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8 octobre 2016 |Michel David | Québec | Chroniques
8 octobre 2016 |Michel David | Québec | Chroniques
Jean-François Lisée attendait ce moment depuis longtemps. Quand il s’était porté candidat à la succession de Pauline Marois, il avait déclaré que c’était « le prolongement logique de sa carrière ». L’une de ses rares maladresses.
Le nouveau chef du PQ n’a jamais douté de ses capacités. Bien avant de se lancer en politique, il avait même commandé un sondage pour évaluer ses chances. Plusieurs apparatchiks péquistes en avaient fait des gorges chaudes.
Bien peu auraient parié sur ses chances au début de la course. Pas même lui. II s’était mis la presque totalité de ses collègues à dos en affirmant qu’il aurait démissionné si la charte de la laïcité avait été adoptée. Un manque de solidarité d’autant plus choquant que personne ne l’avait cru. Il avait encore aggravé son cas en déclarant que Pierre Karl Péladeau était une« bombe à retardement ». Un véritable crime de lèse-sauveur. Alors que son avenir semblait définitivement compromis, le député de Rosemont s’est plutôt appliqué à démontrer à quel point il pourrait être efficace dans le rôle de chef de l’opposition, en attendant celui de premier ministre.
Même ses détracteurs ont dû reconnaître que sa performance à l’Assemblée nationale était hors du commun. Alexandre Cloutier avait été le coup de coeur de plusieurs lors de la précédente course. Jean-François Lisée est aujourd’hui le choix de la raison. À tous les égards, il a démontré qu’il est le plus apte à offrir aux militants ce pour quoi ils désespèrent depuis des années : la victoire.
Que deviendra le PQ sous la gouverne de M. Lisée ? Ses trois derniers chefs ont fait chou blanc. Aux prochaines élections, il aura été au pouvoir à peine 18 mois en 15 ans. Marc Laurendeau n’avait pas tort de conclure son documentaire sur 50 ans du PQ en disant qu’« il joue maintenant sa propre survie ».
Il joue aussi son âme. La principale raison du succès de M. Lisée est d’avoir convaincu les militants péquistes qu’il était plus urgent de battre les libéraux et de donner un « bon gouvernement » aux Québécois que de tenir un référendum pour lequel le PQ n’est tout simplement pas prêt. Lors de la course précédente, Bernard Drainville avait été cloué au pilori pour avoir osé proférer cette hérésie.
La question est maintenant de savoir jusqu’où ira ce nouveau pragmatisme. Le nouveau chef a promis que le référendum sera bel et bien tenu dans un deuxième mandat, mais rien n’assure que les « conditions gagnantes » seront au rendez-vous. Si tel n’est pas le cas, l’ancien conseiller de Lucien Bouchard proposera-t-il une nouvelle « sortie de secours » ?
Une chose est certaine : les années Lisée seront tout sauf ennuyantes. Durant la course, il a démontré une fois de plus que son imagination est inépuisable, pour le meilleur et pour le pire. Maintenant qu’il est chef, il n’y aura cependant plus personne pour faire le tri de ses innombrables idées.
La victoire de M. Lisée, nettement plus forte que prévu, ne laisse aucun doute sur sa légitimité. Les manifestations d’unité ne doivent cependant pas faire illusion. Martine Ouellet ne renoncera sans doute pas à sa croisade pour tenir un référendum dans un premier mandat.
Même les chefs élus dès le premier tour ou par acclamation ont dû composer avec une opposition interne qui les a parfois conduits au bord de la démission. Les 17 % de voix recueillies par Mme Ouellet, dont l’opiniâtreté, pour ne pas dire l’obstination, est maintenant légendaire, ne peuvent que l’encourager à poursuivre sa croisade.
Alexandre Cloutier a nié avoir confié qu’il retournerait à la pratique du droit en cas de défaite. Il faut bien se fier à sa parole, mais encore faudra-t-il que le coeur y soit. Il est difficile de l’imaginer se transformer en chevalier de la laïcité pour séduire les électeurs caquistes dans lesquels son nouveau chef semble voir la clé d’une victoire péquiste en 2018.
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