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PUBLIÉ LE JEUDI 21 AVRIL 2016 À 22 H 33
PUBLIÉ LE JEUDI 21 AVRIL 2016 À 22 H 33
Prince en 2013, lors des Billboard Music Awards PHOTO : GETTY IMAGES/ETHAN MILLER |
Quand un artiste de légende tel Prince tire sa révérence, la première chose qui me vient à l’esprit après le choc de la nouvelle, ce sont les moments inoubliables qu’il m’a fait vivre en spectacle. Laissez-moi vous raconter deux nuits passées avec Prince Rogers Nelson.
Une critique de Philippe Rezzonico
À quel moment ai-je été le plus heureux avec le Prince? Lors du spectacle à Londres en 2007, ou lors du premier des deux à Montréal durant le Festival international de jazz quatre ans plus tard?
Curieusement, ni l’un ni l’autre n’étaient prévus à mon agenda. À l’été de 2007, je m’étais dirigé vers l’Angleterre pour assister au dernier spectacle de la tournée A Bigger Bang des Rolling Stones présentée à l’aréna O2. Je voulais vraiment assister une fois dans ma vie à une prestation des Stones sur leurs terres. Au même moment, Prince s'était également établi dans le O2, durant les mois d’août et de septembre : « 21 Nights In London », disait l’affiche.
De fil en aiguille - et avec le concours de bons contacts -, je me retrouve au spectacle du 28 août… dans la première rangée. Cette prestation, dans sa forme, certains d'entre vous l'ont vue à Montréal en 2011, avec la gigantesque scène en forme de guitare et du sigle de Prince. Double coup de poing d’entrée de jeu avec Let’s Go Crazy et 1999. Que demander de mieux? Deux heures et demie de spectacle avec Raspberry Beret, Little Red Corvette et Kiss au piano et trois rappels qui comprenaient Purple Rain etNothing Compares To You. Totalement comblé, mais il y a avait un dessert...
Durant cette résidence, après chaque spectacle en aréna, les musiciens de Prince montaient sur une petite scène durant la nuit dans une salle nommée Indigo, située dans le grand complexe du O2. L’Indigo a un peu la forme du Métropolis, mais une capacité plus proche de celle du défunt Spectrum de Montréal.
L’incendie londonien
Presque chaque nuit donc, Prince rejoignait ses musiciens pour interpréter une ou deux chansons. Mais pas toujours. On se croisait les doigts au bar, durant l’attente. Les portes de l’Indigo ouvraient à une heure du matin, mais ce n’est qu’à 2h30 que les lumières se sont enfin éteintes et que le rideau a révélé le groupe à nos yeux.
En fait, pas de groupe... Seulement Prince lui-même, qui nous tournait le dos, ainsi que deux musiciens (basse et batterie). Nous n’allions pas avoir droit à la présence de Prince pour une ou deux chansons, mais bien à une prestation complète en power trio!Je n’ai pas vu souvent des adultes allant de la vingtaine à la soixantaine réagir comme des enfants de cinq ans devant un cadeau de Noël.
Durant une heure bien tassée, Prince a interprété des chansons moins évidentes de son répertoire, mais surtout des succès de ses héros dans son style inimitable. Tu veux entendre Syl & the Familly Stone joué par Prince? Sans problème. Thank You For Talkin’ To Me Africa était la chanson d’ouverture. Il y a eu aussi The Impressions (People Get Ready) et the Staples Singers (When Will We Be Paid), quand Prince a revisité son héritage afro-américain à sa façon. Il a même repris l’hymne de Chuck Berry (Johnny B. Goode) en jouant de la guitare comme Stevie Ray Vaughan.
Mais le coup d’assommoir, du moins dans mon cas, c’est lorsque j’ai entendu A well’s blessed my soul après une longue ligne de guitare furieuse digne des années grunge. Quoi?! All Shook Up! Prince s’est payé la plus décapante et abrasive version du classique d’Elvis dans une mouture digne de Nirvana. Je suis sorti de la salle en état d’apesanteur.
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Le marathon montréalais
L’escale à Montréal en 2011, elle non plus, n’était pas prévue. Les spectacles annoncés par le FIJM ne figuraient même pas sur le programme tant l'ajout de Prince à la programmation s’est fait à la dernière minute. Mais aucun promoteur ne dit non à sa « majesté pourpre ».
Prévu le 24 juin à 23 h, le premier spectacle s’est amorcé à 23 h 30 dans un Métropolis bondé et surchauffé des grands soirs. Durant près de deux heures, Prince a joué à fond la carte du funk avec des versions irradiantes de Controversy, de Pass the Peas(James Brown), avec Maceo Parker, le saxophoniste du Godfather of Soul, et des relectures allumées de Crimson and Clover (Tommy James & the Shondells) et Waitin’ In Vain (Bob Marley). Mais quand il a quitté la scène à 1 h 15 du matin, on se disait qu’il allait revenir. Six fois plutôt qu’une…
Au retour du groupe, Prince a dit : « Dear Beloved… » Les premiers mots de Le’ts Go Crazy ont annoncé une séquence des plus torrides. Delirium a été intégrée à Let’s Go Crazy, puis 1999 a fait sauter le plafond et crouler le plancher. Puis ce fut Little Red Corvette… Prince était déchaîné et jouait de la guitare debout, à genoux ou en la tenant au-dessus de sa tête. Tout le monde dans le Métropolis avait oublié son nom. Nous n’étions que chair et musique.
Puis, autre sortie, et autre rappel. Et encore. Et encore… Le petit jeu a duré deux heures. Sept rappels en tout. On a eu droit à Musicology et à du Wild Cherry (Play That Funky Music), à du Sheila E (A Love Bizarre), l’ancienne protégée de Prince. Tout le monde était épuisé, mais Prince en voulait plus et personne ne désirait quitter. L’abandon total. Après une immense Purple Rain qui s’est terminée sur le coup de 3 h, on se disait que là, c’était la fin.
Et non… À 3 h 10, Prince est revenu et a lancé Raspberry Beret. Je suis à court de superlatifs pour vous décrire comment je me sentais. Et puis Cream, Cool, et, finalement, Prince a bouclé le tout avec Don’t Stop ‘Til You Get Enough, de Michael Jackson. Ou était-ce Cool en finale? Peu importe. À l’arrivée, ce fut un marathon de quatre heures.
Londres en 2007 ou Montréal en 2011? Bien incapable de départager, encore aujourd’hui. Mais les deux spectacles ont néanmoins un aspect en commun.
On dit parfois qu’on a vécu des soirées mémorables avec un artiste. Dans le cas de Prince, il s’agissait de nuits mémorables…
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