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lundi, avril 11, 2016

MÉDIAS À quoi sert Radio-Canada?

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11 avril 2016 |Stéphane Baillargeon
La première semaine de la nouvelle émission Les échangistes a donné une bonne idée de ce que la télévision d’État va ramener encore cet été : des vedettes parlant à des vedettes de leurs affaires de vedettes. Comme si on n’en avait déjà pas plus qu’assez.
 
Il y a la manière bien sûr. D’autres prendront le soin de finasser autour de cette ixième mouture, chacune des déclinaisons ayant ses forces et ses faiblesses. Je ne signalerai qu’une particularité symboliquement éclairante fournie par le design du plateau de cette émission.
 
Il y a plusieurs façons d’organiser le rapport entre le public et le spectacle dans un studio de télévision. Le talk-show à l’américaine se contente du bon vieux rapport salle-scène hérité des théâtres. Le Ti-Mé show, qui se veut un pastiche, reproduit ce modèle. La nouvelle production de Marc Labrèche déclinera une version plus circulaire et englobante l’automne prochain, un peu comme Tout le monde en parle place la zone des échanges entre deux rangées de spectateurs.
 
Les échangistes propose autre chose. Cette fois les vedettes trônent sur une plateforme surélevée où l’habituel pupitre de l’animatrice a disparu. Les dieux mineurs et majeurs de notre Olympe de pacotille s’y rassemblent en cercle pour discuter entre eux. Ils se retournent parfois pour interpeller un mortel, en contrebas.
 
Ce n’est pas un détail. Il n’y a rien d’innocent dans cette mise en scène du spectacle comme la manière de titrer, d’illustrer et de hiérarchiser une nouvelle dit bien quelque chose sur la conception de l’information dans un média.
 
Mais bon, l’essentiel n’est pas là. D’ailleurs, la réaction critique sur le fond des Échangistesn’a pas tardé.
 
Dès vendredi, Roméo Bouchard signait dans Le Devoir une critique féroce de la tendance encore une fois confirmée à surexposer médiatiquement des vedettes que l’on voit déjà partout. « Ce n’est plus seulement une tendance, c’est devenu une calamité, écrit-il, une politique délibérée de désinformation, un détournement de démocratie, une autre stratégie de l’offensive des riches pour s’enrichir sans avoir les citoyens dans les jambes. La formule est vieille comme le monde : régner tranquillement, en offrant du pain et des jeux au petit peuple. »
 
J’ai entendu à peu près le même reproche formulé par Germain Lacasse, professeur associé à l’Université de Montréal en études cinématographiques, dans une table ronde sur les séries télévisées. L’intello du cinéma a dit en gros que, sauf exceptions, Radio-Canada ne produit finalement que du divertissement mou et médiocre, de la fiction convenue, des histoires consensuelles qui ne dérangent personne et ne bousculent rien. Radio-Canada ne serait qu’une machine de plus à fabriquer de l’insignifiance.
 
La question de la raison d’être fondamentale du diffuseur public apparaît un peu partout. Après l’annonce en mars du gonflement des budgets de CBC/Radio-Canada de quelque 675 millions au cours des cinq prochaines années, un trio de concurrents privés francophones (les groupes TVA, Serdy, et V) a réclamé un examen de tout le système national de soutien et d’encadrement de la télé en général et du diffuseur public en particulier.
 
« RC se comporte comme un joueur privé depuis des années », a résumé Sébastien Arsenault, du groupe Serdy (les chaînes Évasion et Zeste). Il a résumé le problème par cette formule-choc : « Est-ce que les nouveaux fonds vont servir à acheter encore plus deDesperate Housewives ? »
 
Le trio a donc réclamé un examen du mandat de RC. Pour l’instant, le diffuseur doit divertir, éduquer et informer.
 
À quoi bon en rajouter ?
 
À l’usage, on voit bien que les trois fonctions sont trop souvent divisées alors qu’elles devraient être fondues et intrinsèquement liées, presque partout et tout le temps, avec des dosages, évidemment. On ne demande pas à Céline Galipeau d’imiter Infoman. Par contre, les séries et les divertissements de RC devraient obligatoirement comporter un supplément d’intelligence et de pertinence sociopolitique, sinon à quoi bon rajouter du gris sur la grisaille ?
 
Les refontes du secteur de l’information entreprises depuis des années donnent des signes contradictoires. RC a comprimé ses budgets et mis à pied des centaines d’employés, mais aussi négocié un complexe virage numérique. La réorganisation des différentes plateformes annoncées la semaine dernière autour de deux axes (l’information en continu ou d’impact) complète cette mutation autour du très nouveau et du très ancien, du vite et du lent, de l’instantanéité et de la profondeur.
 
Le lancement de la chaîne radio Première Plus va dans le même sens. Bref, dans la tourmente, avec plein de contraintes, le service national de l’information sait revenir aux fondamentaux tout en prenant acte de la révolution numérique en cours. Merci.
 
La réorganisation du secteur du divertissement et de l’éducation mise aussi évidemment sur les nouvelles plateformes (qui ne le fait pas ?) sans pour autant donner des signes de retour aux sources fondatrices, disons pédagogiques et démocratiques. Le réseau public a annoncé récemment la création d’une chaîne complète de sa plateforme Tou.tv Plus consacrée à Véronique Cloutier, qui était évidemment de la première fournée d’invités des Échangistes.
 
A-t-on vraiment besoin de ça là ? A-t-on vraiment besoin d’en rajouter ?

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