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vendredi, avril 01, 2016

FINANCEMENT POLITIQUE L’exemple québécois

http://www.ledevoir.com/politique/canada/

1 avril 2016 |Manon Cornellier
En septembre 2010, Macleans qualifiait le Québec de province la plus corrompue au pays, ce qui a fait ricaner dans certains recoins du Canada. On y rit maintenant un peu plus jaune à la suite des révélations sur les pratiques de financement politique en vigueur en Ontario et en Colombie-Britannique. On parle soudainement de réformes, mais le ménage devra aller beaucoup plus loin et le Québec devrait servir de modèle.

En Colombie-Britannique, le Parti libéral peut demander jusqu’à 20 000 $ par personne pour l’accès à la première ministre Christy Clark. En Ontario, on multiplie les cocktails privés auxquels les invités — qui peuvent débourser jusqu’à 10 000 $ — se voient promettre un contact direct avec la première ministre ou un de ses ministres influents (les partis d’opposition font de même pour l’accès à leur chef). Selon le Globe and Mail, certaines entreprises se feraient dire qu’elles doivent contribuer pour être entendues.
 
Ça ne s’arrête pas là. Les ministres ontariens se font attribuer des cibles de financement qui font pâlir celles de 100 000 $ par an imposées sous Jean Charest. À Queen’s Park, elles vont de 100 000 à 500 000 $ par année, selon le poste occupé par le ministre, révèle une enquête du Toronto Star. Les plus gros objectifs sont assignés aux ministres des Finances et de la Santé, suivis de près par ceux du Développement économique et de l’Énergie.
 
Rien de ce qu’ont révélé le Star et le Globe n’est illégal en vertu des lois gouvernant le financement politique dans ces provinces. On pourrait toutefois se demander si monnayer l’accès à un politicien ne serait pas, en revanche, contraire aux règles en matière de conflit d’intérêts ou de trafic d’influence.
 
Mais, légales ou pas, ces méthodes sont contraires à la plus élémentaire éthique. Doit-on toutefois s’en étonner quand on voit les règles en vigueur dans la majorité des provinces ?
 
Au Canada, quatre d’entre elles (Québec, Nouvelle-Écosse, Manitoba, Alberta depuis l’an dernier) et le fédéral réservent à leurs seuls résidants le droit de contribuer aux partis politiques, avec des limites annuelles allant de 100 à 15 000 $. Dans les autres provinces, entreprises et syndicats peuvent soutenir les partis. Deux d’entre elles imposent des plafonds, dont l’Ontario, où les règles sont laxistes. Ailleurs, il n’y a pas de limites, et dans au moins deux cas, à Terre-Neuve et à l’Île-du-Prince-Édouard, individus, entreprises et syndicats de partout peuvent contribuer. On peut donc, en toute légalité, peser de tout son poids financier sur un parti ou un politicien.
 
Comme l’ont expliqué plusieurs témoins ayant comparu devant la commission Charbonneau, des entreprises n’osent pas refuser lorsqu’elles sont sollicitées, par crainte de perdre au change. D’autres, au contraire, recherchent cet accès privilégié et ouvrent leurs goussets pour faire avancer leurs affaires.
 
Le financement populaire vise justement à contrer ce pouvoir de l’argent et à protéger l’indépendance des élus pressés de solliciter des fonds par leur parti. Au Québec, écrivait la commission Charbonneau, ces dernières « pratiques ont rendu les élus vulnérables, de différentes façons, aux influences extérieures en matière de financement politique lié à l’octroi de contrats publics ». On ne voit pas pourquoi il en serait autrement ailleurs.
 
En Colombie-Britannique, l’opposition néodémocrate veut une réforme. En Ontario, Mme Wynne a annoncé pour cet automne une réforme « graduelle » du financement politique. C’est bienvenu, mais, après les révélations des derniers jours, bien insuffisant.
 
Dans les deux provinces, il faut non seulement agir vite, mais aussi se pencher sur le revers de ces méthodes, leur effet de distorsion sur le processus de décision gouvernementale, en particulier lors de l’attribution de contrats et de changements à la réglementation et à la tarification des services.
 
Des enquêtes s’imposent et il faut espérer que la presse canadienne-anglaise aille encore plus loin dans ses investigations, comme l’a fait la presse québécoise en amont de la commission Charbonneau. Sans pression ou scandale, les partis ne sont pas enclins à changer des pratiques qui les servent trop bien.
 
Ces révélations nous concernent tous, car le gouvernement fédéral s’apprête à investir des milliards dans des projets d’infrastructures pilotés par les provinces et les municipalités. Personne ne voudrait que tout le pays s’endette pour en favoriser quelques-uns.

vendredi, février 19, 2016

S’exiler ou s’assimiler

http://www.ledevoir.com/societe/education/

Le choix d’un programme universitaire se résume à cette déchirante question pour nombre de Franco-Ontariens

19 février 2016 | Philippe Orfali à Toronto | Éducation
Des étudiants se sont mobilisés jeudi à Ottawa pour réclamer une université francophone.
Photo: Philippe Orfali Le Devoir
Des étudiants se sont mobilisés jeudi à Ottawa pour réclamer une université francophone.

Excédés par l’inaction du gouvernement de Kathleen Wynne, des étudiants et élèves ont tenu jeudi une première journée d’action pour réclamer la création d’une université de langue française en Ontario. Parce que l’époque des compromis a assez duré.

Avec une population de taille similaire, la minorité anglo-québécoise peut se targuer d’avoir trois universités bien à elle. Les francophones de l’Ontario, eux, ont bel et bien accès à des programmes en français, mais dans huit établissements bilingues seulement, pas dans toutes les disciplines ni dans toutes les régions.

La situation est telle qu’encore en 2016, dans le centre-sud-ouest de la province, six élèves francophones sur dix feront leurs études universitaires en anglais plutôt que de s’exiler à Ottawa, Sudbury ou au Québec, selon la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO).

Jeudi, ils étaient 200 sur le parterre de l’Assemblée législative à réclamer leur université. Certains avaient fait près de dix heures de route pour exiger en personne un établissement de brique et de mortier, où tant les cours que la vie sur le campus se dérouleraient en français. Ils étaient des milliers ailleurs à tenir des rassemblements dans leur école.

Malgré de nombreuses avancées sur le plan de l’éducation au cours des dernières décennies, une université unilingue échappe encore et toujours à la minorité. Un élément essentiel pour assurer la survie de la communauté, selon les organismes qui défendent ce dossier. « Parce que l’anglais est majoritaire dans la province, c’est une langue qui vient avant le français dans tous les aspects de notre vie, explique le président de la FESFO, Jérémie Spadafora. En ce moment, je dois choisir entre étudier près de chez moi à Toronto ou déménager à six heures de ma famille, à Ottawa. Si je fréquente l’Université d’Ottawa, mon cours sera en français, quand on sort de la classe, c’est anglophone. La vie étudiante, se faire des amis en français, c’est difficile. Un campus unilingue nous permettrait de vivre et respirer la culture francophone. »

Pas d’avenir sans accès

Dans un rapport dévastateur sur la question, le commissaire aux services en français de la province, François Boileau, rappelait à l’ordre le gouvernement. « Il est urgent d’agir », écrivait-il. C’était en 2012. Depuis, mis à part la création de groupes de travail, bien peu de choses ont changé.

Il soulignait « l’importance de la gouvernance pour et par les francophones » pour répondre au manque actuel d’établissements de langue française, particulièrement dans la région du Grand Toronto, où la population francophone connaît une croissance importante. Laisser la majorité anglophone prendre des décisions pour la minorité s’est rarement soldé par des résultats heureux dans le milieu scolaire. « Quelle est l’incidence de l’offre quasi inexistante de programmes postsecondaires en langue française ? La réponse est simple : pas d’avenir sans accès. En d’autres mots, pour la communauté francophone, il s’agit d’une mort lente. Pour l’ensemble de la société, il s’agit d’une triste occasion manquée. »

France Gélinas y connaît quelque chose. « J’étais là quand on n’avait pas d’écoles secondaires francophones, dit la députée néodémocrate de Nickel Belt. J’ai des amis qui ne parlent plus le français parce qu’ils n’ont pu étudier dans leur langue. Et j’en ai d’autres qui ont pu la conserver parce qu’on en a finalement eu, des écoles francophones à Sudbury. On a dû se battre pour les écoles primaires, secondaires, nos conseils scolaires. On a dû se battre pour nos collèges francophones, il y a vingt ans. La communauté franco-ontarienne sait ce qu’elle veut. Elle parle d’une seule voix. On est rendus là. »

Son projet de loi 104 visant la création de l’Université de l’Ontario français a été adopté en 2e lecture, à l’automne. Tous les partis se sont prononcés en faveur de son principe, un geste symbolique. En plus de l’appuyer, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a multiplié les signaux positifs, ces dernières années, pour tenter d’apaiser les revendications des étudiants francophones, notamment en injectant 15 millions pour l’accroissement du nombre de programmes en français dans la Ville Reine.

Son gouvernement tarde toutefois à donner suite aux principales revendications étudiantes, telles que la création d’un conseil provisoire qui aurait la responsabilité de piloter la mise sur pied de ce nouvel établissement d’ici 2018. Il laisse même entendre qu’une université « virtuelle » pourrait être la solution au manque de programmes en français dans certaines régions.

Jeudi à Queen’s Park, la première ministre a encore mis en doute, en français, la nécessité d’une université physique. « Est-ce que c’est nécessaire d’avoir un édifice ? Je ne sais pas », a-t-elle dit, notant toutefois la nécessité d’augmenter l’offre de programmes.

À la tête de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Denis Vaillancourt n’en croit pas ses oreilles. « Comment expliquer en 2016 que la plus importante population de francophones des Amériques après le Québec n’ait pas son université ? Il est urgent que les choses évoluent, et nous refusons de voir ce dossier de nouveau repoussé. »

Les étudiants, eux, avaient une tout autre réponse : « F*ck le virtuel, on veut un espace réel », clamait l’une des pancartes de la manifestation.