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8 avril 2016 |Lise Payette
« N’attendez pas la solution de vos problèmes des hommes politiques puisque ce sont eux qui en sont la cause. »
C’est une phrase signée Alain Madelin, politicien libéral français dont il me serait difficile de partager toutes les idées, mais dont cette phrase a suscité chez moi un grand éclat de rire nécessaire après la semaine turbulente que nous venons de vivre politiquement au Québec. Ce qu’on appelle « l’affaire Hamad », qui a tenu le monde politique en haleine, mérite qu’on prenne le temps de réfléchir sérieusement à la situation dans laquelle nous nous trouvons comme peuple, sans l’avoir souhaité ou mérité.
Ce qu’il nous a été donné de vivre aurait été du matériel précieux pour un film de Woody Allen. Un ministre montré du doigt à un moment où l’UPAC vient de porter un grand coup dans les plus hautes sphères politiques québécoises, pendant que le mot « corruption » est sur toutes les lèvres : on peut choisir de fermer les yeux, ou il faudra avoir le courage de faire le ménage qui s’impose. Et le ménage, comme le suggère Madelin, ne viendra pas des politiciens. Eux, au contraire — et par habitude —, vont préférer balayer le tout sous le tapis.
C’est là que l’engagement citoyen pourra faire changer les choses. Il est évident que nous devons continuer d’exiger que la vérité soit faite et que la justice puisse jouer son rôle quel que soit le poste que la personne impliquée occupe.
Le peuple est piégé. Il ne sait plus où donner de la tête. On pourrait même penser qu’il est tellement dégoûté par ce qu’il découvre des manoeuvres de ses politiciens qu’il pourrait se mettre en colère. Il est évident qu’il n’acceptera rien qui ressemblerait à un « arrangement » pour sauver la face de qui que ce soit. Il ne veut plus des explications habituelles qui servent à présenter comme « normaux » des comportements qui ne sont pas acceptables.
Le premier ministre Philippe Couillard prend toute la situation de haut. Il donne des leçons, prêche sur les marches de l’église où on vient de dire adieu à la première femme qui a siégé comme députée à l’Assemblée nationale, dit que le ministre Hamad a toute sa confiance et que le responsable des questions d’éthique va se pencher sur toute la question. Avant jeudi, il avait été décidé que monsieur Hamad garderait tous les privilèges qui venaient avec le titre de ministre. On voulait traiter son cas comme une « maladie », rien de plus. La fameuse présomption d’innocence sera donc hautement respectée. Le choc a été encore plus grand quand on a appris que le ministre avait filé en Floride pour se reposer pendant que le bon peuple avait l’impression d’être le dindon de la farce.
Le Parti libéral du Québec a déjà été un grand parti politique. Il y a bien longtemps. Il s’est appliqué à devenir ce qu’il est maintenant et que nous avons eu tort de ramener au pouvoir sitôt après la défaite de 2012. Le ménage n’avait pas été fait et le parti a continué à se gangrener.
Son arrogance en ce moment ne trompe personne. Il va tout faire pour se tirer d’affaire, c’est sûr. En ce vendredi, une semaine après la débâcle, c’est à vous de décider de la suite à donner à toute cette affaire. Il fallait entendre la période de questions du mardi 5 avril alors que toutes les questions ont porté sur l’affaire en cause pendant 45 minutes. Le ton avait quelque chose de lugubre. On aurait pu penser que M. Couillard se chargerait de répondre, car c’est son rôle dans les circonstances, mais il ne l’a pas fait. Il a laissé monsieur « ceci étant » (Jean-Marc Fournier) faire la job à sa place. Presque 45 minutes de M. Fournier répondant aux questions de l’opposition avec au moins trois « ceci étant » par réponse, ça ne déclenche pas un enthousiasme fou.
Il faut porter attention à tout ce que Sam Hamad aura à raconter. Comme il a un français un peu laborieux, il aurait peut-être dû tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Il nous restera à prier pour que le Commissaire à l’éthique ne mette pas des années à éclairer notre lanterne.
Mais la chose la plus importante pour nous, c’est d’exiger que la vérité soit sur la table une fois pour toutes. Il faut aussi que ceux et celles qui tiennent au Parti libéral l’accompagnent dans une remise en question qui s’impose et un nettoyage en profondeur pour qu’il puisse espérer retrouver sa place auprès des citoyens du Québec.
Autrement, il ne restera qu’à lui faire des funérailles nationales qui seront sans doute suivies par un petit cocktail où les collecteurs de fonds reprendront du service.
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