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jeudi, mars 26, 2015

Grèves étudiantes: je suis pour

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Lise Ravary
J’ai été surprise d’apprendre que certains de mes estimés collègues croient que le droit de grève n’existe pas pour les étudiants. Je ne suis pas d’accord. Ce droit existe de facto depuis des lunes.
Appeler cela une grève ou un boycottage n’a aucune importance, mais un fait demeure: sécher ses cours en protestation contre une décision de l’institution ou pour manifester un appui collectif à une cause sociale fait partie de l’expérience étudiante en Occident depuis... 786 ans.
Mars 1229
La première grève étudiante documentée a débuté à l’Université de Paris, le 27 mars 1229. Elle a été déclenchée par une émeute pendant la semaine de «relâche». La répression fut terrible et des étudiants ont perdu la vie. La grève a duré deux ans. En bout de course, les étudiants ont obtenu gain de cause, soit s’affranchir du contrôle de l’Église.
Toutefois, ils ont appris que sortir victorieux d’un conflit ne garantit aucunement qu’il n’y aura pas un prix à payer. Les universités d’Oxford et de Cambridge en Angleterre ont profité de cette longue grève pour prendre de l’expansion et augmenter leur prestige, au détriment de Paris. Et la grève a mis le Quartier latin à genoux.
Mars 1958
Ce n’est pas d’hier que les étudiants québécois font la grève. La première aurait eu lieu en 1958, sous le régime Duplessis, quand les étudiants des universités de Montréal, Laval, McGill, Bishop’s et Sir George Williams (aujourd’hui Concordia) sont descendus dans la rue pour revendiquer... la gratuité scolaire!
Or, faire la grève, c’est comme faire la guerre : il faut garder la tête froide
Depuis, le Québec a connu une dizaine de conflits étudiants majeurs, plus les petites grèves locales et ponctuelles.
Qui, parmi mes collègues qui doutent du droit de grève pour les étudiants, n’a pas été membre d’une association étudiante militante, fait la grève ou tout au moins applaudi les grands mouvements étudiants comme mai 68 en France qui a changé le cours de l’histoire? Pour ma part, je réponds oui à toutes ces questions. Et en 2012, j’étais contre la cause, pas contre la grève.
Si on ne rêve pas de révolution quand on est jeune, quand le fera-t-on? Il y a une date de péremption sur les t-shirts de Che Guevara.
Mars 2015
Des militants anti-austérité et anti-hydrocarbures rêvent de recréer les conditions gagnantes du printemps érable. Mais cette fois, les centrales syndicales et deux des trois grands syndicats étudiants sont restés à l’écart. Seule l’ASSÉ s’agite sur le bitume, appuyée par des groupuscules anarchistes-communistes-révolutionnaires plus intéressés à foutre le bordel qu’à trouver des compromis.
Or, faire la grève, c’est comme faire la guerre: il faut garder la tête froide, bien expliquer les enjeux, s’organiser nickel. Et avoir une stratégie de sortie.
Les imposteurs dans la rue usurpent le droit de grève des étudiants pour, dans leur délire, renverser le capitalisme. Ce détournement de légitimité entache l’esprit des mouvements étudiants.
Parmi les excités cagoulés qui s’approprient la rue ces jours-ci, combien sont inscrits dans une maison d’enseignement?
Oui, la grève chez les étudiants est un droit acquis, mais il doit être traité avec respect. Et préférablement balisé.