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dimanche, septembre 06, 2015

Unir les francophones?

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Mathieu Bock-Coté
La question nationale a connu de meilleurs jours au Québec. Pendant près de quarante ans, elle structurait notre vie politique. Aujourd’hui, bien des Québécois cherchent à s’en détourner. Ils veulent parler d’autre chose.
Cela joue beaucoup dans le grand élan qui semble porter le NPD au Québec. Et pourtant, la réalité est têtue, on veut la fuir et elle trouve toujours le moyen de se rappeler à nous. Cela a été le cas cette semaine.
Le gouvernement Couillard est certainement le plus fédéraliste de notre histoire. Son chef est d’un antinationalisme enragé et délirant.
On apprenait il y a quelques jours, à la suite d’une suggestion du rapport Robillard, que le gouvernement Couillard envisageait de confier à Ottawa la collecte des impôts au Québec. Traditionnellement, quand les services étaient dédoublés entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, on souhaitait que le second se retire.
Aujourd’hui, le gouvernement Couillard propose l’inverse et veut renoncer aux outils de notre autonomie fiscale.
Fédéralisme extrême
Le gouvernement Couillard est certainement le plus fédéraliste de notre histoire. Son chef est d’un antinationalisme enragé et délirant. Comme s’il était allé à l’école politique de Pierre Elliott Trudeau. Il y a quelques semaines à peine, il n’était pas loin de prophétiser une invasion de sauterelles en cas de souveraineté. Pour lui, l’indépendance serait une catastrophe. Manifestement, il veut tuer le mouvement souverainiste.
Est-ce par hasard que la CAQ a décidé, à peu près au même moment, de faire connaître sa nouvelle position constitutionnelle? En gros, elle en revient à un nationalisme à la Robert Bourassa. Mais avec une nuance importante. Elle identifie certains pouvoirs essentiels pour la survie de l’identité québécoise, comme la langue, la culture et l’immigration, puis voudrait ensuite tenir un référendum pour obliger le Canada à négocier un nouvel accord avec le Québec.
La CAQ, longtemps, a voulu fuir la question nationale. Elle se contentait de faire le service minimal, en se disant pour le Québec d’abord, tout en se contentant pratiquement du statu quo.
En se donnant une obligation de résultat, elle vient de proposer une petite révolution politique. Elle nous dit que le Québec a besoin de ces pouvoirs pour survivre, pour assurer son avenir identitaire comme peuple.
Les francophones désunis
Spéculons. Imaginons qu’elle prenne le pouvoir, tienne son référendum et le gagne. Si Ottawa cède, le Québec aura davantage de pouvoirs. Ce n’est pas la souveraineté, mais ce n’est pas rien. Mais si Ottawa dit non, que répondra la CAQ? Que le fédéralisme est irréformable et qu’il faut alors en sortir? Elle avouerait alors qu’elle a atteint un seuil de rupture avec le Canada. Où déciderait-elle de se coucher? Son nationalisme n’aurait alors été qu’un bluff électoral.
Un problème ressort néanmoins: la division politique suicidaire des francophones. Si la tendance se maintient, la CAQ ne pourra pas faire son référendum sur l’autonomie, tout comme le PQ ne pourra pas faire celui qu’il souhaite sur la souveraineté. Car les nationalistes francophones sont divisés. Pendant ce temps, un Parti libéral de plus en plus étranger au peuple québécois le gouverne impunément et l’abîme intimement.
Le Québec a des intérêts nationaux. Il doit les retrouver. Il faudra peut-être trouver un programme commun aux nationalistes. On ne sait ni comment ni lequel.
Mais il est bien possible qu’ils doivent chercher dans cette direction.