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QUÉBEC - À la fin des années 1990, le ministre de la Justice, Serge Ménard, faisait face à un adversaire libéral coriace : un certain Thomas Mulcair. Alors, quand le ministre a souhaité modifier le Code civil pour permettre aux proches d’un patient inconscient d’accepter un traitement expérimental en son nom, il a craint le pire.
«Nos adversaires auraient pu prendre une position très populiste», se souvient-il. Mais sa nouvelle attachée politique, alors âgée de 27 ans, a eu l’idée de trouver les experts que les libéraux étaient susceptibles de consulter afin de les convaincre de la nécessité de l’amendement. Quand Thomas Mulcair les a contactés, «ils lui ont expliqué qu’il y avait un réel problème et que cette solution devait être apportée», raconte Serge Ménard. Et les libéraux se sont ralliés.
«C’était un travail… je ne dirai pas sous-terrain, mais préparatoire», dit-il au sujet de l’approche de Véronique Hivon. Depuis, la députée de Joliette s'est fait connaître pour sa capacité à créer des consensus, notamment dans le délicat dossier de l'aide médicale à mourir.
La politicienne de 46 ans a fait le saut lundi dans la course à la chefferie du Parti québécois. Elle affrontera son bon ami Alexandre Cloutier, dans ce que ce dernier a qualifié de «scénario shakespearien». Martine Ouellet et Jean-François Lisée songent également à se lancer dans la course.
Véronique Hivon a annoncé sa candidature une semaine jour pour jour après la démission-surprise de Pierre Karl Péladeau. Certains ont vu dans son empressement une volonté de casser l’image de femme hésitante qu’on lui accole parfois.
«Ce n’est pas qu’elle est indécise, rétorque Serge Ménard, c’est qu’avant de prendre une décision définitive, elle va examiner les options.»Hivon Vs Couillard
Véronique Hivon a aussi voulu briser cette image dès le lancement de sa campagne lundi. «Je décide, mais je décide quand c’est important de le faire, au bon moment, et après avoir été capable de construire des consensus, a-t-elle dit. Et je pense que la politique devrait beaucoup plus s’enligner sur des approches comme celle-là.»
S’il appuie la candidate, Serge Ménard admet qu’il n’aurait jamais cru la voir se présenter comme députée, puis dans la course à la chefferie. «À l’époque, elle était tellement discrète que je ne croyais pas qu’elle irait dans le combat politique», affirme-t-il.
C’est finalement une amie et militante péquiste, Claudie Morin, qui l’a incitée à faire le saut en 2007. Véronique Hivon s’est d’abord présentée dans la circonscription de Jean-Talon, où le PQ avait peu de chances de l’emporter. Et ses espoirs ont fondu devant l’arrivée de son adversaire libéral… le ministre de la Santé Philippe Couillard, qui venait de changer de circonscription. Défaite, elle sera élue l’année suivante dans Joliette.
Si elle devient cheffe du PQ, Véronique Hivon aura donc son combat revanche contre Philippe Couillard en 2018, souligne Claudie Morin.
En trame de fond, la question familiale revient constamment dans le parcours professionnel de Véronique Hivon. Le hasard a voulu qu’elle devienne mère, par adoption, une semaine après son élection en 2008. En 2012, elle a quitté son poste de ministre déléguée à la Santé publique sous Pauline Marois en raison d'une grossesse difficile. Après une fausse couche, elle a repris ses fonctions deux mois plus tard à titre de ministre déléguée aux Services sociaux.
Véronique Hivon avait également choisi de ne pas se présenter à la succession de Pauline Marois en 2014 parce que le couple était engagé dans un processus d’adoption pour un second enfant, qui ne s’est finalement jamais concrétisé. Cet été, la candidate fera la tournée du Québec en famille, en plus de refuser les activités partisanes une journée par semaine.
Une souverainiste à McGill
Tout comme Serge Ménard, Claudie Morin ne croyait pas en 2007 que son amie se lancerait dans une course à la direction d’un parti. «Elle n’avait pas de plan de carrière défini, ce n’était pas son but», dit-elle.
Toutefois, la fibre souverainiste est présente depuis longtemps. Un ami de l’époque où elle étudiait en droit à l'université McGill, Francis Harvey, se souvient qu’elle était déjà indépendantiste et songeait à faire le saut en politique. Bien qu’il soit fédéraliste, il lui avait alors promis de travailler à son élection… tout en votant pour le Parti libéral.
Véronique Hivon faisait partie des quelques étudiants «doués» arrivés directement du Cégep, se souvient-il, alors que McGill exigeait généralement, comme le veut la tradition ango-saxonne, un baccalauréat avant de s’inscrire en droit. «Elle n’avait pas de problèmes à se fondre dans un groupe de gens un peu plus vieux», se rappelle Francis Harvey.
On sous-estime souvent sa force de caractère, affirment ses proches. «Ce n’est pas la Véronique fragile qu’on croit qu’elle est», insiste Claudie Morin, qui était sa conseillère politique dans le dossier Mourir dans la dignité.
L’ex-ministre de la Justice, Linda Goupil, a d’ailleurs été témoin de son côté plus frondeur quand elle était sa directrice de cabinet adjointe. Un jour, des mandarins de l’État refusaient «avec un brin d’arrogance» d’écouter les arguments de la jeune femme qui n’avait pas encore 30 ans. «Véronique leur avait rappelé haut et fort que nous représentions le peuple et que l’État doit prendre la direction que le peuple souhaite qu’elle prenne, et non pas l’inverse», se rappelle Linda Goupil.
«Les hauts fonctionnaires ont été étonnés, ajoute-t-elle, mais ils ont dû faire ce que nous voulions.»
Une candidature à gaucheDéjà, l’entourage de Véronique Hivon affirme qu’elle fera campagne plus à gauche que son principal rival, Alexandre Cloutier. On fait le pari que ce dernier se positionnera plus au centre que lorsqu’il affrontait Pierre Karl Péladeau. «On se définit toujours par rapport à son adversaire», souligne-t-on dans l’entourage de Véronique Hivon.De la même façon, l’équipe de communication de la députée la présente comme le renouveau du parti, par opposition à «l’establishment» qu’incarnerait Alexandre Cloutier, qui a reçu l’appui de plusieurs ténors du PQ.Ironiquement , l’approche plus douce de Véronique Hivon pourrait en faire une adversaire plus difficile à attaquer, si elle devient cheffe de l’opposition officielle. Une source dans son camp décrit ainsi l’effet qu’auraient les attaques dans l’opinion publique : «Ce serait comme tirer sur un panda».
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