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lundi, novembre 02, 2015

La prochaine bataille

http://www.journaldemontreal.com/

JOSEPH FACAL
MISE à JOUR 
  Les derniers jours ont été riches en analyses sur les difficultés du mouvement souverainiste.
Bloc drapeau du QuébecParmi toutes les embûches, il n’y en a pas de plus massive que l’attitude des jeunes Québécois, dont environ 7 sur 10 s’opposent à l’idée de faire un pays du Québec.
Comment un projet qui prétend dessiner un avenir pourrait-il aboutir si ceux qui incarnent cet avenir le rejettent?
Mais l’affaire n’est peut-être pas aussi totalement décourageante qu’on pourrait le croire à première vue.
Méconnaissance
Je vis entouré de jeunes. Je leur parle beaucoup, mais je les écoute enco­re plus.
Chez eux, il n’y a pas la moindre trace de cette hostilité rageuse envers la souveraineté qu’on entend souvent chez les gens plus âgés, qui ont peur que les méchants «séparatisses» brisent «leur» Canada.
Chez les jeunes, c’est plutôt un mélange d’incompréhension et de scepticisme, doublé du sentiment que tout cela est un peu folklorique.
Ils ne sentent pas que l’identité québécoise est fragile et menacée. Ils ne savent même pas trop ce que c’est.
Les jeunes ne sentent pas que l’identité québécoise est fragile et menacée.
Pourtant, appelés à se définir spontanément, ils se diront beaucoup plus Québécois que Canadiens. S’ils n’ont aucune animosité envers le Canada, ils n’ont aucun attachement fort pour lui non plus.
Ils ont vaguement entendu parler d’un problème Québec-Canada, mais ils pensent qu’une réconciliation est possible.
Pour eux, c’est une question de bonne volonté, de mettre les bonnes personnes aux bonnes places, et non un problème de système.
En 1995, parmi les francophones du Québec âgés de moins de 30 ans, il n’y en avait que 40 % qui croyaient à une réforme du fédéralisme qui satisferait à la fois le Québec et le Canada. Les échecs constitutionnels étaient frais dans toutes les têtes.
Vingt ans plus tard, dans cette même tranche d’âge, le pourcentage qui croit à une possible réforme a doublé et atteint 80 %. Vous avez bien lu!
Évidemment, ils ne savent rien des échecs passés, de la mécanique constitutionnelle, ni de ce que le Canada réel pense des attentes du Québec francophone.
Ne les blâmons pas. Ils sont le reflet de notre époque et de la démobilisation souverainiste.
C’est la faute du mouvement souverainiste s’il n’a pas su transmettre aux jeunes les fondements classiques de sa justification, qui demeurent pertinents, ni combiner ceux-ci avec leurs préoccupations émergentes.
Repartir
On dit beaucoup que la mondialisation, internet et les lacunes de l’enseignement de l’Histoire seraient aussi des expli­cations de tout cela.
Sans doute, mais ces facteurs jouent également en Écosse et en Catalogne, où tous les observateurs notent la place importante occu­pée par les jeunes dans les mouvements souverainistes.
On semble aussi perdre de vue que 1,8 million de nouveaux électeurs, sans droit de vote en 1995, se sont ajoutés à l’équation. Qui peut les tenir pour acquis?
Les souverainistes doivent-ils attendre, en se lamentant, que les jeunes viennent à eux ou doivent-ils aller à leur rencontre? On change de jeunesse ou on change d’approche? La répon­se va de soi.

lundi, juin 29, 2015

L’élasticité morale

http://www.journaldemontreal.com/

Joseph Facal
À moins d’être dans un coma profond, vous avez sûrement entendu parler de Raïf Badawi, qui a été condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet en Arabie saoudite.
Son «crime»? Il animait un blogue dans lequel il prônait une libéralisation des mœurs en Arabie saoudite, ce qui équivalait, selon les autorités, à «insulter l’islam».
Woody Allen dirait que son sort pourrait être pire: en 2014, dans ce charmant pays qu’est l’Arabie saoudite, 87 personnes ont été décapitées en public.
La femme de Badawi et ses trois enfants sont à Sherbrooke. Le gouvernement canadien, qui se contente de réclamer la «clémence» pour Badawi, expli­que sa prudence par le fait qu’il n’est pas citoyen canadien.
C’est exact, mais je me demande si le vrai nœud de l’affaire n’est pas que le Canada vend pour 15 milliards $ de fournitures militaires au régime saoudien, principalement sous forme de véhi­cules blindés.
Duplicité
Non seulement le régime saoudien est-il l’un des plus répressifs et obscurantistes de la planète, mais il fait la promotion à travers le monde du wahhabisme, la forme la plus rigoriste de l’islam, celle dont se réclame le groupe terroriste État islamique.
Par contre, le régime saoudien a remporté, sur son propre territoire, une dure guerre de 10 ans contre les terroristes d’Al-Qaeda, refoulés vers le Yémen voisin. Bref, le terrorisme est un problème chez eux, mais pas chez les autres.
Remarquez, le Canada n’est pas le seul, loin de là, à nager dans la duplicité morale. Il n’est même pas le pire.
En octobre 2012, le président François Hollande, marchant sur des œufs, «invitait» très respectueusement la famille royale du Qatar à s’assurer que les activités humanitaires qu’elle finance ne soient pas détournées au profit des terroristes, à son insu évidemment.
Cela n’empêche pas un Nicolas Sarkozy, fermement décidé à redevenir président, d’être un habitué des loges VIP du PSG, le club de soccer parisien propriété de Tamin ben Hamad Al Thani, dirigeant suprême du Qatar.
Quelques mois avant les attentats de Charlie Hebdo, l’irrévérencieux magazine avait lancé sur Twitter une plaisanterie qui laisse un drôle de goût aujourd’hui: «Peur d’un attentat à Paris? Réfugiez-vous au PSG (le club de soccer parisien). C’est le seul endroit que n’attaqueront pas les djihadistes.»
Réalisme
Je ne dis pas qu’il faut couper les ponts avec ces régimes au nom des beaux principes. Ce serait irréaliste et contre-productif.
En politique, il est inévitable de devoir vivre avec des contradictions. Les États-Unis n’ont guère le choix de faire cause commune avec l’Iran en Irak, mais de s’opposer à l’Iran en Syrie. La pureté absolue vous sort du jeu et vous confine à l’impuissance.
Couper nos liens, ce serait se priver d’informations pour prévenir le terrorisme chez nous, perdre toute capacité d’influence, courir le risque de laisser toute cette région se doter d’armes nucléaires contrôlées par des fanatiques religieux, perdre des interlocuteurs en mesure de négocier la libération d’otages, sans parler du pétrole.
Le Canada, acteur secondaire, doit-il cependant pousser son élasticité morale jusqu’à vendre du matériel militaire? Non. D’autres pays s’y refusent.

lundi, mai 18, 2015

Les 5 défis de PKP

http://www.journaldemontreal.com/

Joseph Facal
Dans le lexique politique québécois, l’expression «les vraies affaires» est utilisée par les crétins qui pensent qu’un parti politique doit seulement s’occuper de bouts de route et de lits d’hôpital.
Très bien, alors nous dirons que, pour M. Péladeau et le PQ, les «affaires sérieuses» commencent dès demain.
Maintenant qu’il a obtenu le mandat fort qu’il souhaitait, cinq défis l’attendent.
Contenu
Le premier défi sera de mettre progressivement de la chair sur sa vision des choses.
Dans une course gagnée d’avance, il était normal qu’il n’en dise pas plus que ce qui était nécessaire pour parvenir sans encombre jusqu’au fil d’arrivée. Pourquoi prendre des coups inutiles alors que les vrais coups arriveront bien assez vite, gracieuseté des trois autres partis?
Quand il avancera des idées, voudra-t-il imprimer sa marque au parti, donc le faire évoluer, ou endossera-t-il plutôt les positions traditionnelles du PQ?
Parti de rien en termes d’expérience politique, M. Péladeau a gagné en aisance tout au long de la campagne
Un peu des deux sans doute. Reprendre toutes les positions traditionnelles du PQ amoindrirait l’effet de nouveauté et les chances d’aller chercher de nouvelles clientèles. Transformer complètement le PQ, c’est courir le risque que certains ne s’y reconnaissent plus.
Cet équilibrisme ne sera pas simple. Mais les congrès servent justement à cela.
Le second défi sera de ramener au PQ les souverainistes partis ailleurs. Ces derniers sont moins chez Québec solidaire ou à Option nationale que chez eux, déçus, découragés, résignés. L’appel à l’unité lancé par M. Péladeau vendredi soir fut son meilleur discours de la campagne.
Le troisième défi sera la position adoptée sur la question référendaire.
M. Péladeau a traversé la campagne en disant qu’il ne ferait pas de stratégie en public. C’était compréhensible dans le cadre d’une course au leadership.
L’élection de 2014 a montré cependant que le flou permet aux libéraux de faire croire que le PQ prépare un référendum en catimini. Aussi invraisemblable que cela puisse sembler, il y a des gens assez naïfs pour croire qu’on peut préparer une telle affaire sans que ça paraisse.
Bref, il faut que les Québécois sachent, au moment où ils votent pour choisir un gouvernement, si leur vote leur achète également un référendum ou pas.
Expérience
Le quatrième défi de M. Péladeau sera de sortir aussi indemne que possible de la sympathique petite fête d’accueil que le gouvernement Couillard lui a préparé.
Dans deux semaines, la commission parlementaire des Institutions débutera ses travaux sur la question de la conciliation entre l’engagement politique et le contrôle d’un groupe de presse.
Les élections partielles dans Jean-Talon et Chauveau, qui ne sont pas des circonscriptions faciles pour le PQ, ont été fixées au 8 juin par le gouvernement, précisément pour faire débuter le règne de M. Péladeau par deux défaites.
Le cinquième et dernier défi sera de poursuivre en accéléré son apprentissage de chef. Parti de rien en termes d’expérience politique, M. Péladeau a gagné en aisance tout au long de la campagne. Mais ce n’est pas terminé. Dans un régime politique où c’est le chef de l’opposition qui, jour après jour, mène la charge au parlement, c’est un apprentissage qui se fait largement au vu et au su de tous.

mercredi, mai 13, 2015

PQ, qui es-tu ?

http://www.journaldemontreal.com/

Joseph Facal
C’est aujourd’hui que les membres du Parti québécois commencent à voter pour se choisir un nouveau chef.
Dieu merci, cette interminable course dépourvue du moindre suspense est terminée. Les choses sérieuses commenceront lundi prochain.
Il faudrait un très gros livre pour faire le tour des problèmes qui affligent le PQ et des défis qui attendent M. Péladeau. Il n’a pas choisi la facilité et n’avait sûrement pas besoin de ça.
Clarté
Sa première cible: les électeurs de la CAQ, sans lesquels un retour au pouvoir du PQ à la tête d’un gouvernement majoritaire est difficilement concevable tant la démographie favorise les libéraux.
Sa seconde cible: les jeunes, qu’il faudra aller chercher sans les racoler avec cette insignifiante poutine multiculturaliste postnationale et bien-pensante, devenue chez eux un réflexe conditionné qu’ils confondent avec une pensée.
Bien avant certains souverainistes, ses propagandistes ont compris qu’elle était une véritable arme de destruction massive de l’identité nationale et de la cause souverainiste.
M. Péladeau sera un chef avec une trajectoire et des idées tout à fait différentes de tous les chefs qui l’ont précédé. Il sera fascinant de voir jusqu’où les membres le laisseront imprimer sa propre marque sur ce parti.
Par-dessus tout, le PQ a désespérément besoin de retrouver une identité claire. Il doit savoir de nouveau qui il est, ce qu’il veut et s’y tenir.
Une évidence, me direz-vous. Pas du tout.
Tantôt, on dit vouloir foncer vers un référendum. Puis, on met les freins. Après, c’est peut-être que oui, peut-être que non.
Un jour, on est pour le nationalisme civique. Le lendemain, on est pour le nationalisme culturel. Puis, on n’est plus trop sûr. Puis, on veut revenir en arrière, mais non, c’est pour mieux repartir.
Un jour, on est pour le développement économique. Le lendemain, on est pour le partage de la richesse. Un jour, on est «lucide». Le lendemain, on est «solidaire».
Un jour, on est pour le dégel des droits de scolarité. Le lendemain, on est contre. Le surlendemain, on dit qu’on va y réfléchir de nouveau. Et je pourrais multiplier les exemples.
Sens
Ce parti se cherche depuis longtemps. Les Québécois le voient bien. Qui est attiré par les gens totalement mêlés?
Sur des dossiers précis, il est normal qu’un parti s’ajuste, voire qu’il change son fusil d’épaule. Mais sur les grandes orientations, celles qui fondent son identité et son positionnement de base, il faut être clair, net et constant.
Prenez le Parti libéral. Il est radicalement opportuniste sur à peu près tout, mais sur l’essentiel, son ADN est immuable: il est fédéraliste, collé au milieu d’affaires et au service des minorités ethniques.
Les libéraux savent qui ils sont et à quoi ils servent.
Le PQ, lui, fait penser au gars saoul qui titube, qui ne sait plus où il a stationné son auto et qui, dans son esprit embrouillé, prépare déjà les excuses qu’il servira à sa femme.
Redonner sens et cohérence au PQ, voilà le plus grand service que M. Péladeau pourrait lui rendre. C’est aussi une condition préalable à tout progrès sur le front de la souveraineté.