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jeudi, décembre 17, 2015

Le taxage gouvernemental

http://www.journaldequebec.com/

MARIO DUMONT
MISE à JOUR 
Deux employées ont été prises sur le fait. Elles discutaient de ces fameuxquotas secrets imposés aux employés du ministère du Revenu. Je sais que nous sommes d’une nature bonasse, habitués à sourire en coin en voyant l’appétit du ministère du Revenu. Les quotas n’ont rien d’amusant. Ils constituent un scandale de premier ordre.
Les porte-parole du ministère tentent d’introduire des nuances sur la notion de quotas. Les principes en cause sont trop importants pour les nuances. La justice la plus élémentaire exige que les officiers appelés à faire des arbitrages ne se retrouvent pas en conflit d’intérêts. Chaque décision d’un vérificateur du ministère du Revenu constitue un arbitrage.
En fixant des cibles, en obligeant les agents à ramener des sommes de chaque vérification et en offrant des bonis de performance associés à des grosses cotisations, le gouvernement place ses vérificateurs dans une impossible position. Nos élus placent la récolte d’argent devant tout, y compris les principes de justice.
Tous des fraudeurs
Le message envoyé aux gens qui payent honnêtement leurs impôts est tout simplement horrible. L’employé qui débarque vérifier vos livres a été entraîné à penser que tous les citoyens sont malhonnêtes. Si une PME, un contribuable ou un travailleur autonome a tout fait dans les règles, les vérificateurs seront forcés de trouver quelque chose quand même!
Cette pratique déconsidère le concept de lutte à l’évasion fiscale. Dans leurs beaux discours, les ministres des Finances de tous les partis ont annoncé l’embauche de vérificateurs supplémentaires. Le but annoncé consiste à s’assurer que chacun paye «son dû». Or si les employés du ministère sont forcés de générer des cotisations, le contribuable ne paye plus nécessairement «son dû». Il paye pour le quota imposé à l’autre.
Ces efforts de lutte à l’évasion fiscale nous sont toujours présentés comme ayant une valeur inestimable de justice sociale. Comme si l’on débarquait dans les paradis fiscaux pour débusquer les millions que des pachas ont sortis du pays à l’abri de l’impôt. L’opération apparaît un peu moins glorieuse quand on pense que des plombiers, des boulangers et des propriétaires de dépanneurs vont se faire plumer par des agents otages d’un quota.
Les petits sont ciblés
Les petits entrepreneurs seront toujours les premières victimes de ce genre de politiques de gouvernements affamés. Des vérificateurs jusqu’au ministre des Finances lui-même, tous savent que l’argent rentre bien plus facilement chez les petits joueurs.
Si vous cotisez une grande entreprise après vérification, celle-ci bénéficie d’un plein département de comptables, d’avocats et de fiscalistes. Ceux-ci vont donner au gouvernement du fil à retordre avant de signer un chèque. Cela peut prendre des années.
À l’inverse, si vous cotisez une PME, le propriétaire hésitera avant d’embaucher à grands frais tous les spécialistes pour se lancer dans une bataille judiciaire contre le gouvernement. La probabilité, c’est qu’il payera et achètera la paix, même s’il juge qu’il s’agit d’une injustice profonde.
Autrefois, un gouvernement comportait un ministre du Revenu, qui avait un mandat spécifique de penser au contribuable. J’en souhaite le retour. Maintenant, c’est le ministre des Finances qui agit aussi comme ministre du Revenu. On a besoin d’argent. Au diable le respect du contribuable.

jeudi, décembre 03, 2015

Notre linge sale en famille

http://www.journaldemontreal.com/

MARIO DUMONT
MISE à JOUR 
Canada is back. Le Canada est de retour. Voilà l’expression devenue clichée par laquelle Justin Trudeau veut exprimer avec force la différence entre son gouvernement et le précédent dans le dossier des changements climatiques.
Je n’aime pas du tout cette manière d’essayer de se grandir devant 150 chefs de gouvernement du monde en s’essuyant les pieds sur ses prédécesseurs.
Justin Trudeau a parfaitement le droit de faire évoluer les positions du Canada sur les grands enjeux internationaux selon ses priorités. Il a été élu pour ça.
Si quelqu’un voulait simplement prendre Justin Trudeau à son jeu, on pourrait se contenter de dire que cette façon de noircir publiquement l’ancien gouvernement ne correspond pas à la «nouvelle politique» qu’il nous promet. Plus de transparence, c’est bien, des nominations non partisanes aussi, mais continuer à se remonter en rabaissant l’autre garde une saveur de vieille politique.
Le ton juste
Cependant dans ce cas-ci il s’agit de quelque chose de plus fondamental que d’une approche politique vieille ou nouvelle. Il s’agit de la façon de parler du Canada dans le monde. Il existe une différence majeure entre les débats qui auront lieu au quotidien chez nous au Canada et une conférence internationale.
Que Justin Trudeau remette régulièrement sur le nez des conservateurs leurs erreurs à la Chambre des communes, c’est de bonne guerre. C’est la politique intérieure. Mais le même genre de sous-entendus sur la scène internationale n’a pas sa place. Il est la continuité des dirigeants élus par la population canadienne pour la représenter.
Cela étant dit, il a parfaitement le droit de faire évoluer les positions du Canada sur les grands enjeux internationaux selon ses priorités. Il a été élu pour ça.
Sur les changements climatiques, il a non seulement le droit, mais le devoir d’aller plus loin, une position qui sera mieux accueillie dans le monde que la tiédeur de Stephen Harper.
Cependant, son expression «le Canada est de retour» laisse entendre qu’avant lui, c’était le néant. Attention, avant Justin Trudeau il y avait un autre gouvernement dûment élu par les citoyens du Canada.
La prudence que je propose à Justin Trudeau est encore plus de mise si l’on pense à la nature même des positions qu’il défend à cette Conférence de Paris. Pour l’instant, les cibles de réduction des GES présentées par le Canada sont celles qui avaient été établies par le gouvernement Harper. Il souhaite les réviser. On verra.
Si différent ?
Ses positions sur d’autres enjeux reliés au réchauffement ne sont pas si radicalement différentes des conservateurs non plus. Je n’ai pas entendu monsieur Trudeau annoncer la fin de l’exploitation des sables bitumineux. Il sait que l’économie canadienne ne peut pas se le permettre. Forcément, il est à l’international le porte-parole du Canada, avec ses sables bitumineux.
Sa position concernant l’oléoduc Énergie Est peut apparaître ambiguë sur la place publique. Mais pas si l’on considère que l’un de ses plus proches collaborateurs dans la dernière campagne électorale s’est fait prendre à conseiller TransCanada, le promoteur du projet. Je suppose que s’il était radicalement opposé, il n’aurait pas laissé ce monsieur l’approcher.
À Kyoto, le Parti libéral du Canada avait participé à un consensus ambitieux sur l’environnement, puis n’a rien fait pour réduire nos émissions. Ce souvenir pourrait servir de base pour plus d’humilité et moins de partisanerie.

jeudi, novembre 12, 2015

Libéraux chics et libéraux chiches (2)

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MARIO DUMONT
MISE à JOUR 
Canada's new Prime Minister Justin Trudeau speaks to the crowd outside Rideau Hall after the government's swearing-in ceremony in Ottawa Lorsque j’écrivais au lendemain de l’élection de Justin Trudeau que son côté dépensier servirait d’argument aux militants anti-austérité pour conspuer le gouvernement Couillard, je ne pensais pas que les choses iraient aussi vite.
Je n’en croyais pas mes yeux quelques jours plus tard de voir à la une duDevoir l’image d’une jeune manifestante dans une marche contre l’austérité qui tenait en ses mains quoi...? Une affiche électorale de Justin Trudeau. Elle l’avait bricolée pour y ajouter un slogan anti-austérité.
Encombrant pour les cousins libéraux de Québec de se faire dire: «Justin il a compris lui! Il faut investir dans notre avenir! Quitte à s’endetter!» Avec Justin Trudeau, qui va embaucher des fonctionnaires, emprunter pour construire des infrastructures et hausser les dépenses en culture, les libéraux du Québec feraient mieux de se préparer à entendre cette rengaine pro-Trudeau à satiété.
Réforme de l’aide sociale
Voici donc que cette comparaison entre libéraux chics et chiches m’inspire cette semaine une deuxième chronique, sur un tout autre aspect: l’incitation à aller travailler. Sam Hamad vient tout juste de déposer le projet de loi 70, dont l’un des objectifs consiste à pousser les demandeurs d’aide sociale pour une première fois à s’inscrire dans un parcours obligatoire visant la remise en emploi.
Le projet de loi est assez contraignant pour les demandeurs de prestations d’aide sociale qui n’ont pas de contrainte à l’emploi. Ils devront obligatoirement s’inscrire à une démarche appelée Objectif emploi, sous peine de pénalités financières. Les récalcitrants pourraient voir leur chèque d’aide sociale coupé de moitié, en cas de refus de chercher du travail.
Le ministre Hamad plaide que les nouveaux demandeurs d’aide sociale ont pour la plupart moins de 30 ans et qu’à cet âge, une personne en santé ne peut pas rester à ne rien faire dans une économie où plusieurs secteurs déplorent des pénuries de main-d’œuvre.
En résumé, les libéraux de Philippe Couillard sont prêts à faire face à la critique, car ils ont la conviction qu’il faut serrer la vis pour pousser des gens vers le marché du travail. Je crois qu’ils ont raison, surtout sachant qu’une personne qui commence à passer du temps sur l’aide sociale devient plus à risque d’y retourner souvent et longtemps.
Le bon Justin
Au même moment, sur cette même question de l’incitation au travail, les libéraux d’Ottawa s’apprêtent à aller dans la direction exactement inverse. Le programme géré par le fédéral, l’assurance-emploi, a été l’objet de réformes fort critiquées qui visaient précisément cet objectif: pousser les travailleurs à participer au marché de l’emploi.
Cela s’est fait autant sous l’impulsion de gouvernements libéraux avec Paul Martin que sous les conservateurs.
Pour donner suite aux critiques émanant en particulier de régions comme l’Atlantique, Justin Trudeau a promis des assouplissements aux règles tôt dans son mandat. Avec l’appui reçu dans les provinces de l’Atlantique (32 circonscriptions sur 32), le nouveau premier ministre a-t-il vraiment le choix de leur livrer la marchandise?
Encore une fois, des manifestants défenseurs des assistés sociaux scanderont des slogans anti-Couillard et feront référence à l’approche sociale généreuse du bon cousin Justin.

jeudi, octobre 15, 2015

Chères promesses

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Justin Trudeau a livré une performance au-dessus de ce que ses adversaires prévoyaient.

MARIO DUMONT
MISE à JOUR 
Justin Trudeau a livré une performance au-dessus de ce que ses adversaires prévoyaient.   Officiellement, tous les citoyens sont prêts à se mettre la main sur le cœur et à affirmer: «Je déteste les promesses électorales et je ne les crois pas.» En réalité, je pense plutôt que les citoyens savent ce qu’il faut dire en public pour ne pas paraître nono. Mais au fond du fond, les promesses, ça marche!
Depuis le début de cette campagne, le Parti libéral du Canada est celui qui a gagné le plus de points dans l’opinion publique. Bien sûr, Justin Trudeau a livré une performance au-dessus de ce que ses adversaires prévoyaient. Mais nul ne peut faire abstraction d’une donnée frappante: le Parti libéral est de très loin celui qui a promis le plus.
Les promesses électorales sont comme une vieille chanson quétaine d’été. En public, on s’en moque, mais seul en auto, lorsqu’elle joue à la radio, on fredonne et on se sent bien.
Des allocations familiales deux fois plus généreuses que les conservateurs et non imposables S.V.P. De meilleures pensions pour les aînés. Des fonds par centaines de millions pour la culture, des milliards pour les soins à domicile, des bourses pour les étudiants, 750 millions pour la formation de la main-d’œuvre. Et j’en passe. Tout cela en baissant le taux d’imposition de la classe moyenne.
60 milliards
Par-dessus toutes ces promesses, la plus importante consiste à lancer un programme géant d’infrastructures de l’ordre de 60 milliards. Politiquement, c’est le coup du siècle. Le Parti libéral inscrit au cœur de son programme de relance économique l’investissement massif dans les infrastructures. C’est un refrain connu, quand le gouvernement donne de gros contrats pour des travaux, l’économie marche.
En plus de fournir au chef Justin Trudeau un discours économique simple, le programme d’infrastructures crée une autre machine distributrice de promesses à l’échelle locale. Un candidat libéral parcourt les villages de sa circonscription et distribue les OUI généreux. Un nouveau centre communautaire? Bien sûr! Refaire l’asphalte sur le rang du Lac Croche? Certainement madame! Un aréna, une piscine publique, un quai, du transport en commun, un pont, une bibliothèque, enfin il y a un parti qui nous écoute! Et qui nous dit OUI!
Pari payant
Les stratèges libéraux (qui ne sont pas nés de la dernière pluie) ont réalisé à un certain point en ficelant le programme qu’ils avaient des outils merveilleux pour faire rêver les électeurs, mais un seul petit problème: l’argent n’est pas disponible pour payer tout cela. La décision a été prise: ce sera un mauvais moment à passer en début de campagne d’annoncer qu’un gouvernement libéral retournerait en déficit. Sauf que le jeu en valait la chandelle.
Les libéraux ont misé sur le fait que les électeurs aiment les promesses plus qu’ils ne détestent les déficits gouvernementaux. De toute façon, le public est archihabitué à voir le gouvernement dans le rouge. Jusqu’à maintenant, leur pari semble rapporter. Justin Trudeau a été pressé de questions par les médias sur ce retour au déficit pendant 48 heures en août. Puis Stephen Harper lui a remis sur le nez durant les débats. Mais les gains réalisés grâce aux promesses dépassent mille fois les inconvénients.
Les promesses électorales sont comme une vieille chanson quétaine d’été. En public, on s’en moque, mais seul en auto, lorsqu’elle joue à la radio, on fredonne et on se sent bien.

jeudi, septembre 10, 2015

S’inscrire... à sa grève

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MISE à JOUR 

FD-MANIFESTATION NATIONALE ASSÉ   Les sessions universitaires et collégiales viennent tout juste de commencer. Vous savez quoi? L’ASSÉ nous annonce déjà l’organisation d’assemblées générales pour discuter de grèves étudiantes.
Franchement, la situation tourne au loufoque pour certains campus qui ont vécu déjà leur part de perturbations le printemps dernier. Parler de grève la semaine de la rentrée revient à dire que vous vous êtes inscrit sans intention réelle d’assister aux cours durant la session.
Trop chère l’université ?
C’est à n’y rien comprendre. Les associations étudiantes alliées à la très militante ASSÉ prétendent que les frais de scolarité universitaire coûtent trop cher. Comment expliquer alors que plusieurs d’entre eux semblent disposés à défrayer ce montant seulement pour se donner le statut d’étudiant qui leur permet de participer aux assemblées étudiantes? «Je veux le statut d’étudiant juste pour faire la grève!» Champion!
Dans plusieurs cas, en l’absence de votes secrets, les étudiants contre la grève se sentent sous forte pression pour ne pas dire intimidés. Démocratie ?
Il faut préciser que les droits de scolarité ne couvrent qu’une petite partie des coûts réels de l’enseignement universitaire. Plus de 80 % de la facture est assumé par le gouvernement, donc par l’ensemble des contribuables. Les coûts d’une session gaspillée ou prolongée sont couverts par toute la société, qui n’a pas un mot à dire dans les assemblées générales. Même chose pour les coûts reliés à la sécurité ou aux réparations du grabuge.
Dans le cas des étudiants de cégep, c’est la totalité de la facture qui est refilée aux contribuables. Advenant une session perdue, l’étudiant perd quelques frais d’inscription et perd son temps (certains militants éternels n’ont pas l’air de s’en faire avec ça).
La « démocratie » étudiante
Malgré les coûts potentiels pour la collectivité et malgré les expériences des dernières années, aucun gouvernement n’a encore eu le courage de baliser les conditions permettant de lever les cours dans un établissement d’enseignement supérieur. La «démocratie étudiante» permet tout.
Nous avons assisté à des assemblées sans fin où le vote ne survient qu’à l’heure où les étudiants opposés à la grève ont quitté, découragés. Vous vous souvenez de cet autre vote de grève ou le NON a gagné? Pas bon, on reprend le vote. Le NON gagne encore. Vote invalide, on reprend. Puis tard en soirée le OUI l’emporte finalement. Fin de l’assemblée, on fait la grève!
Dans plusieurs cas, en l’absence de votes secrets, les étudiants contre la grève se sentent sous forte pression pour ne pas dire intimidés. Démocratie?
Dans le cas particulier de l’UQAM, ajoutons l’enjeu crucial de la réputation. Le nombre de demandes d’admission a chuté considérablement. Faut-il s’en étonner avec toutes les scènes disgracieuses auxquelles on a assisté?
Les leaders étudiants comme les représentants des professeurs refusent de reconnaître cette réalité et refusent surtout de porter une quelconque responsabilité pour la perte de réputation de l’UQAM. Il faut qu’ils soient plus qu’aveuglés.
Cet automne, l’ASSÉ se mobiliserait en appui aux syndiqués du secteur public. En avril, c’était contre l’austérité... et les hydrocarbures. Le printemps 2012 a laissé des souvenirs d’héroïsme. Tous les prétextes semblent bons pour essayer de reproduire le modèle au point même de planifier des votes de grève au matin de la rentrée.
Quelqu’un doit mettre fin à la récréation.

jeudi, août 27, 2015

Perte douloureuse pour la CAQ

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Mario Dumont
La première fois que j’ai rencontré Sylvie Roy, elle m’a intrigué. Printemps 2003, elle s’apprêtait à porter les couleurs de l’ADQ dans le comté de Lotbinière. La campagne était à peine commencée et elle avait déjà une stratégie complète pour sa circonscription, des choses à dire, des coups d’éclat à faire, des gens à rencontrer.
Chose particulière, même si l’atmosphère n’était pas rose pour le parti en général, elle était convaincue de gagner sa circonscription.
Une perte énorme
Je n’ai pas été sceptique longtemps. Elle a livré la marchandise à chaque étape, et le soir de l’élection, alors que seulement quatre députés adéquistes étaient élus, elle faisait partie du groupe. Elle a toujours gagné la confiance des électeurs ensuite.
Sylvie Roy représente une énorme perte pour la CAQ. D’abord, elle ne quitte pas la politique pour des raisons personnelles ou familiales. Elle démissionne expressément du parti. Dans le milieu politique, on la savait malheureuse dans le caucus de la CAQ depuis quelque temps, mais le fait de claquer la porte, c’est autre chose. Un geste de rupture difficilement réversible.
Sylvie Roy représente une énorme perte pour la CAQ. Elle ne quitte pas la politique pour des raisons personnelles. Elle démissionne expressément du parti
Sa vie dans la CAQ n’a pas été de tout repos. D’abord, dans un redécoupage des circonscriptions, on lui a enlevé son comté. Après des années dans Lotbinière, elle a dû se déplacer dans Arthabaska, s’y faire accepter par la population et recommencer à zéro une bonne partie de son travail de terrain. Elle a réussi.
Pire, pour Sylvie Roy, on lui a retiré ses dossiers. Celle qui avait été la première à demander une enquête sur la construction a dû céder sa place à Jacques Duchesneau à la Sécurité publique. À partir de là, François Legault n’a jamais su lui trouver des défis à la hauteur de son talent et de sa capacité de travail.
Comme plusieurs personnalités fortes dans un caucus, Sylvie Roy n’est pas toujours facile à gérer. Mais par-dessus tout, elle est une machine, une fourmi qui besogne toujours sur plusieurs dossiers à la fois. Si vous la laissez sans dossier chaud entre les mains, sans un os viandeux sur lequel elle peut gruger, c’est votre mollet qu’elle risque de gruger.
Les portes tournantes de la CAQ
Pour François Legault, les départs deviennent une épidémie. Gaétan Barrette passe aux libéraux, Christian Dubé quitte, Gérard Deltell quitte, et maintenant Sylvie Roy. Sans parler des portes tournantes qui semblent exister parmi le personnel du parti.
Pourtant le courage d’un Legault qui a réussi en affaires, qui n’a pas besoin de la politique pour vivre, qui s’engage personnellement afin de faire une différence pour le Québec, tout cela devrait servir d’inspiration pour l’équipe autour. Il y a quelque chose dans la force de la démarche du chef de la CAQ qu’il n’arrive pas à transmettre pour mobiliser les gens qui gravitent autour de lui.
De toutes les qualités de Sylvie Roy, son immense flair politique est celle qui m’a toujours renversé. Elle devine ce qui s’en vient, elle sent venir les réactions des Québécois, elle a un instinct peu commun. C’est de mauvais augure pour la CAQ qu’elle choisisse de quitter son parti.

mardi, juin 16, 2015

Les mécaniciens des cours d’histoire

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Mario Dumont
Dans l’immense flot de ce qui a été dit et voté au Congrès des membres du PLQ, Philippe Couillard a prononcé un discours peu banal sur l’enseignement de l’histoire. Selon lui, les jeunes Québécois connaissent mal l’histoire de leur pays, le Canada.
Le chef du Parti libéral semble même voir un complot indépendantiste sous-jacent à l’enseignement de l’histoire au Québec. « On voudrait nous faire oublier ces moments ». C’est ainsi qu’il a décrit l’insuffisante insistance dans les cours d’histoire sur la collaboration entre La Fontaine et Baldwin.
C’est loin d’être la première fois qu’un leader politique exprime une volonté de « renforcer » l’enseignement de l’histoire avec une connotation politique. Des gens du Parti québécois ont joué maintes fois dans ce film, avec une intention à peine voilée de mettre mieux la table pour l’option souverainiste.
La tentation partisane
Quel que soit le parti, la tentation de jouer dans l’enseignement de l’histoire avec une arrière-pensée politique me déplaît au plus haut point. Le but de l’école n’est pas de former en série de parfaits petits souverainistes ni de sages petits fédéralistes. L’école doit former des citoyens éclairés et informés, capables de se forger leur propre opinion et de participer au débat public.
Il y a beaucoup de travers disgracieux à voir des gens de la politique débarquer avec leur coffre à outil partisan pour faire du bricolage dans les cours d’histoire. D’abord, il y a une vision de l’éducation et de l’école qu’on pourrait instrumentaliser à des fins politiques. Détestable tentation. Sur la politique, le syndicalisme, l’écologie, nos enfants ne devraient pas être soumis à des idéologies absolutistes, pas plus que les cours d’histoire ne devraient être politiquement orientés.
Le fait d’affirmer dans un discours à teneur hautement politique que l’histoire est mal enseignée trahit aussi cette horrible croyance que ceux qui ne pensent pas comme vous le font par ignorance. On a entendu cela mille fois parmi les indépendantistes. Si une personne connaît vraiment bien son histoire, cela va de soi qu’elle voudra voir le Québec devenir souverain. Ce raisonnement fallacieux semble maintenant être repris à sa manière par le fédéraliste Philippe Couillard.
Intervention malsaine
Si ces façons étroites de penser m’énervent, le processus par lequel un gouvernement irait jouer dans les cours d’histoire m’horripile encore davantage. Comment s’y prendre? Nommer des gens qui pensent comme Philippe Couillard à des postes stratégiques du ministère de l’Éducation, avec une mission secrète de jouer dans les cours d’histoire. Former un comité bidon de supposés sages, tous biaisés du même côté pour pousser ta conclusion?
Tout cela constitue un processus vicié. Laissons donc le contenu pédagogique à l’abri des fièvres partisanes.
Il faut quand même retenir de ce discours que Philippe Couillard parle du Canada comme aucun chef du PLQ ne l’a fait depuis des décennies. Ses prédécesseurs jouaient la carte nationaliste, la défense des intérêts du Québec à l’intérieur du Canada. L’actuel chef libéral défend le Canada. Il exprime sans complexe sa vision canadienne. Puisqu’il s’intéresse à l’histoire ces jours-ci, c’est l’occasion de lui rappeler que le Québec n’a toujours pas signé la Constitution de 1982...

samedi, juin 13, 2015

L’entente du 12 juin: 20 ans déjà

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L’entente du 12 juin: 20 ans déjà
PHOTO REUTERS

Mario Dumont
Ce fut sans doute la signature la plus lourde de sens de ma vie. Après mon contrat de mariage bien sûr. Le 12 juin 1995, je paraphais aux côtés de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard le texte d’un accord qui mettait en branle le processus menant au référendum sur l’avenir du Québec.
Cette entente signée en grande pompe représentait l’aboutissement de plusieurs semaines d’intenses négociations.
Réussir l’entente
Représentant différents partis, nous partions de positions différentes et nos écarts de vues allaient des grands concepts jusqu’aux sensibilités de vocabulaire. Je garde de ces discussions le souvenir d’un sentiment partagé que nous avions une responsabilité historique de réussir.
J’ai eu maintes occasions ces derniers jours de vanter le sens de l’État de monsieur Parizeau. Comme premier ministre et premier responsable de l’opération, je l’ai vu mettre l’intérêt du Québec d’abord.
Cette entente contenait les grands éléments de la démarche référendaire, le sens de la question sur laquelle les Québécois seraient consultés l’automne suivant et la proposition de nouveau partenariat à négocier avec le reste du Canada advenant un Oui. De mon point de vue, cette entente constituait la conclusion d’un chapitre fort de notre histoire: l’échec de l’Accord du lac Meech. L’échec avait une lourde portée: le refus des conditions minimales qui nous auraient permis de réintégrer la Constitution canadienne.
Dans les mois d’effervescence politique qui ont suivi, j’ai eu l’honneur de tenir la plume pour écrire le document d’orientation qui a marqué le virage nationaliste des jeunes libéraux. C’était l’époque où plusieurs rêvaient de voir le libéral Robert Bourassa réaliser la souveraineté ou au moins forcer une redéfinition du Canada.
Parole au peuple
Ensuite, comme président des jeunes libéraux, j’ai vécu la mise au rancart du rapport Allaire, et j’ai démissionné avec plusieurs au moment du référendum sur l’entente de Charlottetown.
Dans mon esprit, cet épisode crucial de notre histoire devait logiquement se conclure par une consultation du peuple sur son avenir. J’ai contribué à faire arriver cela, j’ai voulu aussi contribuer à élargir la coalition des Québécois prêts à dire Oui.
Les Québécois avaient une bonne proposition devant eux. Nous avons débattu collectivement, et la majorité a dit non. Qu’on arrête de me parler du résultat serré ou des quelques citoyennetés données à des nouveaux arrivants à la dernière minute par le fédéral. Si davantage de Québécois francophones avaient voulu la souveraineté, ce serait fait, point.
Cette semaine, deux choses m’ont frappé. Les souverainistes se disant récemment ragaillardis tentent de multiplier les stratégies astucieuses pour relancer leur projet. Le référendum de 1995 s’est enraciné dans les suites de l’échec de Meech. Même pour les pressés, les petites stratégies ne peuvent se substituer aux grands événements.
Je m’inquiète aussi de cette théorie de la dernière chance véhiculée parmi les souverainistes. Maintenant ou jamais, indique un livre du sociologue Jacques Beauchemin. Attention de ne pas confondre la dernière chance pour une génération de réaliser son rêve avec l’avenir du peuple québécois.

jeudi, juin 04, 2015

Un pays, une province, un peuple

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Jacques Parizeau
PHOTO D'ARCHIVES

Mario Dumont
Alors qu’il était chef de l’opposition, Jacques Parizeau avait accordé une entrevue au magazineL’Actualité et l’une de ses affirmations m’est revenue à l’esprit ces dernières heures. Il affirmait ne pas être intéressé à occuper la fonction de premier ministre d’une province. Son rêve consistait exclusivement à diriger le nouveau pays du Québec.
Cette conception des choses est ressortie à différents moments de sa carrière et, finalement, il a agi en conséquence en quittant son poste de premier ministre dans les heures suivant la défaite référendaire. Là-dessus, comme sur bien d’autres points, je ne peux qu’être admiratif de la formidable cohérence du personnage et du courage qu’il lui a fallu.
L’adéquation parfaitement géométrique des paroles, des pensées et des actions de monsieur Parizeau a été soulignée avec raison dans les témoignages suivant sa disparition. Cette façon de
vivre la politique témoigne d’un engagement total et sincère de sa part.
Premier ministre de quoi ?
J’avais néanmoins trouvé curieuse cette déclaration de Jacques Parizeau il y a plus de 20 ans. Au fil des années, j’y ai souvent repensé, notamment en écoutant des discours souverainistes. J’ai toujours eu un malaise et je continue aujourd’hui d’être heurté par cette façon d’exprimer le refus d’être «premier ministre d’une province».
Celui ou celle qui remporte les élections, qui gagne la confiance des Québécois, devient premier ministre de quoi au juste? Devient-on premier ministre d’une entité juridique? Si oui, le statut de province ou de pays devient crucial. Où devient-on plutôt le premier ministre du peuple québécois? Dans ce cas, on dirige les destinées d’une population.
Personnellement, ma réponse à cette question demeure sans équivoque. On devient le premier ministre d’un peuple. D’ailleurs, n’est-il pas naturel pour un nouvel élu de lancer cet appel dans son discours de la victoire: «Je serai le premier ministre de tous les Québécois.» Présider aux destinées d’un peuple, c’est énorme: porter ses espoirs, transporter sur ses épaules toutes les misères, préparer son avenir, faire son bout dans la course à relais de l’histoire. Pour celui qui dirige le Québec, il faut ajouter la protection d’une langue et d’une culture tellement minoritaires sur le continent.
Peuple libre
Bien sûr, il est légitime pour un premier ministre issu du Parti québécois de souhaiter que ce peuple qu’il dirige change de statut politique et juridique, qu’il accède au statut d’État souverain. La proposition a été faite à deux reprises. En posant la question, il faut accepter la réponse. Le peuple québécois a choisi de dire non.
En disant non, le Québec est évidemment demeuré une province du Canada. Cela ne signifie pas que rien n’a changé. Beaucoup de péquistes oublient de mesurer à quel point les Québécois sont devenus souverains dans leur tête. Choisir de dire non au statut d’État souverain en le faisant librement dans l’isoloir, ni sous la menace ni à la pointe d’un fusil, après en avoir débattu des mois, c’est l’expression d’une souveraineté bien réelle.
Trop déçu de ne pas avoir amené la souveraineté du Québec, monsieur Parizeau n’a peut-être pas pleinement réalisé que le Québec vit aujourd’hui comme un peuple libre de ses choix.

samedi, mai 16, 2015

PKP: petits et gros défis

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Pierre Karl Peladeau
PHOTO D’ARCHIVES

Mario Dumont
Pierre Karl Péladeau a ce qu’il voulait: les rênes du Parti québécois se retrouvent dans ses mains.
Une victoire politique ne peut jamais être qualifiée de facile, mais disons qu’il n’a pas trop laissé de peau sur l’asphalte dans cette course (surtout si l’on compare avec sa chute à vélo). Il a mené du début à la fin et n’a même pas eu à multiplier les engagements, donc il n’a pas eu à sacrifier sa marge de manœuvre pour la suite.
Le vrai défi, le gros, le gigantesque, c’est de faire revirer une tendance lourde en ramenant les Québécois à la souveraineté et au Parti québécois
Aujourd’hui, il fait face à une tâche herculéenne. Dès la semaine prochaine, il dirigera l’opposition officielle à l’Assemblée nationale. Il n’a pas une énorme expérience parlementaire et il fera face à des libéraux qui l’attendent de pied ferme et qui sont passés maîtres dans l’art de démolir l’image des adversaires en face d’eux.
De plus, le rôle d’opposition n’est pas un naturel pour l’ex-PDG. Habitué à prendre des décisions, à gérer des budgets et à donner les ordres, il n’y a rien de naturel pour lui dans le fait de se lever jour après jour pour critiquer ou questionner, dans l’espoir qu’un extrait se retrouve au bulletin de nouvelles.
L’homme bouillant
Comme nouveau chef, il doit aussi travailler sur son tempérament. Personne ne souhaite qu’un homme de caractère se transforme en mauviette, mais la patience est une vertu à cultiver en politique. La politique, c’est frustrant. Les choses qui apparaissent tellement logiques n’arrivent pas toujours. À l’inverse, des histoires saugrenues et imprévisibles viennent gâcher une semaine. Par-dessus tout, il faut diriger une équipe de gens au talent inégal et aux intentions variables.
Le chef Péladeau doit aussi diriger le Parti québécois. J’écris cela sourire en coin en pensant à ses prédécesseurs qui ont rongé leur frein entre les querelles internes et les déclarations des anciens chefs. Pauline Marois avait réussi à discipliner ce parti, notamment parce qu’elle le connaissait sous toutes ses coutures. PKP pourra-t-il poursuivre dans cette voie? J’en doute. Quelques heurts me semblent à prévoir.
À travers cela, il se retrouve avec tous les devoirs de base: réorganiser le parti, s’assurer qu’il est en santé financière, trouver les candidats, visiter les comtés, consoler les députés dans les mauvais jours, etc. Chef de parti, c’est comme PDG d’une compagnie pauvre, avec des lignes de commandement peu claires puisque la majorité des gens sont bénévoles. Tout un défi.
Le GROS défi
Malgré tout, l’ensemble de ce que je viens de décrire constitue le petit défi du nouveau chef. Le vrai défi, le gros, le gigantesque, c’est de faire revirer une tendance lourde en ramenant les Québécois à la souveraineté et au Parti québécois. Depuis l’élection de Jacques Parizeau en 1994 et le référendum à 49,5 % de 1995, le PQ n’a connu qu’une direction: vers le bas. Même chose pour le Bloc.
La souveraineté ne mobilise plus. Même si les sondages donnent encore entre 35 et 40 % à l’idée, on ne sent plus qu’elle soulève les foules. La seule évocation d’un possible référendum lors de la campagne de 2014 a littéralement coulé Pauline Marois.
Pierre Karl Péladeau doit trouver le discours, établir la confiance et créer les circonstances pour rallumer cette flamme. Rien n’est plus difficile que de renverser une tendance de fond.