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lundi, février 15, 2016

L'impossible retour des réfugiés ayant fui Boko Haram

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Publié le 15 février 2016 à 11h01 | Mis à jour à 11h15
Un camion surchargé de voyageurs attend pour laisser... (PHOTO ARCHIVES AFP/STRINGER)
PHOTO ARCHIVES AFP/STRINGER
Un camion surchargé de voyageurs attend pour laisser monter à son bord d'autres personnes fuyant les islamistes de Boko Haram, dans le village de Mairi, près de Maiduguri, capitale de l'État du Borno, le 6 février.

PHIL HAZLEWOOD
Agence France-Presse
LAGOS
Les autorités nigérianes tentent de convaincre les dizaines de milliers de déplacés qui s'entassent dans des camps dans le nord-est du pays après avoir fui les exactions des islamistes de Boko Haram de retourner chez eux, mais peu y sont prêts en raison de la poursuite des attentats.
Le président Muhammadu Buhari et son gouvernement ont estimé qu'un bon nombre des deux millions de déplacés du conflit interne qui dure depuis sept ans pouvaient commencer à rentrer, assurant que l'armée avait le dessus sur les insurgés.
Mais les attaques se poursuivent, soulevant la question de savoir si la situation est suffisamment stabilisée.
Trente personnes ont été tuées vendredi et samedi où Boko Haram a pillé deux villages isolés du nord-est. Les islamistes visent aussi de plus en plus les camps de déplacés depuis novembre 2015, note Yan St-Pierre, analyste au Modern Security Consulting Group.
Mardi dernier, un double attentat a fait 58 morts dans le camp de Dikwa, à 90 km de la capitale de l'État de Borno, Maiduguri. En janvier, des kamikazes avaient déjà tenté de pénétrer dans un des plus grands camps de déplacés situé près de Maiduguri après une attaque qui avait fait 85 morts dans les environs.
«En faisant exploser des bombes dans un camp, ils peuvent faire monter la peur et compliquer les choses pour les réfugiés et le gouvernement», dit à l'AFP M. St-Pierre.
L'État de Borno - le plus touché par les violences - a annoncé vouloir renvoyer chez eux en février un tiers des quelque 150 000 déplacés vivant dans des camps de Maiduguri et de ses alentours.
Mais les déplacements hors de la ville restent déconseillés sans escorte militaire et un sénateur de Borno a affirmé la semaine dernière, malgré les dénégations du gouvernement régional, que les islamistes contrôlaient encore la moitié de l'État.
Pour un autre analyste, Fulan Nasrullah, spécialiste des questions de sécurité, la politique de retour des déplacés est «prématurée, très mal conçue et fondée sur une perception erronée de la situation par les dirigeants politiques d'Abuja», la capitale fédérale.
«L'État (de Borno) continue d'être le théâtre de combats importants en de nombreux endroits», dit-il.
Un «problème nigérian»
La situation rappelle celle de 2013, quand l'état d'urgence décrété dans trois des États du nord-est avait obligé Boko Haram à chercher refuge dans des zones reculées. Mais l'armée avait été incapable d'étendre son contrôle sur les campagnes et, en 2014, les insurgés avaient réussi à s'emparer de vastes territoires dans la région.
Cette fois-ci, la police et la défense civile doivent pouvoir «tenir le terrain dans les zones libérées» du nord-est, a assuré le ministre de la Défense, Mansur Dan Ali.
«Cela permettra aux soldats de se concentrer sur une progression vers d'autres zones d'opération sans avoir en même temps à maintenir l'ordre dans les zones libérées», a-t-il ajouté.
Mais, objecte M. Nasrullah, la police n'est pas préparée à faire la guerre et la population civile risque de payer le prix fort alors que le conflit a déjà fait au moins 17 000 morts.
«On ne peut raisonnablement s'attendre à ce que les policiers nigérians soient capables de résister aux attaques des insurgés avec leur armement relativement léger et leur entraînement», dit-il.
Une solution possible serait le recours à la Force d'intervention conjointe multinationale (MNJTF) mise sur pied par le Nigeria avec ses voisins (Niger, Tchad, Cameroun, Bénin).
Mais alors qu'elle devait se déployer en juillet, cette force de 8700 hommes, soutenue par l'Union africaine, n'est toujours pas opérationnelle, freinée selon M. St-Pierre par «des questions de prestige, de pouvoir et de souveraineté».
«Qui peut faire quoi et quand, qui pourra revendiquer les succès et, encore plus important, jusqu'où les soldats de la MNJTF seront-ils autorisés à pénétrer en territoire nigérian?», demande-t-il.
Tant qu'une stratégie commune n'aura pas été définie et une structure opérationnelle mise sur pied, la force en restera au stade «d'opération conjointe sur le papier», ajoute l'analyste.
Pour M. Nasrullah, la question dépasse ces aspects. Les voisins du Nigeria voient Boko Haram comme un «problème du Nigeria», même si les islamistes ralliés au groupe État islamique (EI) font des incursions chez eux.
«Les Nigériens et les Camerounais veulent repousser Boko Haram à l'intérieur du Nigeria. Au-delà, ils ne cherchent pas sa défaite», estime l'analyste.