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Le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau (archives) Photo : PC/Jacques Boissinot |
Dans un message publié sur Facebook vendredi après-midi, le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, qualifie de « pétard mouillé » l'enquête du quotidien La Presseportant sur les stratégies fiscales utilisées par Québecor World, à l'époque où il en était un des dirigeants. Il s'attaque du coup au propriétaire du journal, Power Corporation, qu'il accuse de faire des transactions financières dans des paradis fiscaux ou de manière à minimiser ses impacts fiscaux.
Selon La Presse, Québecor World a créé 10 sociétés ou succursales dans des pays réputés pour leur régime fiscal avantageux, comme la Suisse, le Luxembourg et l'Islande, entre 1998 et 2004. Dans la mesure où l'imprimeur n'avait ni usine ni imprimerie dans ces pays, ces décisions semblent avoir eu comme objectif, de l'avis des experts interrogés par le quotidien, de payer des impôts à un taux suisse, soit entre 2 % et 3 %, plutôt qu'à un taux supérieur, comme cela aurait pu être le cas au Canada.
« À partir de 1994, et jusqu'au décès de mon père, j'ai assumé la direction opérationnelle européenne d'Imprimeries Québecor, qui amorçait une stratégie d'expansion mondiale. Alors que j'apprenais le monde des affaires et que je gravissais un à un les échelons de l'entreprise, il y avait en place, une direction solide et aguerrie, composée de dirigeants d'expérience qui prenaient les décisions stratégiques au bénéfice des actionnaires et en respectant les lois et conventions fiscales de l'époque », écrit-il.
« Que ceux-ci aient mis en place des opérations visant à optimiser la fiscalité de l'entreprise était normal à l'époque et cela était vrai pour la vaste majorité des multinationales canadiennes. Par ailleurs, cela est une démonstration éloquente des offres commerciales que les banques canadiennes faisaient et font encore aujourd'hui auprès de leurs clients », poursuit le chef souverainiste.
« En octobre 1999, Imprimeries Québecor faisait une des plus grandes acquisitions de son histoire en acquérant World Color Press. C'est alors que Québecor World a fait son apparition. Celle-ci était une entreprise publique inscrite à la bourse, ayant une direction autonome de celle de Québecor. Ce n'est pas parce que le nom "Québecor" apparaît dans l'appellation d'entreprise de Québecor World qu'il faut conclure que c'est la même entité. C'est tout faux. »
Le chef du Parti québécois ajoute qu'il n'a « jamais mis en place de structure d'optimisation fiscale de nature "exotique" comme les qualifient les experts », à l'époque où il a été président et chef de la direction de Québecor et Québecor Média. « S'il devait y avoir eu des entités de ce type, c'est qu'elles existaient déjà dans les entreprises dont nous avons fait l'acquisition, notamment certaines filiales de Vidéotron, et nous les avons démantelées au fil du temps. »
M. Péladeau ajoute que les gestes qu'il a posés comme dirigeant d'entreprise sont « tout à fait conformes » avec ses prises de position en tant que chef du Parti québécois, et que son parti continue d'appuyer les efforts des pays membres de l'OCDE pour changer les conventions fiscales internationales. Il ajoute que le Québec devrait être un pays « pour exercer une pression » en ce sens sur les autres nations. Ottawa, conclut-il « n'est pas particulièrement pressé d'agir ».
« Voilà l'histoire du pétard mouillé de La Presse de ce matin. À quand un grand reportage sur les pratiques fiscales de Power Corporation dans La Presse? »— Pierre Karl Péladeau, chef du Parti québécois, dans un message Facebook
Une charge à fond de train contre Power Corporation
Outre cette réponse aux révélations de La Presse, le long message publié par M. Péladeau contient une attaque en règle contre Power Coporation. Il s'agit d'une deuxième attaque du genre en autant de jours. Jeudi, le chef péquiste s'était attaqué aux chroniqueurs du quotidien qui ont mis en doute certaines de ses récentes décisions.
« Mes amis du quotidien de Power Corporation du Canada ont décidé de m'en donner une petite ce matin... », commence-t-il dans son message intitulé « Récidive ».
« Avant de répondre plus en détail, je me permettrai de suggérer à celui qui tient la plume ainsi qu'à la direction du quotidien, incluant son président du conseil, André Desmarais, de se pencher également sur l'entreprise qui leur fait parvenir un chèque de paye chaque semaine », poursuit-il en détaillant quelques éléments de la structure de Québecor.
Il souligne notamment que Putnam Investments, propriété de Power Financial Corporation, détient des participations dans le holding Pargesa, « créé lors d'un "raid" de Paul Desmarais et de son associé, Albert Frère, sur le gouvernement français en 1981 ». Il cite à l'appui de cette attaque un extrait de la page Wikipédia consacrée à Paul Desmarais.
« Des milliers de transactions financières sont réalisées par Power Corporation du Canada tous les jours. [...] Est-ce que nos petits amis s'intéressent au fait qu'elles soient réalisées encore aujourd'hui dans des paradis fiscaux et/ou dans le but de minimiser les impacts fiscaux? Un travail herculéen à faire, mais certainement pas une commande de la direction. »— Pierre Karl Péladeau, chef du Parti québécois, dans un message Facebook
Dans une entrevue accordée à Gravel le matin, le professeur de droit fiscal de l'Université Laval André Lareau, qui a collaboré à l'enquête de La Presse, a souligné que la stratégie fiscale de Québecor World visant à payer moins d'impôts en bout de piste est « totalement légale », et qu'il s'agit là d'une « pratique courante » de grandes entreprises du monde.
Il n'en croit pas moins que ces révélations revêtent un intérêt public certain, entre autres parce que M. Péladeau a argué lors de son arrivée en politique que Québecor n'a jamais utilisé de « schemes fiscaux » pendant les 14 ans où il a été un membre de sa direction.
Aussi, « c'est pour dire aux gens, la moralité fiscale, c'est autre chose que le droit fiscal pur. C'est-à-dire qu'une stratégie peut être légale, mais est-ce que c'est moral? », soutient M. Lareau. « En 2016, est-ce qu'on est rendu ailleurs? Est-ce que les citoyens de ce pays, du Canada et d'ailleurs, sont prêts encore à ce que ça se fasse? [...] Les gens commencent à en avoir ras le pompon de ces stratégies-là ».
« Le passé de M. Péladeau est source de profond malaise pour l'ensemble du mouvement souverainiste », a commenté le député de Québec solidaire Amir Khadir dans un message publié sur Twitter.