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PHOTO ARCHIVES / AGENCE QMI |
Il y aura bientôt deux élections partielles dans la région de Québec et le PQ n’est pas dans la course. Il est vaincu avant même d’avoir mené bataille. Ses leaders le reconnaissent aisément. Ils ne se font pas d’illusion. Certains y voient du défaitisme. On devrait plus justement parler de lucidité. Elle ne fait pas de mal à condition d’être sans compromis et de s’accompagner d’une question brutale : comment le PQ est-il devenu une formation à peu près inexistante dans une région à peu près à 100% francophone? Comment en est-il venu à considérer Chauveau comme Westmount?
Certains diront que la région de Québec n’a jamais été une terre fertile pour le PQ. C’est vrai. Au référendum de 1995, elle n’a pas voté aussi clairement que le reste du Québec francophone pour la souveraineté. Chose certaine, elle n’y était pas massivement opposée. Et le PQ, sans exercer une hégémonie politique dans la région, n’était pas considéré comme un parti de pestiférés. Celui qui se présentait pour le PQ n’avait pas l’impression d’embrasser une cause perdue et de se jeter dans la fosse aux lions. Il pouvait espérer gagner, pour peu que son parti fasse une bonne performance nationale.
Mais on l’a dit, il n’en est plus ainsi. Et ce constat n’est pas nouveau. Le vieux fond conservateur de cette région remonte aujourd’hui à la surface – il faut par ailleurs le distinguer du loyalisme fédéraliste d’une partie des élites de la capitale. Au milieu des années 2000, le Bloc Québécois avait déjà noté, dans le fameux rapport Alarie, qu’une part significative du Québec francophone, associé aux régions rurales ou aux villes moyennes, ne se reconnaissait pas dans le progressisme culturel et social auquel adhèrent massivement les élites souverainistes. On constatait, autrement dit, qu’entre les valeurs officiellement défendues par la direction souverainiste et celles définissant de grands pans de la société québécoise, une béance était de plus en plus manifeste.
Une explication facile revient souvent : on parle des radios de Québec qui conditionneraient la population de la région contre le PQ. De fait, elles jouent un grand rôle dans la définition de l’espace public régional, et elles cultivent à bien des égards un populisme droitier ressentimenteux contre les élites associées à la Révolution tranquille et au modèle québécois. On doit évidemment éviter de caricaturer de telles radios, mais on conviendra qu’elles ne s’aident pas. Une chose est certaine : la perspective souverainiste y est absente. À terme, elle disparait du paysage mental de la région.
Mais si ces radios sont aussi efficaces, si elles ne parlent pas dans le vide, c’est aussi qu’elles font écho à la lutte des classes invisibles qui se mène dans la région de Québec, et qui met en opposition ceux qui tirent avantage du modèle québécois et ceux qui, à tort ou à raison, s’en sentent exclus en plus d’avoir l’impression de financer les privilèges des premiers. Le fait est que le modèle québécois mérite certainement un examen complet, car il a produit lui-même ses propres injustices.
On peut poser la chose autrement: la région de Québec est de plus en plus à droite alors que le mouvement souverainiste s’entête à se camper à gauche, la plupart des candidats, dans l’actuelle course à la chefferie, rappelant que leur parti est aussi indépendantiste que social-démocrate. Les souverainistes ont tellement répété que le nationalisme québécois devait être de gauche ou ne pas être qu’une partie importante de la population les a cru: ils ne sentent pas de gauche donc ils ne seront pas nationalistes. À trop associer la nation à une idéologie particulière, on chasse de la nation ceux qui n’adhèrent pas à cette idéologie.
Une évidence saute pourtant aux yeux : les souverainistes ne peuvent pas espérer faire l’indépendance en ayant contre eux à la fois la métropole et la capitale. On pourrait même dire qu’un parti nationaliste québécois qui s’avoue vaincu dans un comté à peu près exclusivement francophone est condamné, tôt ou tard, au déclassement politique et historique. Le PQ devra se réenraciner à Québec, il devra en faire une terre de mission. Il devra s’ouvrir aux valeurs de cette région, à sa sensibilité politique aussi. Il devra pour cela se trouver, en quelque sorte, un nouveau Jean Garon, capable de réconcilier la raison d’être de son parti avec la culture politique de la capitale et de sa rive-sud. Cela fera partie des missions du prochain chef de la formation souverainiste.