À l’heure actuelle, les conjoints ayant vécu en union libre n’ont pas à dédommager leur ex après une rupture, mais doivent toutefois verser une pension alimentaire pour les enfants.
Ce sera peut-être le gros héritage de la cause Lola contre Éric : une redéfinition majeure du code québécois de la famille, qui imposerait aux conjoints ayant un enfant une obligation financière mutuelle. Et cela, peu importe qu’ils soient mariés ou pas.
C’est là la principale recommandation émise par le comité consultatif sur le droit de la famille, qui a dévoilé lundi un imposant rapport de 600 pages et près de 1300 notes complémentaires. Les travaux du comité visaient à adapter le code aux «nouvelles réalités conjugales et familiales». Le travail a été qualifié de «colossal» par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée.
Mis sur pied dans la foulée du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Lola c. Éric, le comité a conclu deux ans de travaux sur un constat qui modifierait profondément l’esprit du droit familial au Québec : c’est le fait d’avoir un enfant — et non pas d’être marié — qui doit constituer la porte d’entrée au code de la famille, dit-on.
Le comité propose ainsi de créer un «régime parental impératif». Dans celui-ci, «les parents d’un enfant commun seraient mutuellement tenus à certaines obligations l’un envers l’autre, peu importe qu’ils soient mariés ou en union de fait», a expliqué le président du comité, Alain Roy, professeur de droit à l’Université de Montréal.
«Puisque l’enfant est une responsabilité commune des parents, les désavantages économiques que le rôle parental peut occasionner ne doivent pas être supportés par un seul parent», estime M. Roy.
La proposition permettrait au conjoint qui a sacrifié une partie de son salaire ou de sa carrière pour jouer un rôle parental plus important d’obtenir une «compensation» de la part de l’autre conjoint. On ne parle pas d’un partage du patrimoine familial ou du versement d’une pension alimentaire, mais bien d’une «somme globale» qui serait déterminée à partir de lignes directrices décidées par Québec.
«Si un seul parent subit des pertes de revenus […], il n’est que justice que l’autre le compense au jour de la rupture», a indiqué Alain Roy en conférence de presse.
À l’heure actuelle, les conjoints ayant vécu en union libre n’ont pas à dédommager leur ex après une rupture. Ils doivent toutefois verser une pension alimentaire pour les enfants, une exigence qui ne changerait pas si le modèle du comité était adopté.
La cause Lola c. Éric avait été lancée par l’ex-compagne d’un milliardaire qui demandait une pension alimentaire pour elle-même après leur séparation. Si les propositions du comité avaient été en vigueur à ce moment, elle aurait pu obtenir une compensation de son ex-conjoint — après avoir fait la preuve d’un sacrifice économique.
Droit de retrait
Le rapport dévoilé lundi propose plusieurs autres transformations majeures. Entre autres : la réintroduction, pour les couples mariés, d’un droit de retrait (opting out) des obligations liées au mariage — le partage des biens, par exemple. Depuis 1989, il est impossible de s’exclure des règles du patrimoine familial avant un divorce : les «effets du mariage» sont essentiellement immuables. C’est là une disposition que le comité ne juge plus nécessaire.
«Un couple peut vouloir le mariage en raison de ce que l’institution représente sur le plan religieux, social ou culturel, mais sans vouloir les effets juridiques qui y sont normalement assortis», a expliqué Alain Roy.
«Ce serait une véritable révolution», a réagi lundi la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Julie Miville-Dechêne. La loi de 1989 «avait été une énorme victoire pour les féministes. L’idée était de protéger [économiquement] les femmes qui étaient davantage à la maison. Or, est-ce que la progression économique des femmes a été suffisante depuis pour mériter un tel changement? C’est la question que nous nous poserons» en analysant cette proposition, a-t-elle indiqué en entretien.
Unions de fait
Le comité recommande par ailleurs à Québec de ne pas modifier les droits et obligations desconjoints de fait — un type d’union qui représente 38 % des couples avec ou sans enfant. Une question de libre choix, a soutenu M. Roy en conférence de presse.
Si les couples vivant en union libre désirent signer un contrat d’union de fait pour encadrer leur relation, ils ont la possibilité de le faire. Mais le comité estime que ce geste doit demeurer volontaire (opting in) : pas question de «marier de force» tous les couples du Québec, en somme.
Le comité suggère également de modifier le régime de la filiation pour les enfants issus demères porteuses. Si les deux parties — parents d’intention et mère porteuse — y consentent, une procédure permettrait d’établir plus rapidement le lien de l’enfant avec les parents d’intention. Une autre disposition imposerait à ces parents d’intention une responsabilité financière à l’égard de l’enfant et de la mère porteuse si jamais ils ne voulaient plus de l’enfant en cours de processus.
Le comité propose finalement de donner aux beaux-parents certains droits semblables à ceux des grands-parents (maintien d’un lien avec l’enfant de leur ex-conjoint). Il recommande aussi d’abolir l’union civile, un droit qui avait été introduit en 2002 mais qui ne serait plus utile (notamment parce que les conjoints de même sexe peuvent maintenant se marier).
Québec étudie
À Québec, la ministre Vallée a reçu le rapport avec intérêt, tout en se gardant d’y donner son appui : le gouvernement étudiera les propositions avant de décider quelles suites leur donner. «On a porté une attention particulière à protéger la liberté de choix», a signalé Mme Vallée en entretien. Elle avait déjà indiqué être opposée à l’idée d’imposer aux conjoints de fait des obligations semblables à celles découlant d’un mariage. «Mais il y a en même temps cette préoccupation du partage équitable des responsabilités qui découlent de l’arrivée d’un enfant», salue-t-elle.
Mme Vallée a qualifié «d’intéressante» l’idée d’une clause d’opting out pour le mariage, mais soutient qu’il faudra en analyser tous les impacts possibles avant d’y adhérer.
Au Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne estime que le rapport «fait un bon pas dans la bonne direction», même si le conseil aurait souhaité qu’il aille plus loin. «Ça nous donnerait un régime moins inéquitable pour le conjoint qui a sacrifié sa carrière pour élever un enfant», a-t-elle dit.
La fin de la punition corporelle?
Sera-ce la fin de la fessée ? Le comité consultatif recommande au gouvernement de «bannir en toutes lettres dans le Code civil le recours à la punition corporelle». Il s’agirait d’un «puissant message social», dit-on… tout en reconnaissant que ce serait plus symbolique qu’autre chose, puisque le Code criminel canadien accorde une immunité aux parents ayant eu recours à une force physique dite«raisonnable» pour corriger un enfant. Mais selon le comité, c’est une question de droit de l’enfant à la sécurité, à l’intégrité et à la dignité.
Ces jeunes enfants et leurs parents d’origine nigériane ont trouvé refuge dans un camp de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés à N’Gouboua, sur les rives du lac Tchad.
Il y a un an, le monde entier criait son indignation à la suite de l’enlèvement sauvage de 276 écolières nigérianes par le groupe terroriste Boko Haram. Douze mois, plus tard, les exactions au nord du Nigeria se multiplient auprès des jeunes, garçons comme filles, alors que le nombre de mineurs déplacés par ce conflit meurtrier a doublé en un an.
Au cours de 2014, plus de 800 000 enfants ont été forcés de fuir leurs maisons et leurs villages dans la foulée des combats opposant Boko Haram à diverses forces gouvernementales et milices civiles pour repousser l’avance de la tristement célèbre secte, affirme le rapport de l’UNICEF Missing Childhood, dévoilé lundi. C’est donc deux fois plus que le nombre d’enfants déplacés par ce conflit l’année précédente.
Si le mouvement #BringBackOurGirls, propulsé par les réseaux sociaux, avait braqué les projecteurs sur le sort d’esclaves sexuelles et les mariages forcés imposés aux jeunes filles enlevées par ces fous de Dieu, les atrocités, comme le confirme ce rapport, frappent chaque jour indistinctement avec autant de cruauté tous les enfants. En fait, Boko Haram a fait des enfants sa cible première, en multipliant les attaques sur les écoles, tuant 314 écoliers et 196 de leurs enseignants entre janvier 2012 et décembre 2014.
Principales victimes de cette boucherie, les enfants sont désormais utilisés comme armes de guerre, kidnappés pour servir d’enfants soldats, de boucliers ou de bombes humaines.
«Encore plus inquiétant, des enfants et des jeunes sont placés de manière stratégique dans la ligne de mire, lors d’attaques ciblant des écoles et des enlèvements massifs. Des rapports font même état d’enfants forcés de porter des bombes fixées à leurs corps pour les faire exploser en public. Ces graves violations des droits de l’enfant doivent cesser immédiatement», a déclaré M. Morley, chef de la direction pour UNICEF Canada. «Ces enfants sont témoins d’actes de violence et d’horreurs inimaginables», ajoute-t-il.
De nombreux rapports ont signalé ces derniers mois le recours par le groupe rebelle à des enfants et à des femmes, bourrés d’explosifs, pour mener des attentats suicides. Le plus récent a été perpétré en janvier dernier au marché de Maiduguri, faisant 20 morts, alors qu’une fillette de dix ans a été munie d’une charge explosive.
Marqués pour la vie
Les dessins d’enfants nigérians réfugiés dans les camps au Tchad, au Niger ou au Cameroun témoignent d’ailleurs de cette violence inouïe, montrant des pères et des mères égorgés au couteau, fusillés ou enlevés sans laisser de traces.
Aisha, âgée de 13 ans, a vu son père assassiné et sa mère enlevée par les rebelles de Boko Haram dans son village de Gwoso. Elle a fui avec une de ses soeurs vers le camp de réfugiés de Yola. Evelyn, elle, assistait à la messe quand les djihadistes ont mis son village à sac. Séparée de son fils de 5 ans, elle s’est réfugiée avec sa fille d’un an dans les montagnes, survivant de baies et d’eau de pluie pendant des semaines. Sur le dessin de Fanta, 10 ans, réfugiée au Niger, on discerne des corps décapités, des tirs de mitraillettes, alors que Zanna, elle, a parsemé le sien de flaques de sang.
«Ces dessins témoignent de ce qu’ont vécu ces enfants de 8, 9 ou 10ans. Certains ont vu leurs parents torturés ou brûlés. Il n’y a pas que les filles qui sont victimes. Des garçons sont souvent tués plutôt qu’enlevés», précise Thierry Delvigne-Jean, canadien, chef régional de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest. Le rapport de l’UNICEF fait état de garçons aussi jeunes que quatre ans, utilisés par les rebelles de Boko Haram comme porteurs, guetteurs ou cuisiniers. «L’utilisation des enfants à des fins militaires se fait aussi par d’autres milices civiles», affirme M. Delvigne-Jean.
L’enfance prise en otage
Si l’UNICEF ignore le nombre exact d’orphelins créés par ces attaques sauvages, nombre d’enfants affluent seuls dans des camps de réfugiés, après avoir vécu la perte d’un parent ou de proches. Dans ces camps, près de 60 000 enfants ont reçu une aide psychosociale de l’UNICEF au cours des six derniers mois pour gérer leur détresse émotionnelle.
Outre cette aide psychologique, les besoins sont immenses pour ces enfants de la guerre, dont la majorité n’a plus accès à l’école, aux soins de santé de base et, pour certains, à une alimentation suffisante. Le nombre d’enfants privés d’accès à l’école au Nigeria est passé de 8 à 10,5 millions depuis 2007. La malnutrition frappe 18 % des enfants réfugiés de certains camps, et l’accès limité aux installations sanitaires fait craindre des épidémies de choléra et de poliomyélite.
L’UNICEF a lancé lundi une nouvelle campagne pour sensibiliser la population à cette crise humanitaire sous le mot-clic #BringBackOurChilhood. Selon l’organisme, il manque toujours 85 % des 26 millions nécessaires pour faire face aux besoins au Nigeria, 83 % au Cameroun et 99 % au Tchad.
L’appel de Malala
Malala, jeune lauréate du prix Nobel de la paix, a appelé lundi les dirigeants nigérians et du monde entier à faire plus pour libérer les lycéennes enlevées le 14 avril 2014 à Chibok, dans le nord-est du Nigeria.
Un an après le rapt de 276 écolières nigérianes, on est toujours sans nouvelles de 219 d’entre elles. «Les dirigeants nigérians et la communauté internationale n’ont pas fait assez pour vous aider», déclare Malala Yousafzai dans une lettre ouverte aux adolescentes otages.
Ce «message de solidarité et d’espoir»survient la veille d’une série d’initiatives prévues dans le monde pour marquer les 12 mois de captivité des lycéennes, telles que des marches, prières et veillées. L’ex-président nigérian, battu à l’élection présidentielle du 28 mars dernier, avait été fort critiqué pour son insensibilité et son inaction apparentes devant le sort tragique des jeunes filles. Pour Malala, il y a maintenant «des raisons d’espérer». «Les forces nigérianes regagnent des territoires et protègent davantage d’écoles», écrit-elle.