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mercredi, novembre 25, 2015

Rapport Charbonneau: passer la tondeuse

http://www.journaldemontreal.com/

CLAUDE VILLENEUVE
MISE à JOUR 
Je ne m’y attendais pas, mais je ressentais une certaine émotion en voyant France Charbonneau présenter son rapport derrière le pupitre d’où elle nous a été rendue familière.
J’étais à l’opposition officielle, en 2009, quand les allégations troublantes se sont multipliées. Avec des collègues, devenus amis, nous avons travaillé très fort avec nos élus à réclamer la tenue de cette commission d’enquête.
Les révélations se succédaient, de plus en plus grosses. On ne savait pas où ça allait s’arrêter. À un moment donné, c’était même rendu qu’on se rassemblait le jeudi soir: on commençait par un 5 à 7, puis on prenait les deux premières périodes de la partie de hockey et on passait de RDS à Radio-Canada à 21 h pour Enquête...
Changer la culture
Six ans, des millions de caractères imprimés puis des milliers d’heures de témoignages et de délibérations plus tard, qu’est-ce que tout ce travail aura donné?
Déformation professionnelle oblige, je me suis intéressé surtout aux recommandations du rapport portant sur les partis politiques. Il y a des choses très intéressantes là-dedans pour rendre plus imputables les personnes en autorité et pour que le financement soit plus transparent. Même à l’intérieur des différentes formations, on avait parfois de la difficulté à s’y retrouver.
Mais, au-delà de l’adoption de nouvelles règles, rien ne changera dans cet univers si le monde politique lui-même n’accepte pas de modifier sa culture.
Depuis trop longtemps, on refuse de débattre ouvertement de certains aspects de notre vie partisane. Un exemple, parmi d’autres: la juge Charbonneau recommande de nommer des représentants du public au comité consultatif du DGEQ. Il était temps! Les discussions qui s’y déroulaient demeuraient nébuleuses même pour les militants des partis.
Ce genre de recommandations forcera les acteurs politiques à ouvrir les fenêtres et, ce faisant, les libérera de cette espèce d’omertà qui, sans conduire à des activités illégales, retirait de l’emprise du débat public des pans importants de notre démocratie.
Constamment à refaire
Comme citoyen, il faut aussi opérer ce changement de culture. Depuis trop longtemps, on a considéré que la corruption était intrinsèque à l’activité politique, au point où on devait quasiment l’accepter.
On l’a beaucoup entendu, alors que la tenue de cette commission était réclamée. «De toute façon, qu’est-ce que ça donne? La corruption, on n’en viendra jamais à bout!» «Même la loi de René Lévesque, la belle loi dont on était si fier, elle ne fonctionne pas...»
À ce sujet, un collègue avait trouvé à l’époque une très belle métaphore: lutter contre la collusion et la corruption, c’est comme couper son gazon. Il faut passer la tondeuse régulièrement, sinon les mauvaises herbes se multiplient sur notre terrain, comme le crime organisé dans l’économie légitime.
C’est immature de réclamer une solution définitive à un tel problème, comme ça l’est pour la lutte au trafic de drogues. Ce serait comme décider de faire son lit un matin pour la dernière fois. Vous risquez de dormir sur l’édredon, pendant que les acariens proliféreront en dessous.
Prenons donc connaissance du rapport et, rapidement, exigeons du gouvernement qu’il bouge. Puis préparons-nous à devoir nous livrer à un nouvel entretien des quinze, vingt ou trente ans.