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À partir de maintenant, c’est sauve-qui-peut
Dans des circonstances normales, les Libéraux n’auraient jamais été élus en avril 2014. Ils traînaient beaucoup trop de casseroles. Et n’eurent été des doutes surgis devant la Commission Charbonneau sur l’intégrité de Pauline Marois et de son conjoint Claude Blanchet, de l’impardonnable confusion du PQ sur sa propre option, de la division du vote des francophones, et de l’appui massif des médias au PLQ, ils n’auraient jamais été appelés à former le gouvernement.
Un important déficit de légitimité
Dès le départ, le gouvernement Couillard affichait un important déficit de légitimité comme je le soulignais dans un article paru un mois après l’élection :
« Quelle situation incroyable ! Le gouvernement Couillard vient à peine d’entrer en fonction que déjà il affiche un déficit de légitimité comme en sont affligés les gouvernements au pouvoir depuis trop longtemps.Vous me direz à juste titre « Mais n’est-il pas majoritaire ? » et vous aurez raison… en partie. Mais en partie seulement.Et malheureusement pour ce gouvernement, l’autre partie est plus importante.Passons sur le fait que si le PLQ a bien fait élire 70 de ses candidats sur un total possible de 125, avec 41,52 % des suffrages exprimés, il n’a obtenu l’appui que de 1 757 071 électeurs sur les 6 012 440 inscrits, soit même pas le tiers.Sur le simple plan de la démocratie, ce résultat devrait déjà lui inspirer une petite gêne dans ses élans pour tout chambouler et imposer sa marque, son monde et ses choix politiques. S’il devait dépasser les faibles limites de son mandat démocratique, la population se chargerait très rapidement de le rappeler à l’ordre, au besoin à coups de casseroles dans la rue.Mais en démocratie, la légitimité ne repose pas que sur le résultat d’un scrutin, comme je l’ai démontré amplement dans un ouvrage publié en 1997 chez Stanké dans la foulée du référendum de 1995, La prochaine étape, Le défi de la légitimité. De nombreux facteurs y contribuent, à commencer par l’autorité morale qui repose d’abord et avant tout sur une perception d’intégrité.Sur ce plan, le gouvernement Couillard est largement déficitaire, comme les événements de la semaine viennent de nous le démontrer, non pas tant par les gestes qu’il a posés que par son étiquette PLQ et sa filiation avec le gouvernement Charest. Il lui est impossible de renier l’un comme l’autre.Et ce que nous avons vu jusqu’ici n’est encore que de la petite bière à côté de ce qui s’en vient, que ce soit devant la Commission Charbonneau, ou devant les tribunaux avec l’aboutissement judiciaire des nombreuses enquêtes policières en cours.Qu’il s’y prenne comme il le voudra, le gouvernement Couillard ne pourra pas se libérer de ce boulet (merci Julie) qui va l’entraver pendant toute la durée de son mandat. L’hypothèque est si lourde qu’il faut même se demander s’il pourra le terminer.Dans Le Devoir de samedi, dans un éditorial titré fort à propos « La boîte à surprises », Bernard Descoteaux évoque l’existence d’un « malaise palpable » au sein du conseil des ministres dont plusieurs membres risquent à tout moment de se faire interpeller par les médias ou la police, comme cela vient d’être le cas pour Sam Hamad.Philippe Couillard lui-même n’est pas à l’abri. Au fur et à mesure que vont être révélés les dessous du scandale du CUSM, les questions vont surgir sur le rôle qu’il a joué et la responsabilité qu’il pourrait avoir, sinon dans la fraude que nous ont décrite les enquêteurs de la Commission Charbonneau, du moins dans le recrutement d’Arthur Porter pour diriger le CUSM après son fiasco à Détroit.Couillard devra aussi répondre de ses liens d’amitié avec Porter. Plus on en apprend sur ce personnage, plus on se demande comment un homme qui exerce aujourd’hui la fonction de premier ministre a bien pu s’en enticher. […]
Climat invraisemblable
Les Québécois ont oublié le climat invraisemblable qui régnait au lendemain de l’élection du gouvernement Couillard. Il faut relire les articles ou les éditoriaux du Devoir à l’époque pour en prendre toute la mesure surréaliste. Le jour même de l’assermentation avait été assombri par la nouvelle qu’un des 41 députés Libéraux réélus faisait « l’objet d’une enquête policière en lien avec des allégations de financement illégal du Parti libéral du Québec ».
À cette occasion, le ministre Pierre Moreau, actuellement en congé de maladie (une vraie, celle-là), avait eu ces paroles prémonitoires, « Je ne suis pas entré en politique pour être dans une organisation criminelle ».
Un autre article paru à la même époque, intitulé Financement : un cocktail entaché d’irrégularités met en scène les protagonistes actuellement sous les feux de la rampe. On y retrouve même le nom de Lino Zambito qui, dans une entrevue radio-diffusée, vient tout juste de mettre en cause de façon très spectaculaire Sam Hamad dans les stratagèmes de financement politique.
L’argent sale
Le dossier Bibeau est toujours en suspens. Pourtant, quelques semaines avant l’élection de 2014, Le Devoir n’y va pas de main morte en titrant L’UPAC vise l’argentier du PLQ sous Charest - Marc Bibeau est au cœur d’une enquête sur un système de financement illégal du parti sur fond de collusion. Point besoin d’être grand clerc pour anticiper l’effet qu’auront les accusations lorsqu’elles seront portées, ni pour comprendre que Philippe Couillard ne parviendra jamais à dissocier son gouvernement de ces pratiques. Pour y parvenir, il faudrait qu’il pose un geste très spectaculaire, comme de restituer tout l’argent sale accumulé par le PLQ sous Jean Charest, un argent dont le PLQ continue à se servir sous Philippe Couillard. Ne retenez pas votre souffle !
Le fiasco entourant le Rapport de la Commission Charbonneau a pu un certain moment laisser croire aux Québécois que les malversations qu’elle avait identifiées et documentées demeureraient impunies. J’étais pour ma part convaincu qu’il ne s’agissait que d’une question de temps, et j’en voyais pour preuve le comportement erratique de Philippe Couillard, notamment dans le dossier Anticosti. Le premier ministre savait que ce dossier pouvait se retourner contre le gouvernement Charest, et il lui fallait s’en dissocier complètement, quelles qu’en soient les conséquences pour le Québec.
L’arrestation spectaculaire de Nathalie Normandeau et de Marc-Yvan Côté le jour du budget allait démontrer que le gouvernement Couillard n’échapperait pas au destin qui était déjà scellé dès son élection. Largement déficitaire sur le plan de la légitimité dès le départ, il ne parviendrait pas à surmonter ce handicap dans un contexte où ses propres politiques le rendraient impopulaire et où son intégrité serait régulièrement remise en question. Sur ce second point, on a pu découvrir au fil des mois que l’héritage de Jean Charest ne faisait qu’amplifier ses propres failles et maladresses.
Philippe Couillard lui-même
La situation déjà difficile du gouvernement Couillard après le gouvernement Charest se complique en raison de la personnalité et des antécédents du premier ministre actuel. Ses liens avec l’Arabie Saoudite posent problème. Il a révélé avoir détenu un compte dans un paradis fiscal pour fins d’évitement, mais rien ne nous dit qu’il n’en possède pas d’autres sinon sa parole d’honneur.
Hélas pour lui, des décisions douteuses, des intérêts financiers suspects , et certaines transactions avec des personnages peu reluisants comme Arthur Porter ou Hans Peter Black avec lesquels il s’est associé en affaires l’ont exposé de trop près à des contextes de fraude et de malversations pour que l’on ne ressente pas un malaise totalement incompatible avec l’exercice de ses fonctions de premier ministre, et que ne se pose pas la question de la confiance qu’on peut lui accorder.
La documentation est accablante, comme on le découvre sur le siteDossierCouillard.com.
Philippe Couillard franc-maçon
Et comme si cela ne suffisait pas, il se rajoute une affiliation à la franc-maçonnerie, réputée pour son goût du secret et des jeux d’influence, deux notions en opposition totale avec la transparence avec laquelle doivent se traiter les affaires publiques à chaque fois que le bien commun et l’intérêt collectif sont en jeu.
À ce sujet justement, on se demande pourquoi, « après 9 ans d’existence, le 27 février 2014 plus exactement [2 mois avant les élections], la revue en ligne de la Grande Loge du Québec disparaissait subitement du cyberespace. »
Parmi les documents supprimés se trouvait « un texte datant de 2006 qui pouvait éventuellement nuire à la réputation du futur premier ministre. » Il s’agissait du discours d’accueil à une soirée-hommage organisée en l’honneur d’Arthur Porter. Philippe Couillard y était présent, en compagnie entre autres de Michael Applebaum, ancien maire de Montréal, arrêté pour corruption dans l’exercice de ses fonctions. Encore une fois, Couillard se retrouve en compagnie de personnages douteux. À croire que c’est sa malédiction !
Selon des informations plus récentes d’une source sûre, Philippe Couillard serait encore attaché ou aurait été attaché à l’une des deux loges maçonniques de Québec. Quand on fait de la politique, c’est ce qui s’appelle « chercher le trouble ».
Je termine sur une leçon tirée de mon expérience personnelle que j’ai déjà évoquée sur Vigile dans un article intitulé Il n’y a pas de secrets, seulement des vérités qui attendent leur moment pour éclater au grand jour :
S’il y a une chose que j’ai apprise dans ma vie, c’est que tout ce qu’on cherche à cacher finit toujours par émerger, souvent au moment le moins opportun. […] Et la chose est encore pire lorsque s’écroule d’un seul coup tout l’édifice de coupe-feux qu’on avait mis en place pour s’assurer que la vérité ne sortirait jamais au grand jour.
Philippe Couillard va apprendre à ses dépens que lorsque les secrets sont nombreux, il se mettent à éclater autour de soi comme des grenades. Son gouvernement sera vite détruit en lambeaux, et il ne parviendra jamais à terminer son mandat, comme je l’avais anticipé dès son élection.
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