Le premier ministre Philippe Couillard lors de son discours de clôture du conseil général du PLQ
Le chef libéral Philippe Couillard déplore que le réseau d’éducation francophone soit à la traîne en matière de réussite scolaire et lui enjoint d’imiter le réseau anglophone qui fait beaucoup mieux.
«Nous devons dire à nos amis québécois de langue anglaise que la façon dont ils font les choses, la façon dont ils dirigent leurs commissions scolaires et leurs écoles est la direction à suivre pour tous les Québécois», a déclaré Philippe Couillard dans son discours de clôture du conseil général du Parti libéral du Québec qui réunissait quelque 500 militants.
Le chef libéral a souligné que les commissions scolaires de langue anglaise affichaient un taux de diplomation au secondaire de 85 % alors que les commissions scolaires, sauf exceptions, atteignent des résultats moindres.
Pourquoi les commissions scolaires anglophones et quelques rares commissions scolaires francophones, comme la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys dans l’ouest de l’île de Montréal, font-elles mieux en matière de réussite scolaire ? s’est demandé Philippe Couillard, qui a aussi souligné que l’Ontario obtenait des taux de diplomation supérieurs à ceux obtenus au Québec. «C’est inacceptable», a-t-il dit. L’écart important entre la réussite scolaire des garçons et celle des filles est également «inacceptable», a ses yeux. «Qu’est-ce qui est fait dans ces milieux qui n’est pas fait ailleurs? Est-ce si difficile? Est-ce si compliqué? Non, c’est une question de volonté politique, de courage et de leadership, et on va faire en sorte que ça s’applique pour tous les Québécois et à tous les enfants du Québec», a affirmé le chef libéral devant ses militants.
Ce n’est pas une question de ressources puisque toutes les commissions scolaires disposent de budgets semblables, a précisé Philippe Couillard lors de la conférence de presse qui a suivi. L’engagement de la communauté anglophone dans ses écoles explique en partie leurs bons résultats, a-t-il avancé.
Mieux vaut tard que jamais
Dans son discours, Philippe Couillard a avoué que son gouvernement avait eu tort de s’«égarer dans des chicanes stériles sur les élections scolaires et les structures» pendant deux ans, notamment avec le projet de loi 86 sur la gouvernance des commissions scolaires. Il a parlé de «la réflexion nécessaire qui montre une grande maturité pour une formation politique de reconnaître qu’il faut se concentrer d’abord et avant tout sur la réussite éducative de nos élèves et nos enfants et nous éloigner des débats qui nous écartent des véritables priorités».
En conférence de presse, Philippe Couillard a enterré pour de bon le projet de loi 86. Refusant d’y voir une erreur, il a présenté un mea culpa moins franc que dans son discours. Il a indiqué que certains éléments qu’il contenait — les allocations budgétaires et la responsabilisation des écoles — seront repris dans un autre projet de loi que le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, présentera pour adoption à l’automne.
En matinée dimanche, les militants libéraux ont assisté à la conférence du spécialiste en éducation Égide Royer pour ensuite se pencher sur une résolution-cadre sur l’éducation.
Parmi les propositions étudiées figurent l’implantation graduelle de la maternelle à quatre ans ainsi que l’école obligatoire jusqu’à 18 ans, un prolongement de deux ans que le chef libéral avait dénoncé quand la Coalition avenir Québec l’avait soumis et dont il avait évalué le coût à 250 millions. «La grave erreur, c’est de présenter ça comme l’école obligatoire jusqu’à 18ans. […] C’est [plutôt] l’apprentissage jusqu’à 18ans», a-t-il dit, précisant que cet apprentissage ne ferait pas nécessairement sur les bancs de l’école. Les sommes pour assurer cet apprentissage prolongé ne seront pas soumises au «cran d’arrêt», un concept abandonné à tout le moins dans le cas de l’éducation, et elles seront dégagées graduellement.
La résolution-cadre critique aussi les projets de chambardements de structures. «Alors que les dernières années ont été monopolisées par les questions de structures, de gouvernance et de ressources, trop peu d’efforts ont été déployés autour de ce qui importe le plus, c’est-à-dire l’apprenant, son milieu et les facteurs reconnus pour favoriser sa réussite scolaire», peut-on lire dans le document.
Samedi, les libéraux se sont divisés sur la proposition visant l’économie de partage et Uber, mais aussi sur la création du registre des armes à feu dont une proposition réclamait l’abandon. Elle fut battue de justesse après un débat animé. «Notre parti est le reflet de la société du Québec», s’est félicité le chef libéral.
Écart important
Au cours des cinq dernières années, le taux de diplomation des élèves dont la langue d’enseignement est le français est constamment demeuré inférieur à celui des élèves recevant un enseignement en anglais. Le taux de diplomation représente la proportion d’élèves ayant obtenu un diplôme sept ans après leur entrée au secondaire. Il peut s’agir d’un diplôme d’études secondaires, mais aussi d’autres diplômes ou qualifications professionnelles.
Taux de diplomation selon la langue d’enseignement
Des étudiants se sont mobilisés jeudi à Ottawa pour réclamer une université francophone.
Excédés par l’inaction du gouvernement de Kathleen Wynne, des étudiants et élèves ont tenu jeudi une première journée d’action pour réclamer la création d’une université de langue française en Ontario. Parce que l’époque des compromis a assez duré.
Avec une population de taille similaire, la minorité anglo-québécoise peut se targuer d’avoir trois universités bien à elle. Les francophones de l’Ontario, eux, ont bel et bien accès à des programmes en français, mais dans huit établissements bilingues seulement, pas dans toutes les disciplines ni dans toutes les régions.
La situation est telle qu’encore en 2016, dans le centre-sud-ouest de la province, six élèves francophones sur dix feront leurs études universitaires en anglais plutôt que de s’exiler à Ottawa, Sudbury ou au Québec, selon la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO).
Jeudi, ils étaient 200 sur le parterre de l’Assemblée législative à réclamer leur université. Certains avaient fait près de dix heures de route pour exiger en personne un établissement de brique et de mortier, où tant les cours que la vie sur le campus se dérouleraient en français. Ils étaient des milliers ailleurs à tenir des rassemblements dans leur école.
Malgré de nombreuses avancées sur le plan de l’éducation au cours des dernières décennies, une université unilingue échappe encore et toujours à la minorité. Un élément essentiel pour assurer la survie de la communauté, selon les organismes qui défendent ce dossier. «Parce que l’anglais est majoritaire dans la province, c’est une langue qui vient avant le français dans tous les aspects de notre vie, explique le président de la FESFO, Jérémie Spadafora. En ce moment, je dois choisir entre étudier près de chez moi à Toronto ou déménager à six heures de ma famille, à Ottawa. Si je fréquente l’Université d’Ottawa, mon cours sera en français, quand on sort de la classe, c’est anglophone. La vie étudiante, se faire des amis en français, c’est difficile. Un campus unilingue nous permettrait de vivre et respirer la culture francophone.»
Pas d’avenir sans accès
Dans un rapport dévastateur sur la question, le commissaire aux services en français de la province, François Boileau, rappelait à l’ordre le gouvernement. «Il est urgent d’agir», écrivait-il. C’était en 2012. Depuis, mis à part la création de groupes de travail, bien peu de choses ont changé.
Il soulignait «l’importance de la gouvernance pour et par les francophones» pour répondre au manque actuel d’établissements de langue française, particulièrement dans la région du Grand Toronto, où la population francophone connaît une croissance importante. Laisser la majorité anglophone prendre des décisions pour la minorité s’est rarement soldé par des résultats heureux dans le milieu scolaire. «Quelle est l’incidence de l’offre quasi inexistante de programmes postsecondaires en langue française? La réponse est simple: pas d’avenir sans accès. En d’autres mots, pour la communauté francophone, il s’agit d’une mort lente. Pour l’ensemble de la société, il s’agit d’une triste occasion manquée.»
France Gélinas y connaît quelque chose. «J’étais là quand on n’avait pas d’écoles secondaires francophones, dit la députée néodémocrate de Nickel Belt. J’ai des amis qui ne parlent plus le français parce qu’ils n’ont pu étudier dans leur langue. Et j’en ai d’autres qui ont pu la conserver parce qu’on en a finalement eu, des écoles francophones à Sudbury. On a dû se battre pour les écoles primaires, secondaires, nos conseils scolaires. On a dû se battre pour nos collèges francophones, il y a vingt ans. La communauté franco-ontarienne sait ce qu’elle veut. Elle parle d’une seule voix. On est rendus là.»
Son projet de loi 104 visant la création de l’Université de l’Ontario français a été adopté en 2e lecture, à l’automne. Tous les partis se sont prononcés en faveur de son principe, un geste symbolique. En plus de l’appuyer, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a multiplié les signaux positifs, ces dernières années, pour tenter d’apaiser les revendications des étudiants francophones, notamment en injectant 15 millions pour l’accroissement du nombre de programmes en français dans la Ville Reine.
Son gouvernement tarde toutefois à donner suite aux principales revendications étudiantes, telles que la création d’un conseil provisoire qui aurait la responsabilité de piloter la mise sur pied de ce nouvel établissement d’ici 2018. Il laisse même entendre qu’une université « virtuelle » pourrait être la solution au manque de programmes en français dans certaines régions.
Jeudi à Queen’s Park, la première ministre a encore mis en doute, en français, la nécessité d’une université physique. «Est-ce que c’est nécessaire d’avoir un édifice? Je ne sais pas», a-t-elle dit, notant toutefois la nécessité d’augmenter l’offre de programmes.
À la tête de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Denis Vaillancourt n’en croit pas ses oreilles. «Comment expliquer en 2016 que la plus importante population de francophones des Amériques après le Québec n’ait pas son université? Il est urgent que les choses évoluent, et nous refusons de voir ce dossier de nouveau repoussé.»
Les étudiants, eux, avaient une tout autre réponse : «F*ck le virtuel, on veut un espace réel», clamait l’une des pancartes de la manifestation.