière, le président Buhari révélait les grandes lignes d'un rapport d'enquête qui évoquait des contrats frauduleux passés par l'armée - armes, munitions, avions, hélicoptères...- entre 2007 et 2015 et portant sur plusieurs milliards de dollars.
Selon M. Buhari, "ces malversations ont eu lieu à un moment où l'armée combattant l'insurrection dans le nord-est avait un besoin désespéré d'équipements et de munitions".
Selon Abudullahi Wase, un analyste spécialiste de la sécurité et expert du conflit, il est "évident" que des militaires ont été ou sont encore liés à Boko Haram pour gagner de l'argent.
- Des armes et des hommes -
Ces derniers mois, le Nigeria a affirmé avoir détruit des camps de Boko Haram dans le nord-est, saisi des armes et des munitions et découvert des atelier de fabrication de bombes. Insuffisant toutefois pour couper la chaîne de livraison en armes et en hommes.
Les armes passent facilement les frontières poreuses du pays depuis la Libye livrée au chaos et les routes de contrebande dans le Sahel.
Les rebelles ont aussi un butin de guerre pris aux militaires: fusils d'assaut, grenades, lance-roquettes RPG, et même des véhicules blindés.
Pour alimenter son réservoir de combattants, le groupe a utilisé la conscription forcée d'hommes et d'enfants, tout en forgeant des alliances avec les groupes ethniques Buduma et Kalumba au Tchad, affirme Khalifa Dika, ancien professeur à l'université de Maiduguri.
"Boko Haram a une armée de volontaires venus du Tchad qui rejoignent ses rangs pour prendre une part du butin des raids", explique-t-il.
Le groupe rebelle "peut ainsi remplacer facilement les combattants tués par les forces armées", dit-il.
Le président Buhari a donné ordres aux forces armées de mater les jihadistes d'ici la fin de l'année. Mais selon des hauts responsables des forces de sécurité, cet ultimatum est "intenable" et "irréaliste", compte tenu de la "guerre asymétrique" des rebelles qui visent surtout la population civile.
En septembre, le président a précisé à l'AFP que la priorité était l'arrêt des attaques "conventionnelles", avec des véhicules volés à l'armée ou équipés de mitrailleuses.
"Nous ne nous attendons pas à un arrêt à 100% de l'insurrection", a-t-il reconnu.