9 avril 2016 |Robert Dutrisac - Correspondant parlementaireà Québec
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir
Après une semaine, les députés devraient passer à autre chose que les liaisons de Sam Hamad.
Le gouvernement Couillard devait célébrer son mi-mandat cette semaine, mais l’affaire Sam Hamad–Marc-Yvan Côté, qui suivait l’arrestation de l’ancienne ministre libérale Nathalie Normandeau, a plutôt rappelé les pires années du gouvernement Charest. Et dire que Philippe Couillard voulait enterrer une fois pour toutes ce lourd passé.
C’était le jour de la marmotte à l’Assemblée nationale jeudi. Le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, répliquant aux attaques de l’opposition qui se demandait d’où provenaient les 171 000 $ que le ministre Sam Hamad avait récoltés pour son financement politique en 2009, a ressorti la même défense qu’il opposait à ses adversaires à la fin du troisième mandat du gouvernement Charest.
Jean-Marc Fournier, qui occupait la même fonction sous Jean Charest, a ressassé le rapport Moisan de 2006 qui avait documenté le financement politique illégal du Parti québécois entre 1995 et 2000, ce financement dit sectoriel, alimenté par des prête-noms, dans lequel tant le PQ que le PLQ ont trempé, les libéraux étant toutefois beaucoup plus efficaces en la matière. Il a rabâché le nom de l’ancienne responsable péquiste du financement, Ginette Boivin, et il a reparlé d’Oxygène 9, cette firme de lobbyistes, formées de proches du PQ, qui a fait scandale en… 2002.
Pour faire bonne mesure, Jean-Marc Fournier, pour contrer l’offensive de l’opposition au sujet des ministres libéraux à 100 000 $, et même à 150 000 $ pour certains, a sorti des exemples un peu plus contemporains. Ainsi, Pierre Karl Péladeau, lors de la course à la chefferie, a récolté 100 000 $ en une seule soirée, a souligné le leader libéral, avec sa manière bien à lui de faire image, tout en mélangeant allègrement les pommes et les oranges.
Descendant de ses hauteurs olympiennes, Philippe Couillard a même participé à la foire d’empoigne, évoquant lui aussi les souvenirs du rapport Moisan et d’Oxygène 9. Pourtant, il y a deux semaines, quand François Legault a qualifié le PLQ de «parti de pourris» à la suite de l’arrestation de Nathalie Normandeau, il avait fait la leçon au chef caquiste. «Je vais le laisser seul baigner dans le caniveau. La population n’aime pas ce discours-là. La population n’aime pas la boue. Elle veut qu’on débatte d’idées, de principes, d’ambitions pour le Québec.»
Fort bien. Mais la semaine dernière à l’Assemblée nationale, on en fut quitte pour la boue.
La crise
Il faut dire que l’affaire Sam Hamad s’est transformée en une crise qui a surpris le cabinet du premier ministre. Quand le reportage de l’émission Enquête, de Radio-Canada, a révélé, jeudi de la semaine dernière, l’existence de courriels faisant état des liens entre Sam Hamad, son ami Marc-Yvan Côté et une aide financière à Premier Tech, le ministre était en Floride. C’était la relâche de Pâques. Philippe Couillard lui a demandé de revenir immédiatement.
L’entourage du premier ministre avait son plan : le ministre devait s’expliquer, ce qu’il a fait le jour de la diffusion du reportage et le lendemain, et il devait demander au commissaire à l’éthique et à la déontologie des députés de faire enquête. Philippe Couillard, laissant s’écouler une journée, annoncerait le samedi que le ministre abandonnait temporairement ses fonctions à des collègues ; pour ne pas trop accabler le brave Sam Hamad, le premier ministre lui permettrait de garder ses privilèges. Un «ministre de rien», a dénoncé l’opposition, avec salaire, garde du corps et limousine. On pensait que la proposition serait difficile à vendre à la population, mais que celle-ci elle accepterait la situation.
Le voyage
Mais voilà que Sam Hamad — il a affirmé que c’était sous le coup de la colère — décide de retourner en Floride. Un ministre payé à ne rien faire, sur qui le commissaire à l’éthique enquête et qui se prélasse en Floride, le mélange devient soudainement explosif. Qui plus est, au moment où on apprend que le ministre est en Floride, Jean Charest fait une rare apparition publique pour parler de gouvernance et de démocratie et des manifestants interrompent son discours en criant : «Charest corrompu!» L’ancien premier ministre en profite pour défendre Nathalie Normandeau et, plus mollement, Sam Hamad. «Ça ne s’invente pas. C’était Back to the future», s’étonne encore un stratège libéral.
Pour une deuxième fois, Philippe Couillard est forcé de demander à son ministre de revenir en vitesse de Floride, d’autant plus que la plupart des députés libéraux sont estomaqués de voir, gracieuseté d’une télé américaine, leur collègue Sam, casquette sur la tête, sous le soleil floridien. Jeudi, Sam Hamad annonce qu’il redevient simple député, abandonnant son salaire de ministre.
Le risque
Dans cette histoire, il y a un homme qui se sait cérébral, froid et distant parfois, et qui veut à tout prix éviter de renforcer cette perception. Philippe Couillard a pris le risque politique de laisser Sam Hamad garder son salaire de ministre afin de se montrer humain devant son caucus, explique-t-on en substance. «Je ne veux pas, moi, medéshumaniser dans le travail que je fais. […] Les hommes et les femmes qui travaillent avec moi, ce ne sont pas des meubles, des objets», a fait valoir le premier ministre, jeudi, dans un point de presse. «J’ai voulu, moi, agir avec équité et également avec humanité. Je n’ai pas honte de le dire. C’est important pour moi, comme personne, de m’assurer que je traite les gens de façon respectueuse.»
Après une semaine passée à se disputer comme des chiffonniers, les députés devraient passer à d’autres sujets que les liaisons dangereuses et passées de Sam Hamad. C’est du moins l’intention des péquistes, a-t-on confié dans l’entourage de Pierre Karl Péladeau. Après tout, le gouvernement Couillard présente plusieurs failles, avance-t-on : un bilan économique médiocre, la maigre marge de manoeuvre en santé qui va aux médecins plutôt qu’aux patients et un réseau de l’éducation qui reste fragilisé par les coupes.
Et puis, les péquistes ont de quoi se réjouir : ils devraient remporter, lundi, l’élection partielle dans la circonscription de Chicoutimi, alors qu’il y a quelques semaines la candidate péquiste, Mireille Jean, était talonnée par la libérale Francyne T. Gobeil. Même les libéraux en conviennent. «Je pense qu’on aurait pu gagner Chicoutimi, n’eussent été les derniers événements», avance-t-on.
Depuis le début de l’année, rien ne va selon le plan pour les libéraux. Les déclarations de Philippe Couillard sur Anticosti et le gaz naturel ont forcé le report du dévoilement de la politique énergétique qui devait avoir lieu plus tôt, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, a trébuché sur la valeur légale des mariages religieux, la ministre responsable de la Condition féminine, Lise Thériault, a défendu une conception étriquée et toute personnelle du féminisme. Et il y a ces relents du passé avec les Normandeau et Hamad. C’est une session à oublier, selon un député libéral. Mais à mi-mandat, les libéraux ont du temps devant eux et ils sont encore au premier rang dans les sondages. «Pour nous battre, il a fallu que Le Journal de Montréal réunisse la CAQ, le PQ et QS», se réjouit-on dans les rangs libéraux.
Si la règle du «sub judice» — ne pas parler d’une affaire devant le tribunal — à l’Assemblée nationale a sa raison d’être dans notre système juridique, son application stricte par les présidents de l’Assemblée nationale en général, et Jacques Chagnon en particulier, bride excessivement la délibération parlementaire. Surtout lorsqu’il est question d’accusations contre des représentants politiques.
Nos règles parlementaires ne manquent pas de paradoxes. Un élu peut bien traiter un autre de «clown» ou d’«aigrefin» dans le couloir menant au Salon bleu, mais il doit s’abstenir de le désigner ainsi — ou de tout autre terme du lexique des mots non parlementaires — une fois qu’il a pénétré dans l’auguste lieu des débats.
Dans ce même lieu, l’élu jouit d’une immunité exceptionnelle. Il peut porter des accusations graves sans risquer d’être traîné devant un tribunal. Il formulerait ces mêmes accusations à l’extérieur du Salon bleu qu’il risquerait des poursuites judiciaires. Un autre de ces paradoxes vient d’être mis en relief la semaine dernière. Tout le monde, partout, dans les couloirs du parlement, dans les médias, peut parler des graves accusations déposées contre l’ancienne vice-première ministre Nathalie Normandeau et les six autres accusés du 17 mars, mais on ne pourra, au Parlement, questionner le gouvernement sur le sujet. Le député qui ose l’aborder ne pourrait même pas faire mention des actes d’accusation sans que le président l’interrompe. La fameuse immunité, privilège parlementaire «rempart de la société démocratique», est donc sérieusement limitée.
Pourquoi ? En raison de l’interprétation stricte, par les présidents de l’Assemblée nationale et aujourd’hui par Jacques Chagnon, de la règle de droit parlementaire du sub judice, locution latine signifiant « devant le juge ». Selon celle-ci (art. 35.3 du règlement), «le député qui a la parole ne peut […] parler d’une affaire qui est devant les tribunaux […] si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit».
Certes, la règle est ancienne. La séparation des pouvoirs l’impose. L’exécutif ou le législatif ne doivent pas s’immiscer dans le travail du judiciaire et inversement. Lorsqu’on aborde au Salon bleu les actes visés par des accusations, «l’audition qui doit se tenir devant le tribunal» risque de se «transporter sur le parquet de l’Assemblée nationale». Si notre régime s’accommode de la confusion des pouvoirs exécutif et législatif, le judiciaire, lui, doit être protégé des interventions des autres branches de l’État. Les droits d’un accusé en dépendent.
En mai 1982, le premier ministre René Lévesque avait fait avorter le procès de Claude Vermette, l’un des ex-inspecteurs de la GRC qui, dans les années 1970, avaient volé la liste de membres du Parti québécois. Le juge avait conclu que le «chef du pouvoir exécutif» du Québec, en se prononçant sur le fond de l’affaire, avait rendu impossible la tenue d’un procès juste et équitable ; aucun jury impartial ne pourrait être formé. «Le premier ministre dénonça non seulement les agissements du témoin dont il attaqua la crédibilité dans un langage imagé et abusif, mais aussi ceux des avocats de la défense, du gouvernement fédéral et de la GRC. Il accusa même les membres de la GRC d’avoir commis divers crimes. Cette diatribe dura une vingtaine de minutes», relate la Cour suprême dans R. c. Vermette.
On comprend qu’une telle intervention comporte un risque réel de miner un procès. On comprend aussi, premièrement, que c’est davantage dans la réponse, par un membre de l’exécutif à une question sur le sujet, que dans la question elle-même, que le risque loge. Or, les présidents en général et M. Chagnon en particulier rappellent la règle du sub judicesurtout lors des questions des élus des oppositions, bridant ainsi leur droit de parole.
Deuxièmement, il faut savoir qu’en 1988 la Cour suprême, dans l’affaire Vermette, avait reproché aux juges des tribunaux inférieurs d’avoir annulé les accusations. Le juge La Forest écrivit que «l’abdication judiciaire n’était pas le remède à la violation de la règle du sub judice ». Il ajoutait que cela était «d’autant plus important dans un cas comme celui-ci où il s’agit d’accusations graves non seulement contre la GRC, mais aussi contre des dirigeants des gouvernements fédéral et provincial. Le public a droit à ce que ces accusations soient éclaircies par le judiciaire. Je ne peux admettre que des remarques irréfléchies d’hommes politiques puissent mettre en échec tout le processus judiciaire». Bref, même si elle est conforme à une jurisprudence traumatisée par l’affaire Vermette, la menace brandie par le président en chambre a quelque chose d’excessif. Le président Chagnon a toute la latitude pour la faire évoluer vers une limite plus raisonnable.
12 novembre 2015 17h06| Jocelyne Richer - La Presse canadienne à Québec|Québec
Photo: Source Assemblée nationale
Deux nouvelles salles de commission parlementaire seront aménagées dans le cadre de ce projet.
L’austérité budgétaire ambiante n’affecte pas l’Assemblée nationale, qui injectera 60,5 millions de fonds publics pour mener à bien divers travaux visant à réaménager les lieux et assurer une meilleure sécurité à ses occupants et visiteurs.
L’Assemblée nationale du Québec est une entité autonome, distincte du gouvernement, et n’a donc pas à se plier aux contraintes budgétaires de ce dernier. Elle n’a pas davantage besoin de son autorisation pour exécuter des travaux.
Les rénovations débuteront au printemps 2016 pour se compléter à l’été 2019. C’est le Bureau de l’Assemblée nationale (BAN), composé d’élus, qui encadrera tout le processus.
Cible trop facile
Le parlement était devenu vulnérable, une cible trop facile pour d’éventuels terroristes, a fait valoir le président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, pour justifier son projet, en conférence de presse, jeudi.
L’accueil des visiteurs laissait aussi à désirer, en raison d’infrastructures jugées vétustes et peu sécuritaires. Une nouvelle structure, plus vaste et fonctionnelle, sera érigée à l’extérieur du parlement, en sous-sol, sous l’escalier principal, et c’est là que devront converger les milliers de visiteurs qui fréquentent le parlement chaque année. Les contrôles de sécurité des visiteurs seront accrus.
De plus, deux nouvelles salles destinées aux commissions parlementaires seront construites sous le parlement.
L’accès au parlement, érigé en 1877, sera resserré par diverses mesures de contrôle.