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Publié par La Presse Canadienne le jeudi 30 avril 2015 à 18h36.
OTTAWA — L'armée canadienne doit s'attaquer à un ennemi au sein de ses propres rangs. La culture de sexualisation «hostile» aux femmes et aux minorités sexuelles nécessite une intervention «directe et soutenue», conclut un rapport rendu public jeudi.
Le document produit par l'ancienne juge de la Cour suprême du Canada Marie Deschamps est accablant pour les Forces armées canadiennes (FAC).
Il souligne à gros traits à quel point l'armée a échoué à protéger ses propres membres en tolérant une «culture sous-jacente de la sexualisation».
Les dénonciations sont peu fréquentes car «bon nombre pensent qu'il est permis de voir le corps des femmes comme un objet, de faire des blagues non sollicitées et blessantes à propos de relations sexuelles avec des femmes militaires», est-il écrit dans le document.
Cette réticence à dénoncer le harcèlement sexuel ou les agressions sexuelles est exacerbée par le fait que la chaîne de commandement «ignore» ou «tolère» ce type de comportement, explique l'ex-juge Deschamps.
Quand les victimes présumées brisent le silence, elles se butent à des procédures administratives trop longues et trop lourdes, au cours desquelles elles doivent parfois confronter la personne qui les a harcelées.
Au fil des quelque 700 entrevues réalisées entre juillet et décembre 2014, il est ainsi devenu «rapidement évident» qu'un pourcentage élevé de cas de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle ne sont pas signalés, peut-on lire dans le rapport.
Et quand une plainte de harcèlement sexuel est considérée comme étant légitime, la sanction imposée au coupable semblait «dérisoire» et «inefficace» — une «tape sur les doigts», écrit Marie Deschamps.
En revanche, les plaignants qui persistent dans leur démarche «s'exposent à des conséquences négatives, notamment voir leur avancement professionnel compromis, et être stigmatisés et ostracisés».
Les FAC doivent donc donner un sérieux coup de barre afin de corriger la situation.
Elles pourront notamment parvenir à changer la «culture de sexualisation» qui règne en améliorant l'intégration des femmes, entre autres parmi les militaires occupant un poste d'officier supérieur.
Car «il y a un lien indéniable entre l'existence d'une culture organisationnelle hostile, caractérisée par le manque de respect envers les femmes et leur dénigrement, et l'intégration peu réussie des femmes au sein de l'organisation», précise-t-on dans le rapport.
En tout, dix recommandations sont contenues dans le document comptant près de 90 pages.
Les FAC disent «accepter» les deux portant sur l'admission du problème et le besoin d'élaborer une stratégie «qui produira un changement de culture».
Les huit autres sont «acceptées en principe».
Parmi elles se trouve celle que l'ex-juge Marie Deschamps a présentée comme étant cruciale à ses yeux: la création d'un organisme externe qui serait notamment chargé de recueillir et de traiter les signalements.
«Il est essentiel qu'un tel centre soit véritablement indépendant des Forces armées pour faire en sorte que les victimes (...) pourront avoir accès à un soutien sans que cela n'entraîne des conséquences négatives pour leur carrière ou leur vie personnelle», a-t-elle insisté en conférence de presse au quartier général du ministère de la Défense.
Le chef d'état-major de la défense, le général Tom Lawson, n'a pas voulu s'engager clairement à aller dans cette direction.
« Nous devons étudier ce qui est légal en fonction de notre système, ce que le gouvernement attend de nous, ce que le chef d'état-major de la défense attend de sa chaîne de commandement», a-t-il plaidé.
«Il s'agit probablement de la recommandation la plus complexe des dix (...) mais nous comprenons l'objectif poursuivi, qui est d'offrir un système différent, une voie différente» pour les victimes, a ajouté le général Lawson.
Le rapport Deschamps a été commandé après que le magazine L'actualité eut publié des reportages explosifs qui concluaient que les cas d'agressions sexuelles dans l'armée atteignaient aujourd'hui une fréquence sans précédent.
Lors de son témoignage devant un comité des Communes, en mai dernier, le général Lawson avait dénoncé toute inconduite sexuelle et s'était dit troublé par les allégations.
Mais il avait refusé d'adhérer à la thèse selon laquelle la violence sexuelle et le harcèlement font partie intégrante de la culture militaire.
Confronté au verdict sans appel de l'ancienne juge Marie Deschamps, jeudi, il s'est dit «troublé» par les révélations entourant la culture qu'ont dû subir les victimes.
Après avoir esquivé les questions entourant la possibilité que l'armée canadienne puisse présenter ses excuses, il a cédé le micro à l'adjudant-chef Kevin West, qui prenait place à ses côtés lors de la conférence de presse.
«Comme adjudant-chef, moi, je peux prendre la responsabilité pour les militaires du rang, je m'excuse pour la conduite de certaines de nos personnes à l'intérieur des Forces armées canadiennes», a-t-il laissé tomber.
Pour le député libéral David McGuinty, il revient au gouvernement Harper de présenter des excuses aux membres des Forces armées qui ont été victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle.
Et ces excuses devraient venir du premier ministre Stephen Harper lui-même, de ses anciens ministres de la Défense et de celui qui est actuellement en poste, Jason Kenney, a-t-il dit.
«M. Harper et son gouvernement disent depuis tout le début qu'ils ne sont jamais responsables. Dans n'importe quel domaine, c'est jamais la faute du gouvernement», a déploré M. McGuinty en point de presse dans le foyer des Communes.
Le gouvernement devra effectivement rendre des comptes, mais l'armée a un sérieux examen de conscience à faire, a pour sa part fait valoir le porte-parole néo-démocrate en matière de défense, Jack Harris.
Il s'est montré particulièrement cinglant à l'endroit de l'appareil militaire, qui «échoue clairement à traiter ceci comme une crise majeure de droits humains et de droits des femmes» et dont les hauts gradés «n'arrivent clairement pas à accepter» qu'ils ont des choses à se reprocher.
L'avocat Michel Drapeau, qui a représenté l'une des victimes qui s'était confiée au magazine L'actualité, l'ex-caporale Stéphanie Raymond, n'est pas plus tendre à l'endroit des Forces armées canadiennes.
Il juge que l'armée a «mis des menottes» à «une personne de calibre» comme l'ex-juge Deschamps en lui demandant de produire un rapport dans un cadre restrictif.
«Elle n'avait pas le droit de regarder les opinions juridiques du juge-avocat général (...), elle n'avait pas le droit de regarder la police militaire, pas le droit de regarder les tribunaux militaires, et c'est justement là qu'est le problème», a exposé Me Drapeau en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.
«L'armée vient de faire un mea culpa public en demandant aux Canadiens de lui faire confiance (...) mais moi, je n'ai tout simplement pas confiance (que les choses changeront)», a conclu l'avocat.
Il souligne à gros traits à quel point l'armée a échoué à protéger ses propres membres en tolérant une «culture sous-jacente de la sexualisation».
Les dénonciations sont peu fréquentes car «bon nombre pensent qu'il est permis de voir le corps des femmes comme un objet, de faire des blagues non sollicitées et blessantes à propos de relations sexuelles avec des femmes militaires», est-il écrit dans le document.
Cette réticence à dénoncer le harcèlement sexuel ou les agressions sexuelles est exacerbée par le fait que la chaîne de commandement «ignore» ou «tolère» ce type de comportement, explique l'ex-juge Deschamps.
Quand les victimes présumées brisent le silence, elles se butent à des procédures administratives trop longues et trop lourdes, au cours desquelles elles doivent parfois confronter la personne qui les a harcelées.
Au fil des quelque 700 entrevues réalisées entre juillet et décembre 2014, il est ainsi devenu «rapidement évident» qu'un pourcentage élevé de cas de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle ne sont pas signalés, peut-on lire dans le rapport.
Et quand une plainte de harcèlement sexuel est considérée comme étant légitime, la sanction imposée au coupable semblait «dérisoire» et «inefficace» — une «tape sur les doigts», écrit Marie Deschamps.
En revanche, les plaignants qui persistent dans leur démarche «s'exposent à des conséquences négatives, notamment voir leur avancement professionnel compromis, et être stigmatisés et ostracisés».
Les FAC doivent donc donner un sérieux coup de barre afin de corriger la situation.
Elles pourront notamment parvenir à changer la «culture de sexualisation» qui règne en améliorant l'intégration des femmes, entre autres parmi les militaires occupant un poste d'officier supérieur.
Car «il y a un lien indéniable entre l'existence d'une culture organisationnelle hostile, caractérisée par le manque de respect envers les femmes et leur dénigrement, et l'intégration peu réussie des femmes au sein de l'organisation», précise-t-on dans le rapport.
En tout, dix recommandations sont contenues dans le document comptant près de 90 pages.
Les FAC disent «accepter» les deux portant sur l'admission du problème et le besoin d'élaborer une stratégie «qui produira un changement de culture».
Les huit autres sont «acceptées en principe».
Parmi elles se trouve celle que l'ex-juge Marie Deschamps a présentée comme étant cruciale à ses yeux: la création d'un organisme externe qui serait notamment chargé de recueillir et de traiter les signalements.
«Il est essentiel qu'un tel centre soit véritablement indépendant des Forces armées pour faire en sorte que les victimes (...) pourront avoir accès à un soutien sans que cela n'entraîne des conséquences négatives pour leur carrière ou leur vie personnelle», a-t-elle insisté en conférence de presse au quartier général du ministère de la Défense.
Le chef d'état-major de la défense, le général Tom Lawson, n'a pas voulu s'engager clairement à aller dans cette direction.
« Nous devons étudier ce qui est légal en fonction de notre système, ce que le gouvernement attend de nous, ce que le chef d'état-major de la défense attend de sa chaîne de commandement», a-t-il plaidé.
«Il s'agit probablement de la recommandation la plus complexe des dix (...) mais nous comprenons l'objectif poursuivi, qui est d'offrir un système différent, une voie différente» pour les victimes, a ajouté le général Lawson.
Le rapport Deschamps a été commandé après que le magazine L'actualité eut publié des reportages explosifs qui concluaient que les cas d'agressions sexuelles dans l'armée atteignaient aujourd'hui une fréquence sans précédent.
Lors de son témoignage devant un comité des Communes, en mai dernier, le général Lawson avait dénoncé toute inconduite sexuelle et s'était dit troublé par les allégations.
Mais il avait refusé d'adhérer à la thèse selon laquelle la violence sexuelle et le harcèlement font partie intégrante de la culture militaire.
Confronté au verdict sans appel de l'ancienne juge Marie Deschamps, jeudi, il s'est dit «troublé» par les révélations entourant la culture qu'ont dû subir les victimes.
Après avoir esquivé les questions entourant la possibilité que l'armée canadienne puisse présenter ses excuses, il a cédé le micro à l'adjudant-chef Kevin West, qui prenait place à ses côtés lors de la conférence de presse.
«Comme adjudant-chef, moi, je peux prendre la responsabilité pour les militaires du rang, je m'excuse pour la conduite de certaines de nos personnes à l'intérieur des Forces armées canadiennes», a-t-il laissé tomber.
Pour le député libéral David McGuinty, il revient au gouvernement Harper de présenter des excuses aux membres des Forces armées qui ont été victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle.
Et ces excuses devraient venir du premier ministre Stephen Harper lui-même, de ses anciens ministres de la Défense et de celui qui est actuellement en poste, Jason Kenney, a-t-il dit.
«M. Harper et son gouvernement disent depuis tout le début qu'ils ne sont jamais responsables. Dans n'importe quel domaine, c'est jamais la faute du gouvernement», a déploré M. McGuinty en point de presse dans le foyer des Communes.
Le gouvernement devra effectivement rendre des comptes, mais l'armée a un sérieux examen de conscience à faire, a pour sa part fait valoir le porte-parole néo-démocrate en matière de défense, Jack Harris.
Il s'est montré particulièrement cinglant à l'endroit de l'appareil militaire, qui «échoue clairement à traiter ceci comme une crise majeure de droits humains et de droits des femmes» et dont les hauts gradés «n'arrivent clairement pas à accepter» qu'ils ont des choses à se reprocher.
L'avocat Michel Drapeau, qui a représenté l'une des victimes qui s'était confiée au magazine L'actualité, l'ex-caporale Stéphanie Raymond, n'est pas plus tendre à l'endroit des Forces armées canadiennes.
Il juge que l'armée a «mis des menottes» à «une personne de calibre» comme l'ex-juge Deschamps en lui demandant de produire un rapport dans un cadre restrictif.
«Elle n'avait pas le droit de regarder les opinions juridiques du juge-avocat général (...), elle n'avait pas le droit de regarder la police militaire, pas le droit de regarder les tribunaux militaires, et c'est justement là qu'est le problème», a exposé Me Drapeau en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.
«L'armée vient de faire un mea culpa public en demandant aux Canadiens de lui faire confiance (...) mais moi, je n'ai tout simplement pas confiance (que les choses changeront)», a conclu l'avocat.