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samedi, avril 18, 2015

Le pays sale

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18 avril 2015 |Michel David | Québec
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En août 2014, le premier ministre Couillard, tombeur du PQ, avait été accueilli en véritable héros à la réunion du Conseil de la fédération tenue à Charlottetown, que son homologue de l’Île-du-Prince-Édouard, Robert Ghiz, avait qualifiée de « rencontre historique ».
 
M. Couillard avait profité de l’occasion pour annoncer que le Québec allait se joindre à la Stratégie canadienne de l’énergie, que le gouvernement de Pauline Marois avait boudée, et inviter ses collègues des autres provinces à se retrouver à Québec au printemps 2015 pour un grand sommet sur les changements climatiques.
 
Il avait posé deux conditions à son adhésion à la stratégie commune : celle-ci devrait respecter les compétences du Québec et comporter un volet de lutte contre les changements climatiques. Quand on a demandé au ministre de l’Environnement, David Heurtel, si les participants à la rencontre de Québec allaient se pencher sur la question des sables bitumineux, qui sont les premiers responsables des émissions de GES au Canada, il a cependant expliqué que « la question de l’énergie est une question distincte ».
 
Autrement dit, une stratégie énergétique pancanadienne doit inclure la lutte contre les changements climatiques, mais on ne doit pas parler d’énergie quand on discute de changements climatiques. Décidément, le fédéralisme canadien obéit à une logique très particulière visant à ménager la chèvre et le chou.
 
C’est le même raisonnement tortueux qui fait en sorte que le projet Énergie Est sera évalué sans tenir compte des émissions de GES provoquées par l’extraction du pétrole des sables bitumineux qui coulera dans le pipeline de TransCanada, alors qu’en facilitant son exportation, le Québec contribuerait à en stimuler aussi la production, comme le fait valoir un nouveau rapport publié mardi par l’Institut Pimbina.
 

À l’issue de sa rencontre de mardi avec ses homologues provinciaux, le premier ministre a donné des signes d’impatience inhabituels devant le manque de leadership du gouvernement Harper, qui tarde à rendre publiques ses cibles de réduction de GES pour l’après-2020, en prévision de la conférence qui aura lieu à Paris à la fin de l’année.
 
On n’en est pas encore aux vives remontrances que Jean Charest adressait périodiquement à M. Harper, mais la grande déférence à laquelle M. Couillard nous a habitués dans ses rapports avec son homologue canadien commençait à devenir un peu gênante devant une mauvaise volonté aussi manifeste.
 
À trois reprises, M. Heurtel a tenté d’amorcer un dialogue avec sa vis-à-vis fédérale, Leona Agglukak, mais ce fut peine perdue. Mme Agglukak est si occupée qu’elle n’a pas davantage trouvé le temps de recevoir l’ambassadrice spéciale des Nations unies, qui avait fait un détour par Ottawa avant de se rendre à Québec.
 
Au moment où les provinces réunies à Québec pressaient Ottawa d’agir, le ministre canadien des Ressources naturelles, Greg Rickford, déclarait à New York que le bilan du gouvernement Harper au chapitre de l’environnement était « déjà exemplaire ». À bon entendeur, salut !
 
M. Charest s’était fait une spécialité de profiter des tribunes internationales auxquelles il avait accès pour opposer la bonne conduite du Québec en matière d’environnement à la délinquance fédérale. Son successeur s’est réjoui qu’une journée de la Conférence de Paris soit réservée aux gouvernements subnationaux et aux régions. On verra bien.
 

M. Couillard a assuré que le premier ministre Prentice, absent pour cause de campagne électorale, était conscient de l’urgence de la situation, mais la chute des prix du pétrole n’est pas de nature à inciter les Albertains, qui avaient perdu depuis longtemps l’habitude des déficits, à accepter de nouvelles contraintes à l’exploitation des sables bitumineux.
 
Non seulement les provinces ne s’entendent pas sur le principe de fixer un prix au carbone, mais le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, minimise les émissions canadiennes de GES dues au pétrole, invitant plutôt la communauté internationale à concentrer ses efforts sur une réduction de l’utilisation du charbon. Tout cela n’augure pas très bien pour la suite des choses.
 
Lors du point de presse qui a suivi la rencontre de Québec, on a demandé à M. Couillard ce qu’il pensait des compressions budgétaires que le gouvernement Harper a imposées à l’Environnement. Il a préféré esquiver la question, et pour cause.
 
En 2015-2016, l’enveloppe budgétaire consacrée à la protection de l’environnement sera inférieure de 14 millions à celle de 2014-2015, qui était elle-même inférieure de 9 millions à celle de 2013-2014.
 
Soit, les GES qui seront émis par la cimenterie de Port-Daniel n’ont aucune commune mesure avec les émissions provenant des sables bitumineux, mais ce projet n’en demeure pas moins le plus polluant de toute l’histoire du Québec.