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jeudi, octobre 29, 2015

L’industrie du livre référendaire

http://www.journaldemontreal.com/

LISE RAVARY
MISE à JOUR 
Le 20e anniversaire du référendum de 1995 inspire nos éditeurs. Sur mon bureau, une pile d’ouvrages récents racontent l’histoire du référendum, exposent le vol du référendum ou grattent le bobo du référendum.
Dans son décapant, mais néanmoins jouissif essai L’avenir du bluff québécois. La chute d’un peuple hors de l’Histoire (Liber), le professeur de philosophie et pamphlétaire Christian Saint-Germain n’est pas tendre envers ceux qu’il estime incapables de concevoir et de vouloir l’indépendance au-delà de «l’agitation tribale» des années 1970.
Le Québec a changé depuis 20 ans. Le référendum de 1995 pour beaucoup, c’est de l’histoire ancienne.
L’auteur attribue en partie l’échec de 1995 à la Révolution tranquille. Nous aurions été distraits par la modernité au point de perdre les repères historiques et culturels qui auraient permis de comprendre pourquoi l’indépendance était essentielle­­.
«Nous sommes, écrit-il, dans une dynamique de préarrangements funéraires avec le Canada et dans la recherche des plus hauts standards vétérinaires pour l’agonie individuelle». C’est comme ça pendant 88 pages.
Que reste-t-il d’hier ?
Dans La Souveraineté en héritage (Boréal), le professeur de sociologie Jacques Beauchemin désespère de son peuple. «Nos ancêtres auraient-ils résisté et lutté avec courage depuis la Conquête pour voir leurs descendants dilapider l’héritage?» demande-t-il.
La nation et l’identité, deux thèmes de prédilection chez Beauchemin, sont aussi explorées. «Le doute, le déni et l’ambivalence sont lovés dans les replis secrets de notre identité.» Rien pour nous faire giguer de bonheur. Un très beau livre, mais empreint de tristesse et de lassitude.
Les avocats Frédéric Bérard et Stéphane Beaulac y sont allés d’un ouvrage à saveur juridique, Droit à l’indépendance (XYZ), qui examine tant la loi sur la clarté référendaire, les décisions de la Cour suprême que la quête de souveraineté de l’Écosse, de la Catalogne, du Monténégro, de Slovénie et du Kosovo. Accessible et instructif.
Demain, Jean-François Lisée lancera Octobre 1995 – Tous les espoirs, tous les chagrins (Québec Amérique), nul doute le plus candide de tous les ouvrages sur le référendum de 1995 qui contiendra son lot de révélations politiquement croustillantes, dont seul Lisée possède la recette.
Enfin, le polémiste Robin Philpot a réédité­­ son ouvrage de 2005, Le référendum volé : 20 ans plus tard (Baraka), une charge à fond de train contre le ROC, le gouvernement fédéral et l’organisme fantoche Option Canada. Philpot sait comment donner des jabs littéraires.
Aujourd’hui, qu’en reste-t-il ?
Des Québécois intelligents et lucides ont répondu non en toute connaissance de cause en 1995, mais ils n’écrivent pas beaucoup de livres. C’est malheureux, car il y a certainement une autre manière de revivre les événements du 30 octobre 1995 que par une séance d’autoflagellation.
Mis à part Le livre qui fait dire oui d’Option nationale, les ouvrages sur le référendum de 1995 sont absents des palmarès de ventes. Astérix, Boucar Diouf, Millenium 4, Foglia, les recettes de Famille futée et le Livre de la lumière. Interrogez le ciel et il vous répondra, de Ginette Reno, se battent pour la première place.
Le Québec a changé depuis 20 ans. Le référendum de 1995 pour beaucoup, c’est de l’histoire ancienne. Il n’aurait rien à en tirer. Si le Québec veut devenir un pays, il devrait se préoccuper de l’avenir plus que du passé. Une nation ne peut se nourrir exclusivement de nostalgie, de colère et de ressentiment.