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vendredi, octobre 23, 2015

Jean Leloup nous ouvre les portes de son paradis

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Mise à jour le vendredi 23 octobre 2015 à 5 h 44 HAE
Jean Leloup au Métropolis
Jean Leloup au Métropolis  Photo :  ICI Radio-Canada

Jean Leloup est apparu au sommet d'une passerelle de métal, poing en l'air et guitare en bandoulière, sur les mesures de Le roi est mort, jeudi, au Métropolis, tel un monarque ressuscité qui n'avait qu'à descendre quelques marches pour renouer avec ses sujets.
Une critique de Philippe RezzonicoTwitterCourriel
Près de trois heures plus tard, il concluait son spectacle au troisième rappel sur cette même passerelle en interprétant Je joue de la guitare, cette fois, au-dessus d'une partie de son public en délire. Qu'il se nomme John the Wolf, Johnny Guitar ou le Roi Pompon ou qu'il soit à Alger, à Barcelone ou à Paradis City importe peu. Quand il affiche une telle forme, Jean Leloup est impérial.
Pour être franc, à ce moment, dans le Métropolis surchauffé, nous avions pas mal oublié la proposition artistique de départ de ce spectacle intitulé Splendeur et chute de Paradis City, avec Jean Leloup et son orchestre, référence au disque Jean Leloup à Paradis City, écoulé à plus de 85 000 exemplaires. Et pour cause.
Primo, parce qu'orchestre, point il n'y avait. Un guitariste (Leloup), un claviériste (David Mobio), un batteur (Alain Bergé) et cinq cordes, ce n'est pas un orchestre. On appelle ça un trio avec une section de cordes...
Leloup nous avait fait le même coup dans la même salle lors des FrancoFolies de 2003 en annonçant le Jean Leloup Big Band qui était en réalité un quatuor rock augmenté de quatre cuivres et autant de choristes. Nous étions loin du Big Band de Brain Setzer. Avec Leloup, il faut parfois se méfier des appellations contrôlées.
On avait aussi quelque peu oublié Paradis City, parce Leloup a voulu nous rappeler qu'il avait bel et bien existé bien avant de créer ce nouvel univers. Il a tellement de chansons fédératrices au sein de son répertoire, que nous avions parfois l'impression d'être présents à un spectacle de grands succès.
Les bombes
Le premier quart d'heure du marathon musical nous a ramené dans le passé avec Barcelone,IsabelleLe Dôme et EdgarIsabelle, que Leloup avait juré de ne plus interpréter sur scène quand il accordait des entrevues à la parution de Mexico (2006)... Personne ne lui en a voulu. Cela dit, une section de cuivres convient mieux qu'une section de cordes pour cette chanson.
Bien sûr, on n'a pu éviter les écueils des soirs de première : la voix de Leloup était peu audible lors des deux premiers titres et la guitare se perdait parfois dans le mix. En dépit de ces bémols, le constat était limpide : tant les spectateurs de la génération de Leloup que les jeunes dans la vingtaine et trentaine qui m'entouraient au milieu du parterre étaient des inconditionnels. Comprendre, ils chantaient presque toutes les paroles de presque toutes les chansons, incluant les nouvelles. Petit papillon et Willie ont eu droit à un accueil digne des monuments.
Si ce fut laborieux pour Isabelle, la section de cordes composée de Martin Roy (contrebasse), de Shonna Angers (1er violon), d'Edith Fitzgerald (2e violon), de Sarah Martineau (alto) et de Camille Paquette-Roy (violoncelle) a magnifiquement enrobé les récents titres et donné un nouveau souffle aux vieux tubes.
Le contrepoint cordes-guitare durant la mordante Paradis Perdu était du tonnerre, Fashion Victimavait des couleurs inédites et le doublé Le monde est à pleurer/Faire des enfants a envoyé tout le monde à l'entracte avec le sentiment que quelque chose de géant se préparait.
Leloup habité
Vêtu de noir et coiffé de son chapeau blanc, Leloup, habité comme jamais, exultait. En fait, il irradiait littéralement de bonheur, ce qui cadrait parfaitement avec le décor lumineux (soleil, lune, marguerites, nuages blancs) concocté par Yves Archambault.
Vielle France, avec sa splendide finale de cordes, a été le tremplin idéal pour une version desFourmis complètement déchaînée. Au milieu parterre, la danse, la bière, la sueur et même la bousculade se partageaient la vedette. Une véritable ambiance de rock n' roll vielle école entre jeunes et moins jeunes. Grisant.
Au terme de cette interprétation, on a vu Leloup sautiller comme un gamin tandis qu'une clameur monstre faisait vibrer le Métropolis. Comme si le chanteur se disait: « Oui! Oui! Ça fonctionne encore! ». L'ai-je déjà vu aussi heureux? Je ne pense pas. L'amour est sans pitié, qui a vu Leloup remonter sur sa passerelle, a fait basculer la salle comble dans la liesse.
Qui d'autre que Leloup peut se permettre d'enchaîner trois nouvelles chansons (Retour à la maisonFlamants RosesLe roi se meurt) après avoir joué ses succès sans faire fuir la foule vers la sortie? Et pourtant, nulle baisse d'intérêt, comme si chaque spectateur était un acheteur du nouveau disque et venait impérativement pour l'entendre.
Après une version dynamitée de Paradis City pour conclure le programme officiel, Leloup a replongé au rappel dans un autre album fétiche, Le Dôme, afin d'offrir coup sur coup Pigeon et La Chambre. Ironiquement, le disque de 1996 a eu droit à presque autant de chansons (8) au menu que Paradis City (9). Puis, La vie est laide n'a, finalement, jamais été aussi belle, lorsque magnifiée des violons, et ce, sans perdre un iota de puissance brute. Ça touchait le ciel, cette version.
Terminé? Non. Après une deuxième sortie, c'est Sang d'encre qui a droit à une interprétation où les cordes jouaient en pizzicato. Vachement joli. C'est à ce moment que Leloup est remonté sur sa passerelle qui a pivoté à 180 degrés pour l'installer au-dessus du public, tel un marin à la proue d'un navire.
Une passerelle pour Jean Leloup
Une passerelle pour Jean Leloup  Photo :  ICI Radio-Canada

L'artiste, souriant à belles dents, s'est assis et il s'est glissé entre les barreaux de sa tourelle, comme si nous étions en bivouac. Il est rare que quiconque arrive à recréer l'ambiance intimiste du Spectrum dans le Métropolis. Mais là, nous y étions. Le public a eu droit à un bout dePersonne II et à des versions épurées des nouvelles Feuille au vent et Les bateaux. Pas assez? O.K. Voilà, Je joue de la guitare.
Cette fois, il était temps que Johnny s'arrête, avec plus de 20 prestations à venir de son spectacle collectif et de son spectacle solo, à Montréal et à Québec.
D'ailleurs, deux nouvelles supplémentaires (5 et 6 février) ont été annoncées pour le Métropolis. Le brasier de jeudi soir n'était, en définitive, qu'un prélude à un automne et à un hiver plus chauds que la normale.