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Publié le 24 novembre 2015 à 19h16 | Mis à jour le 25 novembre 2015 à 07h07
La juge France Charbonneau et le commissaire Renaud Lachance ont rendu public le rapport sur la corruption dans l'industrie de la construction mardi matin.
Publié le 24 novembre 2015 à 19h16 | Mis à jour le 25 novembre 2015 à 07h07
LA PRESSE CANADIENNE |
La juge France Charbonneau et le commissaire Renaud Lachance ont rendu public le rapport sur la corruption dans l'industrie de la construction mardi matin.
LIA LÉVESQUE
La Presse Canadienne
Montréal
La Presse Canadienne
Montréal
Dans son rapport tant attendu, la commission Charbonneau y va de plus d'une soixantaine de recommandations pour assainir les moeurs dans l'industrie de la construction et le financement des partis politiques, parmi lesquelles une loi pour mieux protéger les lanceurs d'alerte et, surtout, la création d'une Autorité des marchés publics.
Le rapport est toutefois assombri par un désaccord entre la présidente de la commission, la juge France Charbonneau, et le commissaire Renaud Lachance. Celui-ci a pris la peine d'écrire le «mot du commissaire» pour expliquer là où il trouve que la preuve n'a pas été si concluante.
«Je ne peux pas souscrire à la thèse développée dans la section 4,6 concluant à un lien indirect entre le versement de contributions politiques et l'octroi des contrats au niveau provincial», écrit ce dernier.
«Il y a un lien entre le développement des affaires et le financement des partis politiques au niveau provincial. Ce lien ne doit pas cependant être confondu avec celui faisant l'objet du mandat de la commission d'un lien entre l'octroi d'un contrat et le financement des partis politiques», écrit le commissaire Lachance.
Il rappelle que «tous les dirigeants d'entreprise témoins à la commission» ont répondu «non» à la question de savoir si le versement d'une contribution à un parti leur avait permis d'obtenir un contrat.
Même s'il se dit en désaccord «sur le contenu de ce chapitre, des faits saillants et de la description des stratagèmes associés à celui-ci, je suis en accord avec les recommandations liées à ce volet de notre mandat», prend-il la peine de souligner.
Financement des partis
Il reste que la commission est parvenue à formuler maintes recommandations ayant trait au financement des partis politiques.
Par exemple, elle recommande l'identification de l'employeur de celui qui fait un don à un parti politique.
Elle propose aussi que le chef d'un parti politique soit tenu de signer le rapport financier annuel du parti et qu'il y déclare qu'il a été «informé des pratiques de sollicitation de son parti et juge qu'elles sont conformes à la loi».
La CEIC propose aussi de modifier les codes d'éthique des élus municipaux et provinciaux ainsi que des membres de leur personnel afin d'interdire que des subventions ou projets soient annoncés lors d'événements de financement d'un parti politique.
Elle recommande aussi d'interdire au personnel des ministères de solliciter des contributions politiques aux fournisseurs et bénéficiaires de leur ministère.
Plus largement, en matière politique, la commission recommande de prévoir la suspension temporaire d'un élu qui est poursuivi pour corruption ou collusion et de «réfléchir» à la durée du mandat des maires.
La commission recommande aussi d'abolir le poste du Commissaire à l'éthique et à la déontologie de l'Assemblée nationale et du Commissaire au lobbyisme du Québec pour plutôt nommer un Commissaire à l'éthique et au lobbyisme. Celui-ci s'occuperait des règles d'éthique et de lobbyisme tant pour l'État québécois que les municipalités. Il serait nommé par un vote de l'Assemblée nationale avec le deux tiers des votes pour un mandat de sept ans.
De façon plus générale, elle conseille de limiter les exceptions au caractère public des délibérations des élus municipaux, afin que leurs échanges se fassent dans la transparence.
Elle recommande également de resserrer les règles concernant l'acceptation de cadeaux par des titulaires de charges publiques de la part de fournisseurs. Les audiences de la commission avaient permis de relever de nombreux cas d'invitations à des parties de hockey, sans compter les offres de bouteilles de vin et autres par des entreprises à des fonctionnaires.
Autorité des marchés
Mais la recommandation pivot de la CEIC consiste en la création d'une Autorité des marchés publics, chargée d'encadrer les marchés publics et de déceler les problèmes de malversation. Cette instance pourrait épauler les «donneurs d'ouvrage publics» dans leur gestion des contrats.
D'ailleurs, à cet effet, la CEIC propose de permettre à tous les donneurs d'ouvrage publics de pondérer les critères de prix et de qualité dans le processus d'adjudication des contrats dans la construction. Des ingénieurs s'étaient d'ailleurs plaints devant la commission de cette course au plus bas prix qui avait entraîné une baisse de la qualité des ouvrages.
De même, la commission d'enquête recommande le maintien d'une expertise au sein du ministère des Transports, qui avait transféré certaines fonctions aux firmes privées de génie. Ce ministère a déjà amorcé un certain processus pour regarnir ses rangs et la commission l'invite à poursuivre.
La commission recommande également d'étendre le champ de compétence du Vérificateur général du Québec à la gestion des municipalités de moins de 100 000 habitants.
Lanceurs d'alerte
Par ailleurs, comme on s'y attendait et comme plusieurs organismes le lui avaient suggéré, la commission recommande de mieux protéger les lanceurs d'alerte. La juge Charbonneau, dans son allocution, a d'ailleurs loué le «courage» de certains d'entre eux, comme le syndicaliste Ken Pereira, qui a dénoncé l'ancien directeur général de la FTQ-Construction Jocelyn Dupuis et ses dépenses, en plus de dénoncer les pratiques de discrimination dans le placement entre organisations syndicales.
La commission va jusqu'à recommander qu'on apporte aux lanceurs d'alerte un certain soutien financier «lorsque requis».
Elle propose aussi de confier au Directeur des poursuites criminelles et pénales le pouvoir d'attribuer certains avantages aux «témoins collaborateurs», comme celui d'arrêter toute procédure disciplinaire et toute procédure civile et celui d'interrompre toute réclamation fiscale contre eux au Québec