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Je ne dormirais plus la nuit. Je regarderais sous mon lit avant de me coucher et je m’assurerais que tout est sous clef dans ma maison. Je parle de la maison politique surtout, parce que, dans ce monde étrange, on n’est jamais trop prudent.
Moi, j’ai toujours été comme ça. Si j’entends un loup autour de la bergerie, impossible de fermer l’oeil, car je suis incapable de faire confiance au loup dans ces circonstances. Et puis les loups, c’est connu, ils sont voraces. Il n’y a rien pour les arrêter quand ils ont choisi leur proie.
J’ai déjà lu quelque part que l’homme, souvent, est un loup pour l’homme. Dans ces cas-là, il est difficile à détecter, car il partage notre vie en société sans avoir l’air d’y toucher. C’est quand il frappe qu’on réalise que le loup vivait parmi nous, déguisé parfois en ami, profitant de notre naïveté jusqu’à ce que l’heure du règlement de compte ait sonné.
Suivez-moi et vous allez tout comprendre. À la place de Philippe Couillard, je serais hantée par le « retour » dans le domaine public d’un certain Jean Charest, tout souriant et égal à lui-même, même pas légèrement différent de celui que le Québec a mis à la porte il n’y a pas si longtemps et qui retrouve sans effort le ton d’un premier ministre pour affirmer que SON gouvernement était au-dessus de tout soupçon. Et tout ça sans rire. Ça ne vous donnerait pas le frisson, vous ?
Que devons-nous en penser ? Y aura-t-il un combat de Titans nourri par cette provocation soudaine et voulue de M. Charest ?
Prenons un peu de recul. Philippe Couillard, le beau parleur, tarde à faire reconnaître par la population qu’il est bien en selle et que, sur son cheval blanc, il nous conduira… où, en fait ? Tout le monde sait que ça dépend des jours ou des semaines et que la destination annoncée n’est pas toujours celle que nous allons atteindre. Changer d’idée aussi souvent que cet homme-là, ça finit par donner le tournis. Disons, pour rester polie, qu’il est difficile à suivre. Surtout quand il est évident qu’il ne sait pas où il va.
Cette grande faiblesse chez Philippe Couillard le rend plus vulnérable au loup qui a fini par réaliser que quand on n’est plus premier ministre, on n’est rien. Le loup s’ennuie du pouvoir. Comme tous les anciens premiers ministres, il a fini par se dire qu’il pourrait faire bien mieux que celui qui l’a remplacé.
Le loup s’était peut-être mis dans l’idée que la nourriture que pourrait lui fournir la bergerie d’Ottawa était plus tentante que celle du Québec. Remplacer Stephen Harper était une suite logique à sa carrière de loup. L’élection de Justin Trudeau a démoli son rêve.
À Québec, Philippe Couillard ayant été incapable de livrer la marchandise en deux ans de pouvoir, le Parti libéral étant en déroute, avec la commission Charbonneau et l’UPAC sur son dos sans répit, il était normal que le coeur du loup ne fasse qu’un tour. Il allait montrer de quoi il était capable.
Il est donc sorti de sa retraite discrète. Il a accepté de paraître en public et il n’a pas fui les questions des journalistes. Il n’allait certainement pas jouer le vilain de l’histoire, et pour ça, il allait foncer.
Sans rire, il a affirmé que SON gouvernement avait été le plus honnête et le plus éthique de tous les gouvernements. Il a renouvelé toute sa confiance en Nathalie Normandeau et il a eu un bon mot pour Sam Hamad en passant. Tout ça avec un sourire angélique qui avait l’air de dire : coucou, vous ne m’attendiez pas là, n’est-ce pas ?
Il se trouvera sûrement plein de vieux libéraux pour trouver que le retour du loup serait une bonne idée dans la tourmente qui secoue le parti en ce moment. La lamentable réussite de Philippe Couillard encouragerait probablement le Parti libéral à changer de chef le plus rapidement possible. Jean Charest vient juste de se signaler. Il dit : je suis là, je suis disponible, et moi, je sais comment ça marche. Le loup veut du pouvoir. Il a commencé à faire sa cour.
Maintenant que je vous ai prévenus, je vais pouvoir dormir en paix la nuit. Nous aurions intérêt à savoir en tout temps où se trouve Jean Charest, qui il voit, mais surtout s’il se voit lui-même comme le sauveur du Parti libéral. Une chance que nous avons réussi à sauver l’UPAC. À condition que ceux qui y travaillent ne s’encroûtent pas, nous avons une bonne chance un jour de connaître toute la vérité sur notre étrange démocratie.
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