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mercredi, avril 20, 2016

Le sexisme pas juste au parlement...

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PUBLIÉ AUJOURD'HUI À 5 H 32
Justin Trudeau célèbre la Journée internationale de la femme en 2016.
Justin Trudeau célèbre la Journée intern   PHOTO : FRED CHARTRAND
Ah... les voies ensoleillées! Il semblait si simple, pour certains, de s'imaginer que l'avènement d'un conseil des ministres paritaire et l'élection d'un premier ministre résolument féministe allaient tout changer à Ottawa. La parité, l'égalité, le respect, toutes les promesses étaient permises. Or, le témoignage de la députée conservatrice Michelle Rempel, dans une lettre ouverte, est venu fracasser ces illusions.
Emmanuelle Latraverse
  Un texte d'Emmanuelle Latraverse
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Le problème du sexisme à l'égard des femmes à Ottawa est loin d'être réglé. Le débat qu'il suscite illustre à merveille que ce problème dépasse largement les couloirs de la politique.
Nous sommes en 2016!
Certes tous peuvent se réjouir qu'on n'oserait imaginer Sheila Copps se faire traiter de « Sheila Tequila » ou se faire dire de « se taire mon bébé » par un collègue, ou encore que Deborah Grey s'entendrait décrite comme « plus qu'une grosse tranche de bacon ». Les sanctions sévères imposées aux deux députés libéraux accusés d'inconduite sexuelle ont inspiré une retenue certaine aux députés qui seraient tentés de dépasser les bornes auprès de leurs collègues féminines. Mais ces avancées ne veulent pas dire pour autant qu'il ne reste pas beaucoup de travail à faire pour que les femmes en politique cessent d'être traitées différemment que les hommes.
« Le sexisme de tous les jours auquel je fais face implique de recevoir l'épithète debitch lorsque je n'acquiesce pas automatiquement à la demande de quelqu'un ou que je ne capitule pas sur un enjeu », a dit Michelle Rempel, dans une lettre ouverte dans leNational Post.
Pour ceux qui côtoient les couloirs parlementaires, les attitudes que Michelle Rempel a dénoncées ne sont pas nouvelles. Elle n'est pas non plus la première à se faire dire par un collègue : « Tu m'allumes quand tu es directe. » Elle n'est surtout pas la première à se faire traiter de « bitch ».
Ce qui est révélateur c'est qu'elle ait encore à le dénoncer. Et ce qui l'est encore davantage, c'est la réaction qu'elle a suscitée lorsqu'elle a interpellé les hommes.
Un sexisme au-delà du Parlement
Sa lettre ouverte dans le National Post a suscité quelque 130 commentaires. Le texte à ce sujet sur le site de CBC en a suscité près de 600.
Il faut prendre la peine de les lire pour constater à quel point Michelle Rempel a touché une corde sensible.
Pourtant Mme Rempel n'a fait qu'exprimer qu'elle en a marre d'encaisser des commentaires auquel aucun de ses collègues mâles ne serait soumis, et qui a surtout osée faire valoir qu'il serait temps que la lutte contre le sexisme soit également la responsabilité des hommes. Eh bien, on peut dire qu'elle a eu la monnaie de sa pièce.
Celle qui voulait alimenter le débat sur le sexisme en 2016 a eu droit à des encouragements, mais aussi à un énorme lot d'attaques personnelles.
On a amplement soulevé des doutes sur ses véritables intentions : leadership conservateur, ambition. D'autres ont balayé ses propos du revers de la main sous prétexte qu'elle est conservatrice. On lui a reproché d'en vouloir à tous les hommes, d'être une égocentrique à la recherche d'attention. Dans la confortable zone grise des commentaires sur le web, cette femme, députée fédérale, s'est fait traiter de « princesse », « de Bimbo chialeuse », « d'arrogante féministe ». On lui a même reproché de s'être lancé dans les « Olympiques de l'oppression ».
C'est sans compter que chacun des exemples qu'elle soulève dans sa lettre ouverte a été disséqué dans tous les sens pour évaluer s'il s'agit vraiment de sexisme, ou s'il ne faudrait pas plutôt que les femmes en position d'autorité dans un milieu d'hommes « se durcissent la couenne » un peu.
Disons qu'on est loin des idéaux égalitaires des voies ensoleillées.
Si Michelle Rempel voulait soulever un débat sur le climat encore sexiste qui subsiste dans les couloirs du parlement à Ottawa, elle aura également réussi à démontrer que l'enjeu demeure d'actualité dans l'ensemble de la société.
Un malaise qui persiste à Ottawa
Le plus révélateur dans toute cette histoire demeure la réaction qu'a suscitée sa sortie à Ottawa.
Le silence chez les conservateurs était presque assourdissant.
Bien sûr, tout féministe qu'il est, le premier ministre Justin Trudeau a commenté la situation. « Ça continue d'être un grand défi dans des lieux de travail à travers le pays. On a fait des améliorations ici, mais il y a encore énormément de travail à faire et on fait partie de la solution », a déclaré, le premier ministre. Mais ce premier ministre féministe a bien évité de préciser le rôle de ses propres ministres, les pistes de solution possible et l'ampleur du problème.
Ce sont des femmes qui sont allées au front
« Je crois qu'il y a du sexisme au parlement », affirme sans équivoque Carolyn Bennett. La ministre des Affaires autochtones et du Nord est de celles qui croient que le sexisme en 2016 est plus sournois. Moins de commentaires sur les jupes, les jambes, mais un laisser-aller certain lors des échanges partisans en chambre.

Vous êtes celle qui est confuse, qui doit lâcher le café, prendre un Valium, ce sont des choses qui m'ont été adressées et je ne crois pas que mes collègues masculins y aient été soumis.Carolyn Bennett, ministre des Affaires autochtones et du Nord
Sans surprise, ces femmes ministres ont toutes affirmé ne pas avoir été victimes de sexisme depuis les derniers mois. Il ne manquerait plus que ça! Mais le fait qu'elles aient ouvertement parlé du problème révèle leur préoccupation. Leur témoignage se voulait un coup de chapeau à leur collègue conservatrice.
La ministre du Commerce international, Chrystia Freeland, a raconté qu'on lui a maintes fois reproché d'avoir une voix stridente, ce qu'on ne reproche jamais à un homme, dit-elle. Dorénavant, si elle défend un dossier avec passion, elle fait « très, très attention à ce que sa passion ne semble pas inappropriée », a-t-elle admis d'un ton posé, d'une voix plus grave, comme si elle voulait mettre en pratique ses bonnes résolutions afin d'échapper aux commentaires désobligeants maintes fois entendus.
Finalement, la ministre responsable de la condition féminine en a rajouté. Patty Hajdu est convaincue que le problème dépasse largement les limites de la capitale fédérale.
Avec son regard pétillant et son sourire, elle affirme qu'elle s'est à maintes reprises fait reprocher dans le passé d'être trop agressive, trop ambitieuse, pas assez discrète, alors que ces traits de personnalité sont célébrés dans bien des milieux masculins.
Et le rôle des hommes?
Patty Hajdu a applaudi la lettre de sa collègue conservatrice Michelle Rempel. Enfin, a-t-elle dit, on ose enlever tout le fardeau de la lutte contre le sexisme des épaules des femmes.

Ce que j'ai aimé de cet article est l'appel aux hommes de se montrer à la hauteur et de reconnaître leur responsabilité face à cet enjeu. Nous devons avoir des standards éthiques plus élevés et dire que cela n'est pas acceptable.Patty Hajdu, ministre de la Condition féminine
Les femmes au sein du Cabinet Trudeau ont toutes la certitude que la parité à la table des décisions leur a offert un climat enfin égalitaire, respectueux et réceptif à leurs perspectives. Mais le silence de leurs collègues masculin sur cette question et le malaise de leurs jeunes collègues révèle peut-être tout le chemin qui reste à parcourir.
Comme ailleurs dans la société, à Ottawa aussi ils semblent bien nombreux à croire que le sexisme est le problème des autres. Après tout, nous sommes en 2016, c'est bien mieux qu'en 1984.

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